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Grève massive en Afrique du sud

D 7 octobre 2010     H 04:39     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Le mois d’août 2010 a été marqué par la grande grève des fonctionnaires d’Afrique du
sud exigeant les augmentations de salaires et l’augmentation de la prime de logement.
Cette grève, comme le montre l’article qui suit, a ébranlé l’édifice gouvernemental de la
classe dirigeante. En effet, derrière les revendications sur le pouvoir d’achat, c’est un
véritable ras le bol de l’injustice qui s’est exprimé. Le ras le bol de cette élite ou prétendue
telle qui impose l’austérité au peuple mais qui use de ses pouvoirs et de ses relations pour
s’enrichir effrontément. La grève des fonctionnaires en Afrique du Sud est loin d’être
isolée, elle s’inscrit dans une combativité ouvrière qui s’est manifestée notamment à
travers les luttes des mineurs et de la chimie, à l’image des travailleurs de l’entreprise de
Bridgestone. L’Afrique du sud n’est pas un cas à part, comme en témoignent les luttes des
travailleurs du pétrole au Nigeria et au Gabon. A Madagascar, ce sont les travailleurs du
projet Ambatovy qui occupent le chantier tant que les engagements patronaux ne sont pas
tenus. Algérie, Tunisie, Sénégal, Sahara occidental, Djibouti, Egypte … Dans tous ces pays,
les résistances ouvrières apparaissent. Leur trait commun est de ne plus se laisser faire,
de ne plus baisser les bras. Comme le déclare le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly lors de
son soutien à la grève des salariés de l’agence d’Air France à Bamako « Je les encourage,
parce qu’il n’y a que comme cela qu’on pourra changer les choses en Afrique ». Et nous
autres, à Afriques en lutte, on est radicalement sur le même tempo !

Paul Martial


En Afrique du sud, les luttes sociales ne se sont pas arrêtées
avec la coupe de monde de football. Au contraire, ces
dernières semaines, un nouveau conflit massif et qualifié de
« dur » s’est déroulé dans ce pays, le deuxième au monde pour
ce qui est des inégalités sociales.

Lundi 6 septembre, après vingt jours de lutte, les syndicats
sud-africains ont « provisoirement » arrêté la grève de la fonction
publique. Ils se sont donnés trois semaines pour consulter leur
base et décider s’ils accepteront la proposition salariale du
pouvoir qu’ils avaient initialement rejetée.
La grève, commencée le 18 août dernier, avait mis en
mouvement 1, 3 million de membres de la fonction publique dont
les salaires sont souvent extrêmement bas (au point qu’on
pouvait lire sur les pancartes des manifestant-e-s : « les
prostituées gagnent plus que les enseignant-e-s »). Elle a surtout
touché les hôpitaux et les écoles, mais certains signes
annonçaient une extension au secteur privé. Ainsi, le syndicat des
mineurs, le NUM (National Union of Mines’ Workers), avait
annoncé le 27 août dernier une grève de solidarité pour le jeudi 2
septembre, avant de suspendre l’appel afin de permettre aux salariés et aux syndicats des services publics « d’étudier la
proposition salariale » du gouvernement. Avec 320 000 adhérente-
s, il s’agit de la plus grande fédération syndicale de branche en
Afrique du Sud, dont l’industrie minière est le premier secteur
économique.

Les salarié-e-s des services publics réclamaient une
augmentation générale de 8,6 % des salaires et une
revalorisation de l’allocation d’aide au logement, qui est
actuellement de 600 rands mensuels, à 1 000 rands (l’équivalent
de 107 euros) pour permettre aux fonctionnaires de se loger
dignement en suivant le coût réel des logements locatifs. Le
gouvernement propose désormais une augmentation de 7, 5 %
(après avoir d’abord proposé 7 %) et une revalorisation de
l’allocation logement à 800 rands, l’équivalent de 86 euros par
mois.

Hésitations

Les syndicats hésitent à accepter ces augmentations
inférieures à leurs revendications, mais ils doivent tenir compte
d’une baisse relative de popularité de leur mouvement. D’abord
massivement soutenu, celui-ci a perdu un peu de terrain parmi
les familles pauvres dans la mesure où les urgences des hôpitaux
ne fonctionnaient plus (des cas individuels de décès pour cette
raison étant même signalés). Les familles des milieux populaires
n’ont pas la possibilité, réservée aux élites de l’Afrique du Sud
post-Apartheid, de scolariser leurs enfants dans le privé ou d’avoir
recours aux cliniques privées.
Face à l’impact important de la grève, le gouvernement avait
mobilisé jusqu’à 4 000 militaires afin de travailler aux
urgences des hôpitaux, pour y « assurer les soins, la sécurité et
le nettoyage ». C’était le cas dans 64 hôpitaux au total. La
mobilisation des militaires – ajoutée aux heurts importants entre
grévistes et policiers – a contribué à produire des images
spectaculaires du mouvement social.
Dans les coulisses, se déroulait aussi une lutte politique
sourde entre les directions de l’ANC (African National Congress, le
parti au pouvoir) et celle de la confédération syndicale Cosatu,
forte de ses 2 millions de membres. La Cosatu forme avec le Parti
communiste sud-africain (SACP) et l’organisation de jeunesse du
parti dirigeant (Ancyl), une alliance soutenant en principe l’ANC,
mais réclamant des progrès sociaux… au lieu de laisser s’enrichir
une nouvelle bourgeoisie affairiste « noire » qui gravite autour de
la direction de l’ANC. À travers cette grève, la Cosatu a tenté
d’avancer dans le sens des intérêts des travailleurs tout en évitant
de couper totalement le « cordon ombilical » avec l’ANC, dont elle
était le « bras syndical » durant la période de la lutte contre
l’apartheid.

Bertold du Ryon