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Fin de manche à Madagascar ?

D 10 septembre 2009     H 11:46     A Pierre Sidy     C 0 messages


Le pouvoir de fait issu du putsch d’Antananarivo du 17 mars
2009 – au bout de trois mois de tensions extrêmes entre le
régime corrompu et autoritaire de Ravalomanana et un front
d’opposants politiciens laminés par la rapacité de ce « tycoon »-
chef d’Etat – a implosé au seuil de son sixième mois d’existence.
Le 6 octobre, l’autre tycoon, Andry Rajoelina, qui s’est
autoproclamé « président de la Haute autorité de transition » à la
chute de Ravalomanana, lâche en rase campagne son premier
ministre Monja Roindefo, héraut des « Forces du changement »,

une alliance hétéroclite et sans assise populaire de politiciens
opportunistes et de groupuscules ultra-nationalistes, droitiers et
staliniens.

Visiblement lassée par l’incapacité de Rajoelina à s’imposer aux
classes dirigeantes et à les unifier plus ou moins durablement sur
un axe qui la satisferait, la Françafrique – Guéant et Joyandet
eux-mêmes en première ligne – avec la complicité bienveillante
de Mouamar el Kaddafi, l’a laissé se piéger en le poussant jusqu’à
se faire humilier devant l’Assemblée générale des Nations-Unies
où l’interdiction qu’il prenne la parole (pratique inhabituelle en ce
lieu), demandée par la SADEC (Afrique australe), a été votée par
une majorité. En transit à Paris, après la claque subie à New-York,
il a fait des pieds et des mains pour être reçu par Sarkozy même
mais n’a eu droit qu’à une convocation de Guéant pour se voir
intimer d’annoncer qu’il appliquera les accords de Maputo du 9
août signés par les quatre mouvances (dont la sienne) identifiées
par la « communauté internationale » comme étant les
« protagonistes de la crise malgache ».

Il est patent que la Françafrique a gardé l’initiative tout au long
de cette crise, c’est-à-dire depuis décembre 2008. Alors que les
intérêts français passaient de plus en plus derrière ceux des
puissances concurrentes et même derrière ceux de puissances
émergentes sous Ravalomanana, la « réussite » de la
Françafrique dans sa manière de driver son « marchepied »
Rajoelina (cf. Afriques en lutte, n°2), en faisant alterner
provocations, surenchères et postures conciliantes, lui permet au
final de participer à la supervision du processus politique de
partage des pouvoirs cadré par les accords de Maputo et de
disposer de plus de marges que sous Ravalomanana pour
imposer les intérêts des Total, Bouygues, Bolloré etc. dans le
futur partage des marchés (miniers, pétroliers, portuaires et
autres).

Le grand hic pour ce grand deal entre les fractions dirigeantes
malgaches, sous les auspices d’une « communauté
internationale » qui s’accommode d’une Françafrique imposante,
c’est que la société civile organisée depuis plus d’une décennie et
largement structurée depuis la base a acquis une vraie légitimité.
Elle a été le maître d’oeuvre non politicien du « dialogue inclusif
pour une sortie de crise consensuelle, pacifique et dans l’intérêt
de la population » qui l’a permis. Le cours qui vient, avec son
cortège de flambée des prix, d’une période soudure dangereuse
pour les paysans, d’une mise au chômage massive de travailleurs
inhérente à la crise, d’un malaise étudiant et scolaire grandissant
etc. ne va pas manquer de solliciter les réseaux de société civile,
collectifs citoyens et confédérations syndicales… pour une autre
politique…

Pierre Sidy