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La CITES en a marre de la supercherie des autorités malgaches

D 16 février 2016     H 05:01     A     C 0 messages


Cette fois ci la CITES (Convention sur le Commerce International d’Espèces Menacées de Faune ou Flore Sauvage) semble prête à découdre avec le double jeu des autorités malgaches. Ni l’élection des autorités censées plus légitimes (par rapport au régime de Transition) pour faire appliquer les lois, ni les nombreux textes de lois et règlement censés sanctionner sévèrement le trafic, ni les menaces (depuis longtemps) de sanctions internationales n’ont eu effet sur le pillage de ressources naturelles malgaches dont les bois de rose.

Les déclarations tonitruantes de la Président de la république lors de sa prise de fonction il y deux ans ainsi que celles de l’actuel Premier ministre sur leur volonté et engagement pour mettre un terme à cet honteux trafic sont restés lettre morte. Les Malgaches l’ont compris depuis longtemps et le monde entier aussi apparemment si l’on prend en compte le dernier communiqué de la CITES sur le trafic illégal de bois de rose. Le Comité Permanent de la CITES a constaté le manque de progrès de Madagascar sur le commerce illégal de bois précieux.

Avant la réunion de la semaine dernière à Genève, le Secrétariat de la CITES et le gouvernement Malagasy ont tous deux soumis au Comité des rapports d’avancement de la mise en œuvre du plan d’action pour les bois précieux de Madagascar. Le rapport du Secrétariat de la CITES a identifié plusieurs domaines où aucun progrès n’a été enregistré ainsi que plusieurs cas d’exportations illicites de bois de rose, et ce malgré l’engagement du gouvernement malagasy en 2013 de prévenir la coupe, le transport et le commerce de ces bois précieux.

Madagascar a également présenté un plan d’utilisation des stocks de rondins saisis dans le but d’obtenir l’approbation de la CITES pour leur mise en vente. Le Comité n’a pas jugé ce plan convaincant, soulignant que le pays concentre trop d’efforts sur le rapatriement des stocks de bois de rose illégaux saisis à l’étranger, alors que peu de progrès ont été effectués pour appliquer la loi et contrôler les activités illégales sur le terrain.

Le Comité a décidé le maintien de l’embargo sur les bois précieux de Madagascar. Il a exhorté les autorités malagasy à faire montre de progrès significatifs, notamment sur l’inventaire des stocks actuels et l’arrêt des exportations illégales des rondins d’ici Septembre ; sinon le pays pourrait encourir des sanctions plus fortes. Décisions pleinement approuvées par WWF Madagascar selon la déclaration de Nanie Ratsifandrihamanana.

Cette dernière décision de la CITES a été très commentée à travers le monde. Le journal français « Le Monde » a noté que selon un diplomate au courant du dossier « tout le monde est fatigué par le double jeu des Malgaches ». Des millions de dollars ont été engagés pour aider le pays à mettre en place un plan d’action. La Banque mondiale, Interpol, l’Organisation mondiale des douanes, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime collaborent pour démanteler les réseaux mafieux tenus par les barons du bolabola, le bois de rose en malgache. En vain. Le trafic de bois de rose et la corruption qui l’accompagne ont en effet intimement pénétré l’Etat malgache jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir. Les barons font (et défont) de façon notoire les carrières politiques. Et bien que leurs noms soient régulièrement cités dans la presse ou par les ONG qui osent encore s’y attaquer, nul n’a jamais été inquiété. En juillet 2015, l’un des plus célèbres d’entre eux, Bekasy Johnfrince, a été arrêté au terme d’une longue enquête menée par le Bianco, le bureau anticorruption de Madagascar. Puis relâché après quarante-huit heures de garde à vue sans que le parquet n’engage de poursuites judiciaires.

Madagascar empile les lois interdisant le commerce du bolabola. La dernière d’entre elles a été adoptée par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015. Elle prévoit un alourdissement des peines : jusqu’à vingt ans pour les commanditaires et les exportateurs et dix ans pour les coupeurs de bois en forêt. Un tribunal spécial, basé à Antananarivo, et uniquement chargé de sanctionner ce trafic doit être créé. L’Alliance Voahary Gasy, qui regroupe une trentaine d’associations de défense de l’environnement, avait alors salué cette avancée tout en rappelant qu’à Madagascar « le problème, ce n’est pas les lois mais leur application ».

Notons que plus de 5 400 tonnes de bois ont été saisies sur les côtes malgaches ou dans les ports étrangers entre décembre 2013 et octobre 2015, selon le décompte publié par la CITES. La plus grosse prise – 3 372 tonnes – a eu lieu à Singapour en mars 2014. Au total, ces quantités colossales correspondraient à un volume de 35 000 à 40 000 arbres. Une catastrophe pour l’environnement malgache.

Mirana Rabakoniaina

Source : http://www.madagascar-tribune.com