Vous êtes ici : Accueil » Afrique australe » Madagascar » La peste à Madagascar

La peste à Madagascar

D 19 janvier 2014     H 05:10     A IRIN     C 0 messages


ANTANDROHOMBY - En 2013, la saison de la peste bubonique est arrivée plus tôt qu’à l’habitude à Madagascar. Il semble aussi que la prévalence d’une souche plus mortelle de la maladie ait augmenté.

Entre septembre et décembre, le ministère de la Santé a rapporté 42 décès connus et 84 cas de peste dans quatre districts sur les 112 que compte le pays. Les cas ont été enregistrés dans divers lieux géographiques : Mandritsara, dans le nord, Soanierana Ivongo, dans le nord-ouest, Ikongo, dans le sud-ouest, et Tsiroanomandidy, dans les hauts plateaux centraux.

La peste, communément appelée « mort noire » en raison de la couleur des bubons - les ganglions lymphatiques infectés - qui sont caractéristiques de la maladie, est causée par la bactérie Yersinia pestis et existe depuis plusieurs millénaires. La bactérie est transmise à l’homme par la piqûre d’une puce infectée. Les puces des rats et des autres rongeurs sont les premiers vecteurs, mais d’autres animaux ou insectes peuvent aussi être porteurs de la bactérie.

Dr Voahangy Ravaoalimalala, directrice adjointe de l’Institut Pasteur de Madagascar, qui effectue des tests de détection des agents pathogènes pour le ministère de la Santé à Antananarivo, a dit à IRIN : « La peste bubonique peut facilement être traitée avec des antibiotiques, et elle met du temps à se développer, mais, cette fois, des cas de peste pulmonaire ont aussi été identifiés. Cette forme est plus difficile à traiter, car elle peut tuer le patient en l’espace de trois jours seulement. »

La plupart des personnes atteintes souffrent de la forme bubonique de la peste. Après une période d’incubation de deux à huit jours, le patient développe de la fièvre, se met à frissonner et ses ganglions lymphatiques enflent pour former les bubons. C’est là que la bactérie s’installe et se multiplie. Il existe cependant deux autres formes communes : la peste septicémique, dont le taux de létalité est, à 50 pour cent, plus élevé que celui de la peste bubonique, et la peste pulmonaire, qui est mortelle dans tous les cas à moins que le patient prenne des antibiotiques dès l’apparition des symptômes.

Selon le ministère de la Santé, 300 à 600 cas de peste bubonique se produisent chaque année à Madagascar, généralement entre octobre et mars. Les cas et les décès sont survenus dans des endroits relativement isolés, mais une certaine anxiété règne malgré tout dans la capitale, Antananarivo, une ville densément peuplée, en particulier depuis que les médias locaux ont rapporté un cas présumé de peste à Manjakandriana, à 20 km de là.

Il y a deux semaines, des responsables ont annoncé que les coffres municipaux étaient vides et qu’il n’y avait plus d’argent pour le ramassage des déchets. L’accumulation des ordures dans les rues de la ville favorise la prolifération des rats et des souris. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Union européenne (UE) ont donné de l’argent et des équipements et mobilisé des volontaires pour aider à l’enlèvement des ordures.

À la suite du coup d’État de mars 2009, lors duquel Andry Rajoelina a renversé, avec le soutien de l’armée, le président Marc Ravalomanana, qui avait été élu à deux reprises, les bailleurs de fonds ont cessé de verser de l’argent à Madagascar - à l’exception des fonds consacrés à l’aide d’urgence. Le pays dépendait pourtant fortement de cet argent. Pour compenser le déficit de financement, le gouvernement de M. Rajoelina a annoncé des coupes claires dans les services publics, y compris dans le secteur de la santé.

Les bailleurs de fonds devraient recommencer à verser de l’argent au pays si le second tour des élections présidentielles - qui a eu lieu le 20 décembre, mais dont les résultats sont pour l’instant partiels et contestés - est jugé libre et juste.

En 2011, Victorine Raheliarinoro, une mère de quatre enfants de 52 ans qui cultive du riz à Antandrohomby, un village situé dans les hautes terres à 35 km à l’est d’Antananarivo, a amené sa fille de huit ans à la clinique la plus proche, à environ 5 km de là, après avoir constaté qu’elle était fiévreuse. En voyant ses ganglions enflés, le médecin a soupçonné un cas de peste bubonique et prescrit des antibiotiques à la fillette. Lorsqu’un garçon du village est lui aussi tombé malade et a été amené à l’hôpital, des responsables de la santé se sont rendus dans le village.

« Ils ont donné des médicaments à tous les membres de la famille et ont pulvérisé de l’insecticide dans nos maisons », a dit Mme Raheliarinoro à IRIN. Les deux enfants ont été guéris et la propagation de la maladie a été stoppée. « J’ai entendu à la radio que de nombreuses personnes étaient mortes de la peste dans le nord, alors j’ai dit aux enfants de rester propres. Nous nettoyons aussi la maison et la cour tous les jours pour que les rats ne puissent pas y entrer », a-t-elle dit

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 21 725 personnes ont été contaminées par la peste dans le monde entier dans la première décennie du XXIe siècle et 1 612 d’entre elles en sont mortes ; le taux de létalité de la peste pour cette période est donc de 7,4 pour cent.

Dans de nombreux pays, la maladie a reculé à la suite de l’élargissement de l’accès à la médication, de la construction de logements à l’épreuve des rongeurs et de l’amélioration de l’hygiène urbaine. Dans les villages des hauts plateaux de Madagascar toutefois, les rats prolifèrent en raison des conditions de vie et du fait que les gens stockent souvent les récoltes de riz dans les maisons. Cette situation rend le pays plus vulnérable aux épidémies de peste.

Selon l’OMS, la peste bubonique est endémique dans de nombreuses régions d’Afrique, et « les pays africains les plus durement touchés sont Madagascar, le Mozambique, l’Ouganda, la République démocratique du Congo et la République unie de Tanzanie ».

Campagnes de sensibilisation

Selon la directrice adjointe de l’Institut Pasteur de Madagascar, Mme Ravaoalimalala, qui a travaillé pour le Département de la santé publique dans les années 1980, le gouvernement met systématiquement en place des campagnes de santé publique sur la maladie avant et pendant la saison de la peste. Il demande ainsi aux citoyens de contacter les autorités de santé s’ils voient des rats morts ou si deux personnes meurent d’une mystérieuse maladie dans un village ou au sein d’une famille.

En général, le système fonctionne. « Cette année, le message n’a pas passé ou les gens n’ont pas écouté », a-t-elle dit à IRIN. « Chaque année, ils réussissent à trouver les cas de peste et à s’assurer qu’il n’y a pas d’épidémie. »

Les responsables de la santé doivent également combattre les superstitions au sujet de la maladie, « en particulier dans les villages isolés, [où] les gens pensent que la peste est le résultat d’une malédiction. Ils pensent que les voisins leur ont jeté un mauvais sort et vont donc voir un guérisseur traditionnel. Certains de ces guérisseurs pratiquent une entaille dans l’enflure du ganglion pour tenter d’en faire sortir le mauvais esprit et se retrouvent eux aussi infectés », a dit Mme Ravaoalimalala.

La peste aurait été introduite sur l’île de Madagascar en 1898 par des rats infectés présents à bord de navires en provenance de l’Inde. Les campagnes de vaccination, l’amélioration des logements et de l’hygiène publique, la découverte de la streptomycine et l’utilisation des insecticides ont permis de contrôler la propagation de la peste dans les années 1950.

Au cours des 30 années suivantes, seulement 20 à 50 cas annuels ont été rapportés à Madagascar. Depuis 1989 cependant, le nombre de cas présumés ne cesse de progresser. Les Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC), situés aux États-Unis, estiment à environ cinq millions la population des hauts plateaux malgaches exposée à la peste.

Source : http://www.irinnews.org