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MADAGASCAR : Déclin du secteur de la santé

D 21 juin 2012     H 05:31     A IRIN     C 0 messages


ANTSOHIHY - Le Centre de Santé de Base (CSB) II d’Anjalajala, près d’Antsohihy, la capitale de la région de Sofia, dans le nord du pays, est situé dans un édifice récemment rénové. Son statut de CSB II signifie qu’un médecin formé y est disponible. Or, celui qui y travaillait est parti pour la capitale, Antananarivo, en 2002 et il n’a pas été remplacé depuis. Lorsque l’infirmier du centre est absent, aucun service n’est offert.

Un gardien qui balaye la cour explique que le travailleur de la santé est parti rendre visite à sa mère et qu’il ne sera de retour que dans une semaine.

Cette clinique n’est pas un cas à part. Le système de santé malgache, qui présentait déjà certaines lacunes, a amorcé son déclin depuis que la communauté internationale a qualifié de coup d’État l’éviction de Marc Ravalomanana de la présidence par Andry Rajoelina en 2009 et que les donateurs ont cessé d’octroyer au pays toute aide [ http://www.irinnews.org/fr/Report/84129/MADAGASCAR-Les-événements-politiques-éclipsent-la-crise-humanitaire ] non humanitaire.

En l’absence de soutien de la part des bailleurs de fonds, le gouvernement malgache a procédé à des coupes [ http://www.irinnews.org/Report/92236/MADAGASCAR-A-poor-country-gets-poorer ] draconiennes dans le budget des services sociaux. En 2010, les dépenses de santé ont diminué de 30 pour cent par rapport à l’année précédente. Le budget de la santé pour 2012 a été réduit de moitié par rapport à 2011.

L’une des conséquences de ces coupes est la fermeture de nombreux centres de santé communautaires. Selon les chiffres du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), 214 centres de santé avaient fermé leurs portes en janvier 2011, la plupart à cause d’une pénurie de travailleurs de la santé.

En région, il arrive souvent que les travailleurs de la santé ne reçoivent pas leur salaire. Nombre d’entre eux migrent donc vers les villes, où ils peuvent obtenir des emplois mieux payés dans le secteur privé.

Le réseau de centres de santé communautaires a été créé dans les années 1980 dans le cadre d’un programme national de santé prévoyant le déploiement de travailleurs de la santé dans les régions isolées du pays. L’objectif était d’instaurer l’accès universel aux soins de santé avant 2000. En 2004, le ministère de la Santé répertoriait près de 3 000 centres, ou CSB, sur son site internet.

Ces centres devaient offrir les services d’un infirmier qualifié et, dans certains cas, d’une sage-femme. Le ministère de la Santé devait par ailleurs donner à l’ensemble du personnel une meilleure formation que celle qu’il proposait auparavant.

Si l’objectif de l’accès universel aux soins de santé n’a jamais été atteint, des progrès ont cependant été faits dans les années précédant la crise. En 2006, des pénuries de personnel et d’équipements ont été constatées dans plusieurs CSB et 197 d’entre eux ont été rénovés et rééquipés.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’espérance de vie moyenne a augmenté, la poliomyélite était sur le point d’être éradiquée et la mortalité infantile était passée de 98 à 58 décès pour 1 000 naissances vivantes entre 1993 et 2006.

Recul des progrès réalisés avant 2009

Même avant la crise toutefois, seuls les Malgaches qui habitaient les régions desservies par des routes - c’est-à-dire entre 60 et 70 pour cent de la population seulement - avaient accès aux soins de santé. Nombre d’entre eux devaient parcourir 10 kilomètres ou plus pour obtenir des soins. Avec la fermeture des centres de santé, les habitants ont dû parcourir des distances encore plus grandes et une bonne partie des gains obtenus avant 2009 ont été annulés.

« On entend souvent parler de patients qui ont d’abord essayé de consulter un médecin dans un dispensaire public, mais qui n’ont pu voir personne là-bas », a dit Adrien Ralimiarison, chirurgien et directeur du Baptist Good Hope Hospital, à Mandritsara, qui se trouve aussi dans la région de Sofia. « Par ailleurs, à cause de la crise, les gens attendent souvent d’être très malades avant d’aller voir un médecin. »

D’après Achu Lordfred, conseiller technique sur la santé reproductive auprès du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), de nombreux centres de santé fonctionnent mal à cause d’une combinaison de questions systémiques incluant le manque de formation. « Les travailleurs de la santé ne sont pas adéquatement formés en santé communautaire. C’est pourquoi ils restent assis et attendent que les patients viennent les voir au centre de santé », a-t-il dit. « Si le centre n’a pas les fournitures ou les médicaments nécessaires pour soigner les patients et que la seule chose que le travailleur de santé peut faire est de les adresser à l’hôpital de la ville la plus proche, les gens ne viendront plus dans les CSB. »

Payer la facture

Si les traitements sont gratuits pour les pauvres, ceux-ci doivent néanmoins défrayer le coût du trajet pour se rendre jusqu’à l’hôpital et débourser pour d’autres services une fois arrivés. Les fonds insuffisants dont disposent les hôpitaux les obligent à exiger que les patients et leurs familles payent pour les fournitures élémentaires comme les draps, les bandages et la nourriture. On s’attend par ailleurs à ce qu’ils offrent un cadeau au médecin traitant pour le remercier.

En dépit de son statut de principal établissement dans une région qui compte un million d’habitants, l’hôpital d’Antsohihy manque des fournitures les plus élémentaires, comme la nourriture et les matelas pour les patients, et son unité de maternité dépend du matériel donné par l’UNFPA.

Briand Zafinandriamanalina, le directeur de l’hôpital, a dit que le gouvernement avait récemment cessé de verser de l’argent dans le fonds d’équité social utilisé pour offrir gratuitement des soins de santé aux pauvres. « Il reste maintenant 3 000 dollars [dans le fonds] pour cette année », a-t-il dit à IRIN. « Si nous n’avons pas plus d’urgences et d’accidents de la route qu’à l’habitude, nous pourrons tenir pendant quelques mois, mais si un gros accident survient, l’argent qui reste risque d’être utilisé en l’espace de quelques jours. »

M. Zafinandriamanalina a ajouté que les hôpitaux manquaient aussi de spécialistes. Dans de nombreux hôpitaux régionaux, il n’y a qu’un seul chirurgien et il doit pratiquer toutes les opérations. « Les médecins spécialistes vivent dans la capitale et ne veulent pas venir travailler en région », a-t-il dit.

M. Lordfred, de l’UNFPA, a fait remarquer que les médecins généralistes de Madagascar n’étaient pas formés pour prodiguer certains soins médicaux d’urgence comme les césariennes. « Cela les rend beaucoup moins efficaces en région », a-t-il ajouté.

Manque de fonds du ministère de la Santé

Puisque la crise politique semble sans issue et que la levée des sanctions n’est pas pour demain, les ONG internationales ont décidé de mettre en commun leurs efforts pour permettre au système de santé malgache de poursuivre ses activités - avec des résultats mitigés. L’UNICEF, l’OMS et l’UNFPA se sont donc impliqués dans la formation des travailleurs de la santé et la fourniture de médicaments essentiels aux centres de santé afin que ces derniers puissent continuer d’offrir des soins à la population. Selon la Banque mondiale, le financement extérieur du secteur de la santé est passé de 92 à 160 millions de dollars entre 2008 et 2010.

En l’absence d’une politique nationale pour établir les priorités, coordonner les efforts et mettre en ouvre des initiatives toutefois, les efforts d’aide demeurent fragmentés et le système de santé poursuit son déclin. À cause des sanctions, l’aide doit être adressée directement aux centres de santé, aux hôpitaux ou aux ONG locales plutôt qu’au ministère de la Santé.

L’an dernier, l’UNFPA a cherché à recruter 50 sages-femmes pour les centres de santé situés en région. L’organisation n’en a trouvé que 28, car les sages-femmes qualifiées préfèrent elles aussi travailler en ville et les agences gouvernementales qui régissaient auparavant leur formation et leur affectation n’existent plus. « Il y a plusieurs façons d’attirer et de retenir les médecins dans les régions isolées », a dit M. Lordfred. « Il faut cependant pouvoir leur offrir une formation appropriée et de meilleures conditions de travail. »

Source : http://www.irinnews.org