Vous êtes ici : Accueil » Afrique australe » Madagascar » Madagascar : vers un après-référendum troublé

Madagascar : vers un après-référendum troublé

D 15 décembre 2010     H 04:25     A Pierre Sidy     C 0 messages


Le 17 novembre 2010 les électeur-trice-s malgaches ont été
appelé-e-s aux urnes pour se prononcer sur un projet de
constitution pour la 4e république concocté par le régime
putschiste de la Haute autorité de la Transition (HAT) du tycoon
Andry Rajoelina qui, le 17 mars 2009, a chassé de la présidence
l’autre tycoon Marc Ravalomanana. Référendum controversé dans
son initiative et sa conception autant que dans son organisation.
En prime, le 20 décembre se tiendront les communales.

Le référendum se veut être un « gage de démocratie »
(découlant de la Conférence nationale pro-Rajoelina de
septembre) pour la reconnaissance internationale tant recherchée
de la transition actuelle dont pourtant la caractéristique principale
est son unilatéralisme. Il s’agit d’un référendum-plébiscite pour
Rajoelina : le 46e des 168 articles du projet constitutionnel (qui,
pour le reste, est quasi identique à la constitution présidentialiste
de 1997 amendée sur des points mineurs en 2003) rabaisse de
40 à 35 ans l’âge à partir duquel il est possible de candidater à la
présidentielle : l’ex-disc-jockey a 36 ans…
Les pires méthodes de manipulation ont été convoquées pour
faire gagner le « Oui » : une Commission électorale nationale
« indépendante » (CENI) aux ordres ; une liste électorale
prétendument refondue (réduite de 300 000 inscrits) mais
probablement juste révisée ; des bulletins de vote pré-cochés
« Oui » largement distribués par des fonctionnaires dans certains
districts moyennant rétribution ; une opération « Tsena mora »
(vente bon marché et à grande échelle de ppn (produits de
première nécessité) comme le riz, l’huile et le sucre ; des projets
« sociaux » lancés à grand renfort de publicité, en dépit des
critiques portant sur l’opportunité de ces initiatives en pleine
campagne.
Le processus électoral mené au forcing par la HAT s’est
déroulé dans un contexte général, politique, économique et social
plus que critique. L’Union européenne comme les USA ont
suspendu leur aide (ce qui donne l’occasion aux putschistes de
fanfaronner qu’ils tiennent tête à l’Occident et comptent sur leurs
partenaires chinois, turcs, iraniens, pakistanais et israéliens !).
Rajoelina lui-même et ses acolytes sont sur la sellette pour
bradage de ressources nationales (dont le bois de rose). Mais
l’opposition politicienne tergiverse sur les perspectives : les
fractions des anciens présidents (Ratsiraka, Zafy, Ravalomanana)
restent plombées par le discrédit marquant leur mandat, les
principaux dissidents de la HAT sont, quant à eux, décrédibilisés
du fait de leurs incohérences. Le bras de fer politicien se
cantonne en surenchères clientélistes.
Les expressions citoyennes indépendantes se multiplient
heureusement. Depuis un mois, un mouvement gréviste perlé
touche plusieurs secteurs, particulièrement le port de Toamasina,
la magistrature puis les fonctionnaires. Une alliance des
enseignants et chercheurs avec leur syndicat et des étudiants
bloque les six universités publiques. Un sit-in bruyant de femmes
a entamé un mouvement contre la vie chère… Bref, un
débordement par ses ailes radicales de la société civile organisée,
dont la direction bureaucratique s’époumone à ramener les
fractions politiciennes à la table de négociation pour une sortie de
crise inclusive et consensuelle, commence à prendre forme… Les
revendications catégorielles auront–t-elles ouvert la voie à une
réelle dynamique politique ? L’après-référendum nous le dira…

Pierre Sidy