Vous êtes ici : Accueil » Afrique australe » Maurice » DES HEREROS, DES PALESTINIENS ET D’AUTRES ANIMAUX HUMAINS

DES HEREROS, DES PALESTINIENS ET D’AUTRES ANIMAUX HUMAINS

D 18 novembre 2023     H 05:00     A LALIT     C 0 messages


Le 12 janvier 1904, un groupe de Hereros, une tribu d’éleveurs de bétail, se rebelle et attaque une garnison allemande à Okahandja en Namibie. Plusieurs fermiers blancs sont tués, des chemins de fer sabotés et des exploitations agricoles incendiées. Les journaux allemands et français déplorent la sauvagerie de l’attaque. Des illustrations montrent des Noirs agressant des femmes de colons. L’émotion est à son comble dans le deuxième Reich. Il faut se venger et agir avec une fermeté exceptionnelle. Enfin, rien que de la légitime défense ! Qui n’a pas droit à se défendre ?

Le 11 juin, un général allemand, Lothar von Trotha, est envoyé avec plus de 10 000 soldats pour écraser la révolte des Hereros. Vite encerclés, certains tentent de fuir vers le désert du Kalahari où les points d’eau ont été empoisonnés. En quelques semaines, des milliers de Hereros mourront. Soit sous les balles allemandes soit de faim ou de soif. Les survivants seront déportés dans des camps de concentration, où, soumis à des travaux forcés et autres exactions, plusieurs milliers d’autres périront. Le général a pour ambition de créer un territoire entièrement blanc sur le continent africain. Entre 1904 à 1908, on estime qu’environ 80 % de la population des Hereros aura été massacrée par des soldats allemands. Enfin, rien qu’un simple nettoyage ! Qui n’aime pas la pureté

Ils l’auraient bien cherché, ces Hereros ! Qu’avaient-ils à attaquer des allemands, représentants d’une civilisation supérieure ! Ils auraient dû se réjouir, ces sauvages, qu’on ait confisqué leur terre. Ils auraient dû dire merci, ces barbares, qu’on leur ait poussés hors de leur territoire. Ils auraient dû ramper, ces autochtones, devant les colons venus les remplacer. D’ailleurs que feraient-ils, ces brutes, des diamants qu’on venait de découvrir sur leur terre !

Ce n’est qu’un siècle plus tard, en aout 2004, que l’Allemagne, tout à son honneur, reconnaitra sa responsabilité dans le génocide des Hereros et présentera ses excuses à la Namibie.

La seule chose qu’on apprend de l’histoire c’est qu’on n’apprend rien de l’histoire, disait, fort justement, le philosophe allemand Hegel. Pour les médias occidentaux, l’histoire de l’occupation de la Palestine et du résultant conflit débute le 7 Octobre 2023. Qu’en Occident, on découvre un amour subit et qu’on soutient inconditionnellement des gens qu’on ait persécuté pendant près de deux millénaires une fois qu’on les ait éloignés de soi, est, surprenant, pour dire le moins. Mais on n’attend pas d’un animateur d’un média occidental qu’il soit objectif, on n’attend même pas qu’il soit impartial. Avec leur rhétorique outrancièrement partisane, ils se comportent plus comme des co-belligérants. Comme des porte-parole de Tsahal [edit. Israeli Defense Force] pour l’immense majorité d’entre eux… Les bombes tuent. Tout comme la désinformation.

Ainsi, après chaque attaque commis par un militant de la cause palestinienne, on traîne un activiste ou autre, qui ne s’aligne pas systématiquement sur la politique israélienne sur un plateau médiatique, histoire d’établir une hypothétique balance, pour lui demander de qualifier l’attaque de terroriste. Il essaie de contextualiser, on lui rétorque qu’il est en train de justifier le terrorisme. Il explique que si le terrorisme est l’emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique et que si le militant de la cause palestinienne est un terroriste, l’armée qui l’occupe et le persécute depuis des décennies l’est encore plus, on lui traite d’apologue du terrorisme. Il explique que déplacer tout une population d’un territoire est du nettoyage ethnique, on lui répond qu’il doit comprendre le désir de vengeance qui anime la société israélienne. Il affirme que la mort des civils israéliens est condamnable, on lui demande de condamner la décapitation de quarante bébés, il répond qu’il ne peut condamner des faussetés, on l’accuse d’antisémitisme. Il explique que priver plus d’un million d’êtres de nourriture, d’eau et d’électricité est inhumain, on lui fait savoir que, justement, un traitement humain est réservé aux humains.

Qui est un être humain ? Pas un rat ni un cancrelat. Pas une bête, certainement. Avant chaque génocide, il faut déshumaniser ceux qu’on veut massacrer. Les Hereros furent traités de sauvages avant la tentative de les exterminer, les Tutsis furent traités de cancrelats, dans le tristement célèbre Radio Mille-Collines, avant que les Hutus n’essayèrent de les anéantir, les juifs furent traités de rats pendant la Deuxième Guerre Mondiale avant qu’ils furent envoyés dans les camps de concentration, et, maintenant les Palestiniens. Des animaux humains…

Les Indiens des Amériques sont-ils des humains ? Ont-ils une âme ? Le débat, en 1550, qui va être connu comme la ‘controverse de Valladolid’ tente de répondre à ces questions. Le jury n’arrive pas à une conclusion définitive. En marge de l’exposition coloniale de 1931 à Paris, des Kanaks, originaires de la Nouvelle Calédonie, dont l’arrière-grand-père du célèbre footballeur, Christian Karembeu, sont exposés comme des animaux au bois de Boulogne. Ce n’est qu’en 1945 qu’ils passent au statut de citoyens “autochtones”. Depuis le début de la colonisation britannique, les Aborigènes sont classés comme ‘élément de la faune et de la flore australienne’ et gouvernés comme tels. C’est au terme d’un référendum en 1967 qu’ils accèdent à la citoyenneté. En 1982, le Premier Ministre, Menachem Begin, dans un discours à la Knesset traite les Palestiniens de ‘bêtes qui marchent sur deux pattes’. En 1988, c’est au tour d’un autre Premier Ministre, Yitzhak Shamir, de considérer les Palestiniens comme des ‘sauterelles’ dont ‘les têtes doivent être fracassées contre les rochers et les murs’. En octobre 2023, nous apprenons qu’ils sont des animaux humains. De bête à sauterelle à animal humain. Chaque peuple marche vers son humanisation à un rythme différent. Depuis des décennies, les Palestiniens marchent. Ils marchent sur la piste de larmes. Comme jadis avaient marché les fils d’Israel...

Aanas Ruhomaully

Source : https://www.lalitmauritius.org/