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Un an plus tard, le journalisme est toujours muselé au Burundi

D 27 mai 2016     H 05:41     A Reporters sans frontières     C 0 messages


Un an après la tentative de putsch de mai 2015 et le début de la “crise burundaise”, le pouvoir maintient sa mainmise sur l’information dans le pays.

Samedi 14 mai, cela fera un an que les radios privées de Bujumbura ont été attaquées et fermées. Les locaux de la Radio Publique Africaine (RPA), empêchée d’émettre depuis le 27 avril 2015, et des radios Isanganiro, Bonesha FM, Renaissance et Rema FM ont été détruits et placés sous scellées pour enquête. Officiellement, il s’agissait d’identifier les responsables des attaques contre les radios, ainsi que la responsabilité supposée de ces mêmes radios dans les évènements du putsch. A ce jour, aucun résultat d’enquête n’a été rendu et la majorité des radios demeurent fermées.

“Le gouvernement doit adopter une position claire vis-à-vis des médias qui demeurent fermés et de leurs directeurs et journalistes qui sont toujours poursuivis, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). Les résultat des enquêtes sur les radios doivent être publiés afin de permettre leur réouverture en toute sécurité juridique. De même, le gouvernement doit fournir des garanties de sécurité aux journalistes en exil et au Burundi afin qu’ils puissent faire leur travail librement.”

Seules deux des radios ont été autorisées à rouvrir : l’une proche du pouvoir, Rema FM, et la radio Isanganiro. Leurs responsables ont dû signer un acte d’engagement limitant leur ligne éditoriale. Mais les stations ne sont pas logées à la même enseigne en fonction de leur proximité ou distance avec les autorités. Selon les témoignages de certains journalistes, la rédaction d’Isanganiro, radio indépendante, est sous pression. Le pouvoir n’a pas hésité à convoquer les responsables de la radio pour les menacer de suspension après une émission qui lui avait déplu. En revanche, Radio Rema s’est vu attribuer une compensation de 4 milliards de francs burundais (plus de deux millions d’euros) de dommages et intérêts par la Cour d’appel de Gitega dans le cadre du procès des putschistes qui a rendu ses conclusions le 9 mai 2016.

La décision de rouvrir certaines radios a été prise de façon unilatérale et non en fonction des résultats de l’enquête. Le document autorisant leur reprise précise qu’elles peuvent à nouveau être fermées du jour au lendemain sur simple décision du procureur. Ainsi, le pouvoir s’arroge le droit de vie ou de mort sur les médias et tente par tous les moyens de contrôler le discours journalistique. Dernière mesure en date, le vice-président du Conseil national de la communication (CNC), Gabriel Bihumugani, qui, lors d’une conférence de presse le 29 avril 2016, a rendu obligatoire l’enregistrement des journalistes ainsi que la publication des rapports financiers et narratifs des organes de presse, qui devront “préciser comment le budget a été utilisé”. Cette mesure concerne aussi bien les organes de presse publics que privés.

Plus d’une centaine de journalistes ont été forcés à l’exil au cours de l’année. Certains ont créé des bulletins d’information émettant depuis l’étranger, tels le journal de la radio Inzamba ou l’émission “Humura-Burundi”, mais la viabilité à long terme de ces médias est toujours en question. En plus des deux radios, le journal Iwaçu continue de paraître. Son directeur, Antoine Kaburahe, récompensé pour son courage par la médaille de la Ville de Paris, dirige son média depuis Bruxelles, puisqu’il avait fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Ses équipes doivent redoubler de prudence dans leur travail pour éviter les représailles, au point que certains journalistes n’osent même plus signer leurs articles.

Quant au dernier né de la scène médiatique burundaise, SOS Médias Burundi, il continue de “couvrir la #BurundiCrisis en 2.0”, 24h/24, 7 jours/7 via les réseaux sociaux. Ses reporters oeuvrent à la diffusion de photos, de vidéos et de reportages pour témoigner de la réalité du terrain. Ils doivent rester anonymes et ne se connaissent parfois même pas entre eux, l’unique façon de se protéger face aux dangers quotidiens.

Le Burundi occupe la 156ème place sur 180 pays au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2016. Le pays a perdu 11 rangs par rapport à l’année précédente.