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Cameroun : L’ETAT AMORCE LA PHASE TERMINALE DE VALIDATION !

D 20 mai 2014     H 05:58     A RACE (Cameroun)     C 0 messages


Après sa « non objection » honteusement rendu publique le 17 décembre 2013, le gouvernement s’apprête vraisemblablement à donner son accord définitif à la cession des actifs du groupe américain AES Corporation au fonds britannique ACTIS. En effet, dans une note adressée au Premier Ministre/Chef du gouvernement datée du 28 février 2014, le Ministre de l’eau et de l’énergie (MINEE), M. Basile ATANGANA KOUNA, demande « … l’autorisation de signer au nom du l’Etat camerounais, en présence du Ministre des finances, les documents relatifs à cette transaction… ». Cette requête pressante du MINEE fait suite au rapport d’une mission d’experts qu’il a instruit en janvier dernier auprès de la société UMEME Holding Limited - opérateur de distribution d’électricité - détenue par le fonds ACTIS en Ouganda. Si l’information sur le séjour d’une délégation interministérielle conduite par le MINEE en terre ougandaise est connue depuis le début du mois de février, c’est la première fois que le rapport de cette mission a due diligence est rendu public.

Ce rapport qui va certainement boucler le processus d’approbation formelle de ce passe-passe actionnarial controversé, a d’ores et déjà reçu assentiment des bailleurs de fonds du Cameroun. Il confirme malheureusement le scepticisme exprimé par le Réseau associatif des consommateurs de l’énergie (RACE) à ce sujet, à l’issue de l’audience que nous a accordée le Premier ministre le 15 avril 2014. Plus largement, malgré l’indignation manifestée par la plupart des forces sociales liées au secteur de l’électricité, l’Etat envisage finalement de renoncer aux prérogatives régaliennes qui lui auraient permis d’annuler cette transaction usurpatoire.

Dans le fond, que dire de ce curieux rapport dithyrambique des « experts du MINEE » sur l’action du fonds ACTIS en Ouganda et du choix du référent ougandais « UMEME Ltd » ? Dès la réception du document confirmant cette ultime démarche du MINEE dans ce dossier, nous avons approché nos collègues consuméristes ougandais dans le cadre de Consumers International. Il ressort de ces échanges que depuis 2004, le fonds ACTIS est effectivement concessionnaire d’une bonne partie du service public de l’électricité dans ce pays et détient actuellement 60,08% du capital de l’opérateur UMEME Ltd. Mais, comme au Cameroun avec AES Corporation et contrairement à ce qu’affirme M. ATANGANA KOUNA, ACTIS a été incapable d’améliorer le service de l’électricité en Ouganda depuis une décennie. Selon nos confrères, ce pays de plus de 34 millions d’habitants a l’un des taux de couverture électrique les plus faible du monde (à peine 12%) ; pire, seulement 5% des citadins ougandais ont accès à l’électricité et moins de 3% de ceux vivant dans les zones rurales. Comme au Cameroun, les délestages font partie du quotidien des usagers, pendant que les tarifs augmentent continuellement. Sur ce dernier point, en Avril 2013 la Uganda Electricity Users Association a porté plainte contre la hausse du prix de l’électricité, rejoint dans cet élan protestataire par l’UMA (Uganda Manufacturing Association), un syndicat patronal. Comme au Cameroun, les consommateurs ougandais sont confrontés à l’autisme et à la partialité de l’ERA (Electricity Regulatory Authority), qui est l’équivalent local de l’ARSEL. Enfin, à l’instar d’AES Corporation, les résultats comptables reluisants de cette entreprise contrastent nettement avec la qualité de ses prestations. En décembre dernier, l’incompétence de l’opérateur UMEME Ltd a conduit le parlement ougandais à dénoncer et demander la rupture de sa concession avec l’Etat d’Ouganda. Face à ce bilan notoirement négatif et à la grogne grandissante du peuple ougandais, le fonds ACTIS s’apprêterait même à fuir ce pays en cédant tous les actifs qu’il détient encore dans la société UMEME Ltd (Dixit Jeune Afrique N°2781-82 du 27 avril au 10 mai 2014). Voila la véritable situation d’ACTIS qui, comme par hasard, « ferme boutique » en Ouganda et « délocalise » au Cameroun. Pourtant, nul doute que se sont ces 02 principaux acteurs du secteur électrique ougandais (UMEME Ltd et ERA) qui étaient les interlocuteurs privilégiés des « experts missionnaires » du MINEE durant leur séjour est-africain. D’où ce rapport étonnamment élogieux ayant inspiré le satisfécit du M. ATANGANA KOUNA qui s’obstine maintenant à le faire avaliser au plus vite par le gouvernement, au risque de sacrifier l’intérêt national.

Comme nous l’avons dit dans une précédente communication relative à cette actualité, si cette homologation est en fin de compte décidée, ce serait ni plus ni moins qu’une trahison, une prime au brigandage économique d’AES Corporation. Pire encore, dans le contexte de libéralisation du secteur de l’énergie électrique voulu par la loi N°2011/022 du 14 décembre 2011, ce quitus ouvrira largement la porte à une prédation effrénée des multinationales dans ce secteur névralgique de l’économie nationale, jetant en pâture des millions d’usagers de l’électricité. Surtout, il conforte les pratiques de la mafia concussionnaire tapie dans l’administration en charge du secteur de l’électricité ; la même qui n’avait pas hésité à brader ce patrimoine le 18 juillet 2001.

Prenant acte de cette lamentable démission du gouvernement et sa constante incapacité à prendre la moindre décision de souveraineté, le RACE appelle les consommateurs à « entrer en résistance » pour défendre coûte que coûte leur droit légitime à une électricité de qualité à un prix abordable. Nous devons refuser le rôle des « vaches à lait » auquel l’Etat et « ses partenaires » dans le secteur de l’énergie électrique tentent à nous confiner. En d’autres termes, après avoir enrichi les fonds de pensions Américains - actionnaires d’AES Corporation - pendant près de 13 ans, il n’est pas question de renflouer le fonds d’investissement privé britannique ACTIS durant les prochaines années, sans une juste contrepartie. Le temps des promesses fallacieuses et des tromperies est définitivement révolu.

L’accès à l’énergie est un droit essentiel et inaliénable !

Fait à Douala, le 06 mai 2014

Pour le Bureau Exécutif du RACE

Jean Baudelaire BELENGUE,

Secrétaire général adjoint

Jean Célestin PEP,

Trésorier général

Patrick NYEMB,