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Cameroun : Les élections pour le changement : condition nécessaire mais pas suffisante

D 30 novembre 2012     H 05:05     A Paulin Hilela Matug     C 0 messages


Tout le pays s’est pratiquement installé dans l’idée de la fin de régime de Paul Biya, tout le monde y pense. Beaucoup moins en termes de scénarios de la fin du régime, beaucoup plus en pensant à la question de savoir comment s’y préparer.

En effet, la fin de régime, comme la fin de toutes les dictatures, sera un choc pour le pays. Comment donc se préparer à ce choc ? Comment se mettre dans la meilleure posture pour vivre, voire survivre en tant que parti pendant cette période ? Comment encaisser ce choc ?

Les prochaines élections municipales et législatives (rien n’indique qu’elles auront absolument lieu en début d’année prochaine) vont contribuer à la structuration du contexte de l’après régime de Biya. Certes, d’autres événements, plus ou moins prévisibles, plus ou moins socio politiques vont, par la suite, soit modifier, soit influencer ce contexte.

Pour notre parti, le MANIDEM il y a donc une nécessité, de mettre en place une stratégie électorale en mesure de renforcer notre influence pour cette éventualité. Car le MANIDEM prendra une part active dans la consolidation de notre pays après le régime de Biya. Pour commencer, attelons nous d’abord à un bref rappel de la situation nationale.

Situation nationale

Chaque jour qui passe nous rapproche de la fin de ce régime : le chômage, la vie chère, la pauvreté et la misère sont des données permanentes de la situation socio économique au Kamerun. Ces données sont dans une tendance à l’aggravation. Pour tous les Kamerunais en âge de travailler, l’emploi est une exception et le chômage la règle. La récente année scolaire a été très difficile pour les parents : nombre des jeunes Kamerunais n’ont pas pu, soit être scolarisés, soit être correctement scolarisés, compte tenu des faibles revenus des parents. L’école gratuite est une vue de l’esprit du régime de Biya.

La contestation sociale n’a pas faibli, bien au contraire. Les revendications des travailleurs et des retraités font maintenant partie du décor, elles se radicalisent. Les travailleurs kamerunais donnent la preuve, tous les jours de leur combativité. La récente hausse du prix de l’électricité a contraint des milliers de Kamerunais qui sont déjà des privilégiés du fait de l’avoir, soit à ne plus bénéficier de l’énergie électrique, soit à tenter de frauder pour l’avoir.

Les inondations au Nord, au Nord-Ouest, à l’Est et au Littoral ont plongé des dizaines de milliers de Kamerunais dans la détresse et le dénuement. Le mécontentement ne peut donc que se renforcer. Le régime Rdpc se lézarde davantage sous les coups de boutoir de l’opération Epervier. Les lourdes peines prononcées par les tribunaux, ont renforcé la méfiance entre les différents clans en lutte pour la succession. La bataille ne fait que commencer.

Le Rdpc est aux abois, il doit franchir le difficile cap de renouvellement des organes de base et des primaires pour les investitures. Ce sera les nuits des longs couteaux. L’imminence d’un énième remaniement ministériel (encore !), l’étalage au grand jour des difficultés et des facéties du couple présidentiel (Ô rage, Ô désespoir !) ne sont pas de nature à assainir le climat au sein du régime.

De l’autre côté, le récent congrès du Sdf a, soit laissé les Kamerunais indifférents, soit confirmé les soupçons de collusion entre le régime et ce parti. Les masques continuent de tomber. La vague sur laquelle le Sdf voulait surfer ; à savoir les déboires de Marafa n’a pas eu de succès et n’a pas fait long feu avec un parti sorti divisé du congrès.

Le G7 n’a été, comme prévu, qu’une illusion. Le voyage à Paris des dirigeants de ce groupe pour rencontrer Hollande fut un mirage. Comme d’habitude, le Sdf, le champion des illusions, et de la politique d’annonce, a été rattrapé par la dure réalité.

Pendant ce temps, le MANIDEM lui a continué à éclairer la lanterne de nos concitoyens et à donner le ton. Nos récentes initiatives sur le code électoral et les manifestations qui ont suivi ont suscité l’adhésion des Kamerunais, et nous ont fait gagner beaucoup de sympathie. Nous avons refusé les simagrées du G7. Nous nous sommes démarqués de ses positions burlesques, et nous avons eu raison de le faire. La campagne pour l’inscription massive sur les listes électorales, que nous lançons incessamment, va renforcer notre positionnement auprès des masses, qui espèrent que la biométrie va réduire la fraude.

Dans ce contexte favorable au changement et à l’opposition en général, il est vital que le MANIDEM tire son épingle du jeu en s’appuyant sur ses spécificités, sur sa différence. Nous devons relever le défi des élections. Nous allons prendre une place prépondérante dans ces prochaines consultations électorales.

Quelle est donc notre stratégie électorale ?

Le MANIDEM veut accéder au pouvoir, en compagnie des forces progressistes et panafricanistes. Notre stratégie générale repose sur la mise en place d’un vaste mouvement populaire, à travers la mobilisation des Kamerunais, et à partir de leurs préoccupations quotidiennes, dans le but d’ébranler le régime néo colonial pour un assaut final de la prise du pouvoir. C’est pourquoi, nous avons toujours accordé une attention particulière au développement du mouvement social et nous continuerons à le faire. La mobilisation des Kamerunais contre les délestages et la prime fixe d’Aes Sonel, celle contre le commandement opérationnel à travers les neuf (9) disparus de Bépanda, celle pour la nouvelle école, pour l’amélioration des soins médicaux, et récemment contre l’augmentation des prix de carburants, montre à dessein, notre orientation stratégique. La promotion des associations de la société civile telles le RACE (Réseau Associatif des Consommateurs d’Énergie), Vivre Ensemble (association pour la promotion de l’intégration), Génération Citoyenne (l’éducation des citoyens Kamerunais etc) est un de nos soucis permanents et est une condition nécessaire pour le succès de notre stratégie.

Or, une dictature n’est jamais uniquement renversée par des élections qu’elle organise. Celle du régime Rdpc n’échappera pas à cet axiome politique.

Les élections, dans un tel contexte, ne peuvent être que, soit des éléments tactiques pour saper les bases de la dictature et mobiliser puissamment le peuple, soit un déclencheur politique pour la chute de la dictature, soit une démarche déterminante pour le renforcement de la démocratie par la prise du contrôle des pouvoirs législatifs et municipaux par les forces de progrès.

Tout en participant à toutes les élections, conformément à la décision de notre dernier congrès, le MANIDEM ne doit pas perdre cela de vue, au risque de tomber dans la dérive idéologique réformiste, c’est à dire, imaginer comme le pensent tous les partis réformistes de l’opposition kamerunaise, qu’on peut réaménager un régime dictatorial néo colonial comme le nôtre.

Une dictature ne se réforme pas, elle se désintègre ou on la renverse. Les élections sont néanmoins importantes pour le MANIDEM, car elles participent à parfaire la visibilité de notre parti. Elles sont un test pour jauger le rapport sympathie-adhésion des Kamerunais vis-à-vis du MANIDEM, elles peuvent renforcer nos capacités logistiques et enfin elles nous donnent la possibilité d’avoir des laboratoires grandeur nature pour le programme municipal et parlementaire de notre parti. Ajoutons, pour être bien compris, que des élections dans un tel contexte peuvent aussi être décisives pour l’assaut final. Elles sont nécessaires mais pas suffisantes pour prendre le pouvoir. Le MANIDEM a des atouts, beaucoup d’atouts mais aussi des handicaps.

Notre stratégie électorale doit partir de nos atouts et de nos handicaps

Notre légitimé historique, notre proximité avec les problèmes des Kamerunais, notre combativité sur le terrain, notre virginité politique font du MANIDEM un parti à part, largement identifié comme tel par les Kamerunais. Ce sont nos atouts.

Nos faiblesses logistiques sont un sérieux handicap mais peut-on nous reprocher de n’avoir pas participé au festin gargantuesque de la dilapidation des richesses de notre pays ? Même notre spécificité, à savoir un parti à part, est aussi un handicap. En effet, nombre de nos compatriotes trouvent que nous sommes en avance avec le temps ; d’autres pensent que nous prêchons dans le désert, d’autres encore, que nous ne voulons accéder ni au pouvoir, ni au gouvernement et nous confinent dans un strict rôle tribunicien.

La stratégie électorale du MANIDEM doit donc, tout en bonifiant nos atouts, réduire les effets néfastes de nos handicaps.

Quid donc des élections municipales et législatives ?

Ce sont des élections de proximité. Une autre manière de dire que la personnalité des candidats occupe une place prépondérante dans les critères de choix utilisés par les électeurs. Le contexte actuel, caractérisé par une arriération politique certaine des masses, leur aliénation et le désintérêt croissant pour la politique (provoqué par les élections contestées parce que contestables), renforcent la prépondérance du critère du choix des candidats. D’autant plus que le code électoral actuel exclut tous les Kamerunais non membres des partis politiques.

Le MANIDEM doit donc, certainement plus que les partis aux grandes potentialités logistiques, mettre un soin particulier dans le choix de ses candidats ; nous devons tout faire pour combler nos handicaps, en donnant une bonne place, dans nos listes à des personnalités populaires de la société civile C’est la stratégie Arc-en-ciel, dans ce sens qu’elle doit englober toutes les couleurs de la société kamerunaise. Sa mise en œuvre est en cours nous en ferons le bilan plus tard.

Le travail de mobilisation de ces leaders de la société civile (hommes et femmes de culture, artistes, leaders sociaux, etc.) doit se poursuivre.

La carte électorale du MANIDEM se bâtit autour de deux (2) axes :

l’axe des bases militantes établies et fortes du MANIDEM et celles de nos partenaires du Front Progressiste et Panafricaniste (le MOCI de Théophile Moyo, l’UPA de Hubert Kamgang, le PARENA de Enoh Meyommesse, etc) ;
l’axe des personnalités de la société civile qui sympathisent avec notre parti.
Nous n’avons pas le choix. Jusqu’à la dernière minute, nous devons miser sur cette stratégie Arc-en-ciel. La campagne que nous allons lancer pour l’inscription massive des Kamerunais sur les listes électorales va renforcer cette stratégie.

Un parti qui s’implique autant dans l’inscription des électeurs montre clairement qu’il a envie d’avoir des élus et qu’il veut accéder au pouvoir. C’est le cas du MANIDEM. 

Conclusion

Certains de nos compatriotes peuvent penser que nos scores électoraux antérieurs ne sont pas de nature à rendre le MANIDEM optimiste ; ils peuvent même être découragés par le décalage qui existe entre la quantité du travail abattu par le MANIDEM et les sacrifices énormes consentis depuis 1995 (date de création de notre parti) et les dividendes recueillis en termes de succès électoraux.

Mais, comment ne pas comprendre que, dans un contexte politique tel que le nôtre où le tribalisme a colonisé la politique, des partis comme le MANIDEM aient du mal à prospérer ? Que ceux la ne perdent pas de vue ces camarades n’oublient pas la dialectique des problèmes socio-politiques.

Les phases d’accumulation quantitatives paraissent toujours interminables. Mais, le dernier coup de pouce qui permet le saut qualitatif paraît aussi toujours lointain. Or, il est souvent à portée de main.

En effet, une marmite d’eau peut rester longtemps à 99 degrés, puis un coup de vent attise le feu, l’eau bout, et devient vapeur à 100 degrés.

Allons-nous abandonner la partie alors que peut être, le dernier coup de vent est là ?

Le défi est grand, c’est vrai. Mais plus grand est le défi, plus belle sera la victoire.

« Le chemin qui mène à la victoire est toujours parsemé d’embûches mais il mène toujours à la victoire ». (Proverbe zimbabwéen)

par Paulin Hilela Matug
Membre du Bureau Politique Manidem
Secrétaire national adjoint chargé de la communication

Source : http://alternative-revolutionnaire.blogspot.fr