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Cameroun : NECESSITE D’UN GOUVERNEMENT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE

D 17 août 2011     H 04:05     A     C 0 messages


Alors que la Constitution rédigée et imposée au Peuple kamerunais par M. BIYA en 1996 et modifiée au forceps en 2008 donne la possibilité au Président de la République de rester en poste durant 07 ans et de briguer indéfiniment de nouveaux mandats, la plupart des partis politiques de l’Opposition, du moins ceux qui ont une existence et une activité réelles sur le terrain, proposent que le départ de M. BIYA soit suivi d’une période de transition pouvant aller jusqu’à 03 ans, pour remettre les pendules à l’heure. Le très long règne de M. BIYA (29 ans) suivi du long règne de M. AHIDJO (24 ans), le constat unanime que le bilan des deux règnes est globalement et totalement négatif, la persistance conséquente de la grave crise économique, sociale et politique dans laquelle notre pays se débat depuis cinq décennies, tout cela a créé au sein de nos populations et de notre classe politique un sentiment d’incertitude et d’inquiétude sur l’avenir de notre Nation pourtant à construire. Il n’y a pas jusqu’aux princes de l’Eglise catholique qui ne s’inquiètent à haute voix sur l’avenir du Kamerun, pays que pourtant la nature a gratifié d’hommes et de femmes divers, dynamiques et imaginatifs et de richesses agricoles, forestières, aquatiques et minières impressionnantes.

Le sentiment, largement partagé, que notre pays court un risque élevé quant à son avenir politique, économique et social, sans aller jusqu’à évoquer les menaces sur la stabilité et l’intégrité physique du pays, ce sentiment donc a contribué à façonner un regard neuf des acteurs politiques et sociaux sur les solutions à apporter à nos problèmes fondamentaux.

Longtemps considérée comme excessive pour ne pas dire radicale, la position du Manidem sur l’étape historique dans laquelle se trouvait notre pays ainsi que la totalité des pays dits « francophones », c’est-à-dire, le néo-colonialisme, fait désormais l’unanimité des analystes politiques.

Le néo-colonialisme, terme inventé par notre grand leader Félix-Roland MOUMIE, est la phase suprême du capitalisme dans les contrées périphériques sous domination impérialiste. L’Etat, dirigé par les nationaux, prend un visage fascisant et sert prioritairement les intérêts des métropoles impérialistes. Les contradictions issues des rapports conflictuels entre, d’une part les bourgeoisies locales et les masses populaires et, d’autre part entre les bourgeoisies des métropoles impérialistes et les bourgeoisies locales ouvrent une période de crises qui conduisent les gouverneurs de l’Etat néocolonial à toujours plus de coercition, créant de ce fait les conditions de la fascisation de l’Etat néocolonial. D’où une perte logique de légitimité des dirigeants locaux de l’Etat néocolonial, les disqualifiant, aux yeux des populations, pour apporter des solutions à leurs problèmes.

La nature néocoloniale de nos Etats est la cause fondamentale des crises interminables qui secouent notre Continent depuis les soi-disant indépendances de 1960. Ces crises se sont approfondies avec les crises récurrentes du centre capitaliste et impérialiste occidental. Les tentatives de rafistolage par le biais du multipartisme et de la démocratie à la sauce africaine n’ont apporté aucun répit aux dictateurs africains et à l’Etat néocolonial. Rafistolage de la constitution, répression sauvage des émeutes, corruption aveugle des élites sécuritaires et des leaders d’opinion, embrigadement des masses populaires etc., rien n’arrête la crise.

La conviction est donc désormais faite que la solution à nos nombreux problèmes requiert un changement de référentiel politique, social et culturel.

NECESSITE D’UN TRANSIDEC

Le gouvernement de transition démocratique et consensuel s’inscrit dans cette quête d’une solution préalable à nos problèmes. Nous avons compris que les bases supposées de départ étaient fausses, pipées. Elles nous ont conduits au désastre que nous connaissons. Il faut donc repartir sur de nouvelles bases. Mais avant tout, il faut repartir sur des bases solides qui soient susceptibles de nous éviter de futurs échecs. Ces bases et ce référentiel doivent être assis sur notre CULTURE, c’est-à-dire, sur notre vision commune du Monde, sur ce que nous partageons tous, à savoir la signification que nous donnons à notre existence et au rapport que nous avons avec les autres et avec la nature.

Ce référentiel doit ensuite être assis sur notre légitime aspiration en tant que Peuple, à accéder à la modernité africaine, c’est-à-dire au bien être matériel et spirituel en accord avec notre CULTURE AFRICAINE.

Telle est la démarche qui devrait nous conduire à se saisir de notre destin et en orienter le cours conformément à nos intérêts bien compris et à nos aspirations.

Peut-être convient-il d’énumérer les éléments essentiels de notre référentiel avant de poursuivre notre propos.

 Les Africains conviennent du caractère sacré de la vie humaine. Sur notre planète Terre, l’Homme ou la Femme est le centre de tout ce qui s’y passe. Sa vie est sacrée.
 Les Africains considèrent que tous les êtres humains ont un rôle primordial à jouer et que, malgré les inégalités sociales et naturelles, les êtres humains sont complémentaires ; l’utilité de chaque être humain est affirmée.
 De ce dernier principe découle la nécessité de la solidarité, vertu cardinale chez les Africains qui constatent que dans une Société donnée, les êtres humains ont nécessairement besoin les uns des autres. La solidarité n’est pas négociable, elle s’impose à tous.
 Les Africains privilégient la solution consensuelle lorsque se posent des problèmes difficiles à résoudre. Obtenir que la grande majorité s’accorde sur une solution acceptée de tous, tel est le rôle assigné aux chefs et dirigeants.
 La palabre est le mode par excellence du débat contradictoire. L’expression y est libre, la contradiction est admise.
 Le respect dû aux chefs et aux dirigeants est la contre partie de l’objectivité et de la sagesse qu’ils déploient dans la gestion de la cité.

Ces bases culturelles permettent de comprendre pourquoi le mode de production capitaliste, avec ses violences et ses inégalités toujours plus criardes, a déstructuré, aliéné et travesti les sociétés africaines. La résistance, même inconsciente et subconsciente à ce mode de production, a produit et produit les incessantes crises que nous connaissons.

C’est ainsi que la référence au meilleur de notre culture s’est progressivement imposée dans la recherche des solutions à nos crises. Les conférences nationales souveraines des années 90 étaient déjà une forme de réponse sensée réconcilier les Africains en crise avec leur culture. Elles furent pour la plupart dévoyées parce que mal préparées et surtout parce que l’élite dédaigna d’y associer dans les débats et les conclusions, les masses populaires. Le gouvernement de transition démocratique consensuel consacre l’échec de tous les gouvernements antérieurs, dont l’illégitimité est ainsi dénoncée. Il a trois missions essentielles, le sens de son action est la RUPTURE avec l’ordre ancien :
  La convocation des Etats Généraux de la Nation, grande palabre à laquelle sont conviés, à la suite d’un large débat national, les représentants des paysans et des salariés, des églises, les organisations non gouvernementales, les associations représentatives des populations, des entrepreneurs, les leaders d’opinion etc. pour confectionner un pacte social, une constitution démocratique et progressiste, un code électoral consensuel.
  La mise en route d’un train de mesures politiques, économiques, sociales et culturelles de redressement et de décollage qui seront caractérisées par la rupture avec l’ordre ancien. A titre d’illustration, le Kamerun sortira de la zone franc et l’Etat prendra une participation majoritaire dans le capital des entreprises stratégiques des secteurs minier, portuaire, énergétique, aquatique, ferroviaire, téléphonique etc. La promotion et l’émergence des langues et cultures nationales sera une priorité du gouvernement. Les langues de communication avec l’étranger seront prioritairement le Swahili et l’Anglais.
  La convocation d’un référendum pour l’adoption des textes élaborés par les Etats Généraux de la Nation et sur la base de ces textes, la convocation du corps électoral pour la tenue d’élections générales.

La question peut légitimement se poser de savoir quelle garantie offre la démarche proposée pour assurer la réussite. Il serait malhonnête de prétendre qu’il existe une garantie de réussite à priori ; la vérité, en politique, n’étant établie que lorsque les faits l’attestent. Toutefois, échec ou succès, la démarche proposée a le mérite, de par sa légitimité, de faire de l’ensemble de la Nation, le responsable de son destin. Oui, c’est bien le Peuple qui est détenteur de la souveraineté et qui devrait agir sur son destin. Il lui revient alors d’assumer les échecs et les succès de ses choix conscients. C’est cela le sens profond de la démocratie. La démarche proposée est consciente, pédagogique et souveraine. Elle assure l’harmonie dans la société, elle produit la Nation, c’est-à-dire ce sentiment fort d’appartenir au même ensemble, de partager le même destin. Comme on peut le constater, nous sommes au Kamerun, loin du compte et tous les discours sur des lendemains qui chanteraient se révèlent n’être que des miroirs aux alouettes puisque les préalables ne sont pas réalisés. La transition voulue par la majorité de nos acteurs politiques et sociaux, réclamée par l’immense majorité de notre Peuple apparaît finalement comme notre point de départ pour la construction de notre Nation et de notre Destin.

Par Abanda Kpama

Président du Manidem