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Cameroun : quand les détournements de fonds cassent les services publics

Par Jean-François Le Dizès

D 18 janvier 2016     H 15:05     A Jean-François Le Dizès     C 0 messages


Resté 17 jours à Yaoundé et dans ses environs, j’ai pu, au cours de mon séjour dans la famille camerounaise qui m’a accueilli rencontrer de nombreuses personnes de passage. Au cours de mes promenades à Yaoundé et dans les campagnes environnantes, j’ai pu sentir l’atmosphère qu’il régnait au Cameroun. Enfin, j’ai pu avoir des rencontres avec des militants syndicaux et associatifs sur différents sujets.

Resté 17 jours à Yaoundé et dans ses environs, j’ai pu, au cours de mon séjour dans la famille camerounaise qui m’a accueilli rencontrer de nombreuses personnes de passage. Au cours de mes promenades à Yaoundé et dans les campagnes environnantes, j’ai pu sentir l’atmosphère qu’il régnait au Cameroun. Enfin, j’ai pu avoir des rencontres avec des militants syndicaux et associatifs sur différents sujets.

Une corruption débridée

Pays exportateur de pétrole depuis la fin des années 1970, le Cameroun voit l’essentiel de sa population demeurer pauvre. Comme plusieurs pays exportateurs de pétrole, le Cameroun a souffert de la chute des cours de l’or noir au milieu des années 1980. Endetté, l’État camerounais a dû alors signer un plan d’ajustement structurel en 1989 avec le FMI. Celui-ci a obligé celui-là à réduire ses dépenses. Ainsi, le gouvernement a décidé, en 1993, de baisser les salaires des fonction-naires de manière drastique : baisse de 70% ! Ce qui provoqua de longues grèves des différentes catégories de fonctionnaires entre novembre 1993 et février 1994. Le gouvernement a sanctionné ce mouvement en révo-quant 2 000 fonctionnaires et n’a fait des concessions qu’aux seuls magistrats. Par-dessus le marché, ces salariés, comme tous les Camerounais, ont subi, en 1994, la dévaluation de 50% du franc CFA, qui est la monnaie du pays. Ce qui a provoqué une forte augmen-tation des prix de toutes les denrées importées, donc réduit encore un peu plus le niveau de vie des fonction-naires.

Pour compenser ces pertes, les fonctionnaires ont cherché des revenus parallèles. C’est alors que s’est développée la corruption. Ainsi, quand j’ai pris le taxi pour me rendre dans une bourgade de la région de Yaoundé, le chauffeur a, à un barrage de police, donné un billet de banque au policier pour éviter la vérifica-tion de l’état de son véhicule. Par ailleurs, un syndica-liste enseignant m’a rapporté que certains chefs d’éta-blissement scolaire demandaient une somme d’argent à certains parents pour que leur enfant passe dans la classe supérieure. Les bénéfices ainsi acquis sont alors partagés aussi bien avec les enseignants de l’établisse-ment qu’avec la hiérarchie.

La corruption au Cameroun a pris de l’ampleur, elle est devenue courante. En effet, 48% des utilisateurs de services publics ont payé un « pot de vin » durant les douze derniers mois*. À ce sujet, le Cameroun est le deuxième pays d’Afrique pour le versement des pots de vin à un service public*. Le détournement de fonds atteint les plus hauts sommets de la hiérarchie. Ainsi, plusieurs anciens ministres ont été, ces dernières années, condamnés à de lourdes peines de prison ferme. La majorité des Camerounais (56%*) pensent que le gouvernement ne fait pas son travail contre la corrup-tion. L’usage des recettes de l’exploitation pétrolière reste opaque. Cet argent remplit probablement les caisses du Président du Cameroun, Paul Biya. Rappe-lons que celui-ci a été mouillé dans l’affaire Elf, jugée en France en 2004.

Des services publics en décrépitude

Cette confiscation de la manne pétrolière a des consé-quences néfastes pour les services publics qui sont à court de financements. Aujourd’hui, l’État s’en déchar-ge sur les municipalités sans les aider financièrement. Comme celles-ci ont très peu de moyens, ces services vont à vau-l’eau. Ainsi, la capitale, Yaoundé (2,4 million d’habitants▼) ne possède aucun transport public. Les seuls transports « collectifs » utilisables sont les taxis collectifs privés où l’on nous fait monter à sept dans des voitures de quatre places et les motos-taxis. On assiste donc à de grands embouteillages.
Seulement la moitié des foyers sont raccordés au secteur électrique▼ et seulement 29% ont l’eau courante dans leur habitat■. Pour l’électricité comme pour l’eau, les usagers doivent faire face à de nombreuses coupu-res.

Une école payante pour tous

L’État ne consacrant que l’équivalent de 3,2% du PIB du pays à l’éducation● (contre 5,6% au Sénégal●, pays non-producteur d’hydrocarbures), le service de l’Éduca-tion national est payant dès l’école primaire. En plus de l’uniforme scolaire, et du matériel scolaire, les parents doivent payer un droit d’inscription. En outre, quand des parents d’un village prennent la décision, en concer-tation avec l’administration, de créer une nouvelle éco-le, la construction de celle-ci et le salaire du nouvel enseignant sont à leur charge. En outre, on trouve enco-re certaines régions démunies d’écoles. Les élèves n’ayant pas d’uniforme et ceux dont les parents ne se sont pas acquittés du paiement des droits d’inscription sont refoulés de l’établissement scolaire. Selon les enseignants que j’ai rencontrés, très peu d’élèves ont des livres. Le fait que le peuple camerounais soit un peuple jeune (la moitié des 22 millions de Camerou-nais● ont moins de 18 ans●) contribue aussi à la surchar-ge des classes. En effet, dans le primaire comme dans le secondaire, l’effectif normal des classes est 60. Mais en réalité ce chiffre est très souvent dépassé pour avoisiner la centaine. Sans complexe, le Ministère de l’Éducation nationale préconise un enseignement différencié ! Une institutrice m’a confié qu’elle essayait d’appliquer ce principe en choisissant, parmi ses élèves, des tuteurs responsables de groupes. Par ailleurs, dans le primaire on pratique la « double équipe », c’est-à-dire que les élèves n’ont cours que le matin ou que l’après-midi.
La présence en ville de très nombreuses écoles privées, qui sont subventionnées par l’État, prouve une motiva-tion certaine chez de nombreux parents urbains concer-nant la scolarisation de leurs enfants. C’est beaucoup moins le cas en zones rurales. En effet, les enfants sont ici davantage utilisés comme main-d’œuvre. Sur l’ensemble du Cameroun, le travail productif concerne 42% des enfants●. Ainsi nombre d’enfants s’absentent ou sont non-inscrits. Face à cet absentéisme, les élèves assidus sont utilisés comme messagers par les institu-teurs auprès des parents dont les enfants s’absentent. Si 93,5%● des enfants sont scolarisés, seuls 53% des garçons et 48% des filles suivent l’enseignement secon-daire● et, parmi les 15-24 ans, 15% des premiers et 24% des secondes sont analphabètes●.
Si les langues vernaculaires ne sont aucunement parlées ou étudiées à l’école, les programmes de littérature française laissent une bonne place aux auteurs africains. Une partie du Cameroun ayant été colonisée par la Grande-Bretagne, il existe à Yaoundé de nombreuses écoles bilingues franco-anglaises.

Une santé qui laisse à désirer

Comme l’éducation, la santé publique ne fait pas partie des priorités du gouvernement camerounais. En effet, seul l’équivalent de 1,6% du PIB y est consacré● (contre 3,3% au Sénégal●). Tous les soins dispensés dans les établissements, même publics, sont payants. S’il existe une caisse d’assurance maladie pour une partie des salariés, le fait qu’elle soit très peu fournie la rend inefficiente. Les personnes qui ne peuvent pas payer leurs soins ne sont pas soignées et peuvent « crever ». Mais, le sens de la solidarité camerounais, notamment familial, limite le nombre de tels cas. Par exemple, un étudiant en droit m’a confié qu’il se refusait de pousser trop loin ses études car, étant parmi les ainés, il se devait d’aider sa famille à brève échéance.
La non-gratuité entraîne des discriminations. Par exem-ple, parmi les 20% plus pauvres de la population, seules 19% des femmes se font assistées lors de leur accou-chement● contre 97% parmi les 20% plus riches●.
Les difficultés de soins que rencontrent les plus dému-nis rejaillissent sur l’ensemble de la société sous forme d’épidémies : choléra, tuberculose, SIDA. Ainsi, en 2013, une région du Cameroun a connu une épidémie de choléra. Elle a démarré à partir de la consommation d’eau impropre à la consommation. En effet, l’eau des zones rurales est malsaine.
En zones rurales, on utilise souvent les produits de la forêt comme nutriments et médicaments. Par exemple, la personne qui m’a mené à sa plantation a, sur le chemin, taillé une écorce d’arbre en vue de la moudre et de l’intégrer comme nutriment dans le lait d’un bébé de sa famille.
Si l’on compare l’espérance de vie du Cameroun avec celle de ses voisins, on pourrait conclure que la santé des Camerounais est correcte. En effet, elle est de 54,6 ans● contre 63,1 au Gabon●, 52,6 en Guinée équato-riale●, 52,1 au Nigeria● et 49,5 en République centrafri-caine●. Mais si on la compare à celle du Sénégal (63,3●), on peut estimer qu’elle est mauvaise.
Les conditions éducative et sanitaire des Camerounais contribuent au mauvais classement mondial du Came-roun concernant l’IDH. Sur 187 pays, il est classé au 152e rang☼.

Une écologie à promouvoir

La faible espérance de vie des Camerounais est en partie due à l’état de l’environnement, notamment de l’environnement urbain. L’écologie ne semble pas être une préoccupation des Camerounais. Contrairement au Zimbabwe, elle ne fait pas partie des programmes scolaires. La pollution automobile est d’autant plus forte que la plupart des automobiles sont de vieux véhi-cules d’occasion importés d’Europe. À la pollution atmosphérique il faut ajouter le manque d’hygiène publique. À Yaoundé, le système de ramassage des ordures ménagères consiste à déposer celles-ci dans des bennes ouvertes qui sont placées en différents endroits de la ville. Celles-ci sont enlevées régulièrement par une entreprise privée. Souvent ces ordures débordent de la benne et s’étalent donc dans la rue. Par ailleurs, compte tenu de l’absence de service de nettoyage des rues, celles-ci sont salles. Des ordures s’accumulent dans les caniveaux qui ont des formes de tranchées. Si bien que, m’a-t-on raconté, lors de la saison des pluies, elles les obstruent et provoquent donc des inondations dans la ville.
Alors que les ressources pétrolières s’amenuisent (la production n’est plus que de 55% celle de 1985◄), l’énergie solaire, dont le Cameroun possède pourtant un fort potentiel, n’est pas développée.
Dans les forêts où je me suis rendu, les chimpanzés d’antan ont disparu durant ces dernières décennies. Grand producteur de bois exotiques (deuxième produit d’exportation▼), le Cameroun connaît des coupes « sauvages » d’arbres. Si les contrevenants parviennent à faire transporter et à commercialiser leurs marchandi-ses c’est à coups de « pots de vin ». À côté de ces maraudeurs, des compagnies françaises exploitent de grandes forêts de telles essences, concédées par l’État moyennant l’application de règles d’exploitation. Parmi celles-ci se trouve l’obligation de replanter les parties défrichées. Selon la chef de village que j’ai rencontrée, cette tâche semble aléatoire. Par ailleurs, ces grandes coupes perturbent le mode de vie des paysans qui trouvent dans ces forêts des ressources appréciables.

Une agriculture à double visage

Fruit des colonisations allemande et française, de grands latifundia s’étendent dans les campagnes came-rounaises. Certaines appartiennent à de grandes entre-prises françaises comme celle de Bolloré. Elles se consacrent aux cultures d’exportation : cacao, palmier, café, coton, hévéa. Les conditions de vie des ouvriers agricoles de ces exploitations sont dignes de l’esclava-ge, m’a dit la chef de village : logés dans des cases situées à l’intérieur de l’exploitation ces personnes sont astreintes à travailler beaucoup d’heures par jour et ne peuvent sortir de celle-ci à leur guise. À ces latifundia se sont ajoutées, ces dernières années, sur des terres jusque-là inexploitées, de grandes exploitations concé-dées par le gouvernement camerounais à des États asiatiques (Chine, Corée du Sud, Vietnam) dont le but est d’alimenter les habitants de leur propre pays.
Si la paysannerie représente 70% de la population active■, elle ne manque pas de terre. Si la population augmente rapidement (le taux de fécondité est de 4,9●), sa densité reste faible : elle est la moitié de celle de la France.
Dans la petite plantation que j’ai visitée, les cultures étaient le bananier, le cacaoyer, le manioc et le macabo.

Les exploitations agricoles industrielles ne sont pas les seules à utiliser des intrants et des espèces OGM. En effet, par l’intermédiaire de ses vulgarisateurs, le gouvernement les promeut auprès des petits paysans. La chef de village m’a rapporté que la production du maïs se faisait avec des espèces OGM. S’il existe des éleva-ges intensifs de poulets, ceux-ci restent à petite échelle et les animaux sont nourris avec le maïs de la ferme attenante.

Le Cameroun a perdu ces dernières années sa souve-raineté alimentaire. Cette perte est en partie due à l’importation de produits subventionnés en provenance des pays de l’Union Européenne. Ainsi, à Yaoundé, on s’alimente avec du pain et surtout du riz, résultant d’importations.
En zones rurales, les communes regroupent plusieurs villages. Si les premières sont gérées par des conseils municipaux élus, les seconds le sont par le chef, dont la fonction est héréditaire, et qui est assisté par un conseil de notable. La chef de village que j’ai rencontrée m’a expliqué qu’un de ses rôles était de rendre la justice. La quasi-totalité des différends concerne la propriété foncière ; l’absence de barrières délimitant les proprié-tés ne pouvant qu’entretenir la confusion. La chef me dit que ses jugements ne s’appuyaient pas sur des lois nationales mais sur des coutumes ethniques.
Les zones rurales sont plus défavorisées. Les murs des maisons des campagnes sont souvent construits en terre, les toits étant en tôle et les sols en terre battue. Les problèmes alimentaires sont plus graves à la campagne : 20% des enfants de moins de cinq ans y ont une insuf-fisance pondérale contre 7% de ceux de milieu urbain●. L’accès à des établissements de soins y est plus diffi-cile. Ainsi, seulement 47% des accouchements y sont assistés contre 87% en zone urbaine●.

Une pauvreté à relativiser

Si on m’a à plusieurs reprises signalé que nombres d’enfants ne mangent qu’un repas par jour, les problè-mes de malnutritions sont plus graves que ceux de sous-alimentation. En effet, un tiers des enfants en souffrent■.
Compte tenu de la faiblesse du nombre d’emplois sala-riés, en ville, les gens se rabattent, comme dans de nombreux pays en voie de développement, sur l’écono-mie informelle. Beaucoup de chômeurs diplômés s’y sont reconvertis. J’ai pu me rendre compte de la place que prenaient ces marchands de rue. Ce secteur écono-mique emploierait 75% de la main-d’œuvre urbaine▼.
La pauvreté du XXIe siècle est différente de celle des siècles précédents. En effet, de nombreux pauvres ont un téléphone portable : 64% des personnes en possèdent un●.
Par ailleurs, il n’y a pas que des pauvres. On m’a parlé de quartiers de Yaoundé constitués de grandes maisons bourgeoises, quartiers dont je n’ai pas eu le temps de visiter car cette ville, qui est très horizontale, occupe une très grande superficie.

Une mentalité nataliste

La poussée démographique que connaît le Cameroun est source de persistance de la pauvreté. Dans la menta-lité camerounaise, les enfants, m’a-t-on dit, sont consi-dérés comme une richesse. Aussi, notamment chez les pères, avoir beaucoup d’enfants est considéré comme un honneur. Si bien que les mesures gouvernementales en faveur de la planification des naissances sont peu efficaces. La militante féministe que j’ai rencontrée m’a pourtant expliqué qu’une éducation sexuelle était donnée dans les établissements scolaires, que de l’infor-mation était faite dans les hôpitaux à l’occasion des accouchements et que les contraceptifs étaient, y compris au niveau financier, à la portée de toutes. Mais seules 23% des femmes en âge de procréer utilisent des contraceptifs●. En outre, l’avortement est interdit. Enfin, des associations, subventionnées par l’État font de l’information au sujet des dangers des mutilations sexuelles auprès des populations musulmanes.

Une condition de la femme mitigée

Comme ailleurs, les femmes sont victimes de discrimi-nations. Elles quittent plus tôt l’école que les garçons car, comme me l’a dit une militante féministe que j’ai rencontrée, la continuité des études de ces derniers est, elle, considérée comme un investissement. L’embauche d’une femme est bien vue par son époux car elle contribue aux revenus de la famille. Si, à travail égal, la femme n’est pas discriminée en matière de salaire, force est de constater qu’elle accède peu aux postes de responsabilité. Si elle a droit à des congés de maternité, ce droit n’est pas toujours appliqué, soit par ignorance des femmes de leur droit, soit par le chantage des patrons au licenciement.
Pour faire face aux difficultés financières, de nombreu-ses femmes montent des tontines. Il s’agit de caisses informelles auxquelles chacune des adhérentes cotisent chaque mois. Leur usage est divers. Elles peuvent servir de mutuelles médicales ou de caisses de crédit. L’argent peut servir aussi à payer des frais familiaux imprévus d’une adhérente. Enfin elles servent à obliger à écono-miser individuellement en vue, soit de payer les frais d’éducation des enfants à la rentrée, soit de s’acheter un bien pour les fêtes de fin d’année. La réussite de ces tontines fait que de plus en plus d’hommes y partici-pent.
La journée de la femme du 8 mars a été détournée par le régime politique. En effet, à cette occasion, le gouver-nement organise un défilé de femmes habillées en uniformes somptueux. Mais à sa dernière version, des femmes ont pu distribuer des tracts au cours de cette manifestation pour dénoncer cette mascarade.

Un peuple résigné

Dans le passé, le peuple s’est mobilisé, notamment en février de 2008, lors des émeutes de la faim. Essentiel-lement causées par l’augmentation du prix de l’essence, ces émeutes avaient pour centre la capitale économique, Douala (2,4 millions d’habitants▼). Elles furent marquées par une répression féroce : 400 morts et 1 500 condamnations de manifestants■.
L’échec des mouvements revendicatifs des décennies précédentes et la crainte de la répression ont désarmé le mouvement social. Les Camerounais sont aujourd’hui dépolitisés. Chacun cherche plutôt à s’en sortir par le système « D ». Les coopératives agricoles de commerce ont périclité. Comme dans d’autres pays africains, la presse et les livres ont une place extrêmement margi-nale. L’usage d’internet est très réduit : 5,7%● de la population en font l’usage contre 8,6% au Gabon● et 33% au Nigeria●. Comme me l’a dit un syndicaliste, l’importante prégnance de la religion catholique contri-bue à la résignation, à l’acceptation de la situation socio-économique. Les ONG peinent beaucoup à mobiliser la société civile, les gens cherchant auprès de celles-là plus à obtenir des subsides que des moyens de mobilisation. Les ONG connaissent aussi la répression. Six salariés de l’ONG « Dynamique citoyenne », après avoir connu en septembre 2015 une garde à vue de neuf jours, sont poursuivis pour avoir organisé un atelier sur la démocratie. Si la presse s’était largement fait l’écho de leur arrestation, pour leur procès auquel je me suis rendu, la foule n’était pas au rendez-vous. Les gens, m’a confié une des inculpés, sont trop pris par leurs problèmes quotidiens pour passer du temps à défendre une cause. Par ailleurs, toutes les manifestations sur la place publique sont interdites.
Cependant, on entend parler, ici ou là, de mouvements de résistance. Régulièrement les salariés de la santé publique se mettent en grève pour obtenir le paiement de leurs arriérés de salaire. Le principal syndicat des enseignants, le SNAEF élabore un projet alternatif d’enseignement.
Au niveau politique, le régime est bien ficelé. Depuis son indépendance, le Cameroun n’a connu que deux présidents : Ahmadou Ahidjo et Paul Biya. Ce dernier est président depuis 1982. Il assoit sa suprématie par le biais de la répression et du clientélisme que lui permet d’exercer la manne pétrolière qu’il s’attribue en bonne partie.

Janvier 2016

Jean-François Le Dizès
Auteur de « globe-trotter, carnets de voyage d’un bourlingueur militant », 2007, Éditions L’Harmattan

Sources chiffrées :
* Transparency international via « le Consommateur », Yaoundé
▼ Wikipédia
■ Le Cameroun de Paul Biya de Fanny Pigeaud, éditions Karthala, 2011
● UNICEF
☼ PNUD
◄ Société Nationale d’Hydrocarbures
 

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