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Cameroun : Recréer l’espoir, pour une renaissance africaine

Tribune libre du MANIDEM

D 4 août 2010     H 12:42     A Abanda Kpama     C 0 messages


Drôle d’ambiance que celle qui règne dans le pays de Um Nyobe depuis quelques mois. A l’interminable crise économique et sociale, s’est greffée une immense lassitude des populations qu’entretient la crise psychologique dans laquelle se débat le peuple kamerunais. L’espoir, né du remplacement à la tête de l’Etat de M. Ahidjo par M. BIYA, a définitivement laissé la place à la déception, accompagnée de frustration et de lassitude. Après 28 ans de règne, le bilan de M. Biya est très négatif sur tous les plans. Même la démocratisation, dont se vantent les thuriféraires du régime, n’a été obtenue qu’après de très difficiles luttes et le sacrifice en vies de centaines de Kamerunais. M. BIYA n’a jamais rien octroyé.
C’est l’instinct de survie qui l’a amené chaque fois à céder du terrain. Et comme M. Biya est très rancunier, chacune de ses défaites s’est traduite par une tentative de récupération du terrain perdu. C’est ainsi que la démocratisation s’est accompagnée de l’instauration d’une machine infernale à frauder les élections au profit de M. BIYA et de son parti. La liberté d’expression et d’association s’est accompagnée d’une politique de discrimination et de violation des droits de l’Homme à l’encontre des opposants et de tous ceux qui osent critiquer le régime.

L’alternance politique à la tête de l’Etat, imposée par la Constitution de 1996 avec la limitation des mandats présidentiels s’est accompagnée, en 2009, par le toilettage de la Constitution pour permettre à M. Biya de rester indéfiniment Chef d’Etat. Au passage, 149 jeunes Kamerunais ont perdu la vie et des milliers d’autres ont été emprisonnés pour avoir manifesté contre la dérive dictatoriale et l’incompétence managériale de M. Biya.
L’obsession de M. Biya à verrouiller le jeu politique au moment où la situation économique du pays est des plus mauvaise avec les conséquences sociales catastrophiques : chômage massif des Jeunes, extension de la pauvreté à plus de 50% de la population, recul de l’espérance de vie à 49 ans, soins de santé inaccessibles à la majorité de la population, émigration massive des Jeunes, corruption généralisée etc., tous ces facteurs concourent à rendre le Kamerun in-attractif, instable et dangereux. Le Kamerun est devenu une bombe à retardement. Le clan au pouvoir le sait mieux que quiconque. Lui qui, depuis longtemps, a placé femmes et enfants hors du pays, en Occident de préférence, pour préserver les familles de troubles éventuels.

Quand l’injustice sociale devient aussi criarde, comment s’étonner de la montée des tensions ? L’instabilité est d’ailleurs entretenue par le clan lui-même. Une guerre fratricide et sans merci se déroule dans le clan, opposant les différents sous-clans qui ont fait sienne l’idée que la succession de M. Biya est ouverte. Dans cette guerre où tous les coups sont permis, les sous-clans instrumentalisent les groupes sociaux qui leur sont encore fidèles, intoxiquent la population avec des rumeurs les unes plus folles que les autres. Il n’ya pas si longtemps, les intoxicateurs du « renouveau » nous ont servi la mort de M. Biya, alors qu’il se trouvait dans un de ses très nombreux voyages privés en Europe.
Depuis quelques mois, ce sont les rumeurs sur les coups d’Etat qui nous sont servies. La dernière en date est franchement rocambolesque : un essayiste désargenté aurait essayé d’attenter à la vie de M. Biya pour prendre le pouvoir ! Le Clan serait-il à cours d’imagination ? A force de se tendre les pièges et de jouer avec le feu, les sous-clans qui ont pris M. BIYA en otage finiront par déclencher une vraie guerre ouverte entre eux. Il faut espérer que les populations kamerunaises feront preuve d’intelligence et de maturité pour ne pas se mêler d’une guerre qui ne les concernera en rien. Car le combat du peuple kamerunais est ailleurs.

Notre combat
A la faveur des règnes de M. Ahidjo (24 ans) et de M. Biya (28 ans), le peuple kamerunais a accumulé suffisamment d’expérience pour engager la dernière phase de la lutte pour son émancipation. Le régime néocolonial ne peut pas être réformé. S’il perdure, il conduira notre pays à la déchéance totale. La rupture s’impose comme la solution à nos problèmes et en particulier comme solution à notre survie en tant que nation. Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire d’un jeu à dés pipés où un petit-fils d’Aujoulat viendrait à remplacer son père ou son oncle, dans le but avoué de faire perdurer le néocolonialisme dans notre pays. C’est pour cela que notre combat doit s’appuyer sur 2 jambes. La jambe institutionnelle pour profiter de tous les acquis démocratiques des 20 dernières années ; le volet électoral en fait évidemment partie.

Assaut final
Nous appelons les citoyens kamerunais en âge de voter à s’inscrire massivement sur les listes électorales, à exiger leurs cartes d’électeurs, à exiger de connaître leurs bureaux de vote et à s’assurer que leurs noms figurent bien sur les listes affichées devant les bureaux de vote. Le volet institutionnel c’est aussi la parfaite maîtrise des textes et des procédures qui régissent le fonctionnement de l’Etat, de l’Administration et des élections. La seconde jambe de notre combat est la mobilisation populaire et le regroupement des forces patriotiques et progressistes afin de préparer l’assaut final contre le régime néocolonial.
En 1992, M. Fru Ndi obtint la victoire par les urnes. Il ne put accéder à Etoudi parce qu’inexpérimenté, il ne sut pas appeler le peuple kamerunais à la résistance et à la conquête du pouvoir à partir de la rue. En 2011 et 2012, l’opposition patriotique et progressiste ne pourra gagner que si elle se regroupe autour d’une plateforme résolument progressiste et anti-néocoloniale, en donnant la priorité au front des forces syndicales, associatives et politiques qui se sera constitué plutôt qu’à tel ou tel individu autoproclamé sauveur charismatique.

C’est sur la base d’un tel regroupement, avec une telle plateforme que l’Opposition patriotique et progressiste pourra regagner la confiance des populations kamerunaises et surtout des masses populaires, et créera donc l’espoir que le régime néocolonial peut être vaincu. Pour redevenir crédible, l’Opposition patriotique et progressiste doit tenir un discours ferme et clair qui permette de séparer le bon grain de l’ivraie. Car les amalgames du passé ont créé une confusion préjudiciable aux véritables forces du changement. Ceux qui s’engagent dans le front des forces patriotiques et progressistes s’engagent à rompre avec le système néocolonial et à le détruire. Ils ne s’engagent pas à le réformer car, répétons-nous, le système néocolonial n’est pas réformable. La plate-forme du front des forces patriotiques et progressistes devra indiquer clairement que l’objectif majeur est de construire un Etat républicain et démocratique, respectueux des droits inaliénables de l’Homme.

Le nouvel Etat sera l’émanation de la volonté du peuple kamerunais dont l’expression devra être scrupuleusement respectée. Le nouvel Etat garantira l’accès gratuit et obligatoire à l’éducation primaire et secondaire de tous les enfants kamerunais. Il devra aussi garantir l’accès de tout citoyen kamerunais à l’eau potable et aux soins de santé de base. Les secteurs économiques stratégiques, relevant de la souveraineté nationale seront la propriété de l’Etat du Kamerun. La justice sociale, l’égalité devant la loi, l’amélioration continue du bien-être des citoyens seront le socle de la politique sociale du nouvel Etat. Les langues africaines et les valeurs culturelles de l’Afrique auront la primauté sur les langues et les cultures importées. Le développement économique de la nation se fera à partir de l’industrialisation opiniâtre de notre pays.

Le Kamerun est notre patrie mais l’Afrique est notre avenir. Telle est la devise du Manidem. La politique africaine du nouvel Etat poursuivra l’objectif de l’unification politique du continent. Les forces sociales qui s’engageront sur une plateforme de rupture d’avec le système néocolonial auront le soutien du peuple kamerunais et pourront élaborer une stratégie gagnante, assurées que le peuple saura défendre sa victoire. Les stratégies organisationnelles et opérationnelles du Front des forces patriotiques et progressistes devront privilégier la mobilisation populaire et l’implication effective des populations dans tout ce qui se fera. Le Manidem est prêt pour un tel engagement, il est prêt pour cet autre défi. L’espoir est permis, il faut le recréer.

Par Abanda Kpama *