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Kamerun : le défi de l’industrialisation

D 23 février 2013     H 05:40     A Abanda Kpama     C 1 messages


Une voie sans issue

Le discours du 31 décembre 2012 de M. Paul BIYA, chef de l’Etat, a semblé indiquer qu’il avait enfin pris la juste mesure du défi du développement qui se pose à notre pays. Le chef de l’Etat indique clairement et pour la première fois que l’industrialisation est le levier du développement du Kamerun. M. BIYA a raison. Il n’existe pas dans l’Histoire de l’Humanité, un pays qui se soit développé sans s’industrialiser. On peut d’ailleurs affirmer que seuls les pays industriels peuvent être considérés comme des pays développés.

La production industrielle de biens et de services basée sur la mise en œuvre de la technologie issue de la recherche scientifique est le gage du développement des Nations. Reste donc à définir la voie qui mène à l’industrialisation. La voie, suggérée par le chef de l’Etat, est sans issue, elle conduit à l’échec. Cette voie, c’est celle que nous empruntons depuis l’époque coloniale et qui est reconduite depuis 1960 par M. AHIDJO et aujourd’hui par M. BIYA. Cette voie, c’est celle que les patriotes et les progressistes kamerunais qualifient d’extravertie. Elle consiste à baser le développement du pays sur la production intensive des matières premières agricoles, forestières et minières et à les exporter à l’état brut pour engranger les devises. Celles-ci sont alors supposées servir à un début d’industrialisation, c’est du moins ce qu’affirme M. BIYA. Tous les pays sous-développés économiquement qui ont expérimenté cette politique-là sont restés sous-développés.

Et ce, même quand ces pays regorgeaient d’immenses richesses naturelles. Les exemples les plus frappants sont les monarchies moyenâgeuses du Moyen-Orient et en particulier l’Arabie Saoudite et plus près de nous, le Gabon et la Côte-d’Ivoire. Sous la dynastie des Fayçal comme sous Bongo-Père et sous Houphouët-Boigny tous les trois pays sus-cités ont exporté pétrole, bois et cacao en quantité et ont engrangé des montagnes de devises ; malgré tout, ces pays sont demeurés sous-développés et la plus grande partie de leurs populations vit dans le dénuement et la misère. A contrario, les pays sans ressources naturelles comme la Corée du Sud, le Vietnam, la Malaisie et bientôt l’Ethiopie se classent parmi les pays émergents ou en voie de l’être et s’industrialisent grâce à des politiques économiques basées sur l’acquisition des technologies et la formation scientifique et technique de la jeunesse.

Réformer le système éducatif

Telle est la voie à suivre. Il faut cesser de pérorer sur « les grands projets structurants » ou sur « l’agriculture de deuxième génération » alors même que le système éducatif ne prépare pas notre jeunesse à l’acquisition des savoirs nécessaires à la maîtrise des technologies qui sont mises en œuvre dans ces projets. Le Kamerun ne compte aucun Lycée Technique Agricole.

Avec quel matériau humain va-t-on implanter l’agriculture de deuxième génération ? Il faut former des laborantins, des techniciens d’agriculture et d’élevage, des conducteurs d’engins agricoles, et à un niveau plus élevé, des chercheurs. Ce qui est valable pour l’agriculture l’est aussi pour l’industrie. Le matériau humain est le point de départ. Cadres moyens et supérieurs sont à former dans les lycées scientifiques et techniques et dans les grandes écoles techniques. Or, le Kamerun produit chaque année 80% de bacheliers A et à peine 20% de bacheliers scientifiques et techniques.

C’est un gâchis. Et de toute façon, tous ces bacheliers A sont pour la plupart voués au chômage. En réalité, la politique éducative actuelle qui n’est d’ailleurs que la continuation de celle de M. AHIDJO est volontairement et cyniquement orientée vers les formations non scientifiques et techniques. Elle correspond à la volonté de l’Etat impérial français qui espère maintenir nos contrées dans le sous-développement technique.

L’Etat du Kamerun doit donc mettre les moyens nécessaires à la construction des lycées scientifiques et techniques qu’il faut évidemment équiper ; tout ceci ne va fonctionner que si les formateurs, les enseignants sont en même temps formés dans les écoles normales d’enseignements techniques. La multiplication d’écoles normales où l’on forme des enseignants pour enseigner à notre jeunesse les langues des colonisateurs, l’histoire des colonisateurs, la géographie des pays occidentaux, quelques enseignants de biologie et presque pas d’enseignants de mathématiques et de technologie est une aberration, un véritable crime contre notre jeunesse. Le système éducatif actuel ne prépare le Kamerun ni à l’émergence économique et encore moins à l’industrialisation. Le discours officiel sur l’émergence et l’industrialisation participe de la propagande politique du régime et des slogans creux.

Mettre le cap sur l’industrialisation

c’est avant tout définir clairement les filières industrielles prioritaires qui vont constituer le socle de la politique industrielle. Pour notre pays, cinq filières sont porteuses de développement : l’aluminium, le bois, le pétrole, l’agro-industrie, le fer. Le Kamerun dispose d’immenses réserves de bauxite à Minim-Martap et à Ngaoundal ; transformée à Edéa et à Kribi en aluminium, l’on peut produire les biens pour les industries brassicoles, pour l’industrie de l’immobilier, pour l’industrie de l’armement, pour l’industrie de l’électroménager etc.

Le bois dont la première transformation s’opère déjà au Kamerun peut servir dans une deuxième et troisième transformation pour l’industrie des jouets, celle de l’immobilier et de l’habitat, celle des infrastructures ferroviaires, celle de la construction et de la réparation navales. Les Kamerunais ont acquis un réel savoir-faire dans la transformation des dérivés du pétrole : plastiques, cosmétiques, produits chimiques destinés au nettoyage.

Il faut pousser cet avantage par l’acquisition de technologies plus poussées pour développer une industrie chimique plus variée et de pointe. L’agro-industrie devrait-être le fleuron de notre industrie. La variété écologique de notre pays prédispose à la production d’une grande variété de produits agricoles : coton, huile de palme, hévéa, maïs, manioc, banane plantain, agrumes, thé, cacao, café, igname, moringa, riz etc. ; la production intensive, la conservation et la transformation industrielle de cette véritable manne résoudra les problèmes de famine des populations de la sous-région et de chômage de notre jeunesse et assoira une véritable indépendance agricole de notre pays. Quant au fer de Mbalam, il doit constituer la porte d’entrée du Kamerun dans le cercle restreint des pays producteurs d’acier, « matière – première mère » de l’industrie, toutes filières confondues.

C’est la raison pour laquelle les Kamerunais doivent s’opposer au projet de convention que l’Etat du Kamerun s’apprête à signer avec CAM IRON : le fer est exporté en Australie à l’état brut, le Kamerun engrange 10% des recettes ! Il faut obtenir que des hauts-fourneaux soient construits à Kribi, dans la zone industrielle et que le fer de Mbalam y soit transformé en acier.

Se pose toutefois la question de l’acquisition des technologies. Grâce à la mondialisation et à l’émergence de nouveaux pays industriels autres qu’occidentaux, il est désormais possible de signer des partenariats avec des industriels des pays comme la Turquie, l’Iran, le Brésil, la Corée du Sud, la Chine, le Vietnam, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Pakistan, industriels qui sont disposés à investir dans nos pays pour la construction d’usines de transformation, avec un réel transfert de technologie qui s’opèrerait par la sous-traitance industrielle ; une partie des biens produits chez nous serait exportée vers les pays investisseurs. Ce partenariat serait donc véritablement gagnant-gagnant.

Pour réussir ce pari industriel, quatre conditions s’imposent toutefois :

1. Il faut avoir la volonté politique d’industrialiser le pays en investissant dans les moyens humains et infrastructurels nécessaires.

2. Il faut avoir un environnement des affaires attractif, c’est-à-dire :

 Une administration non corrompue et véritablement orientée vers le progrès du pays, avec des agents compétents et patriotes.
 Une législation fiscale simple, claire et stable - Un système politique qui inspire la confiance et qui est stable

3. Il faut une offre en énergie électrique abondante, disponible et bon marché ;

4. Il faut enfin un système judiciaire indépendant et des magistrats libres, diligents, compétents et intègres

En dehors de ce schéma, tout ce qui est dit et chanté à longueur

Par Abanda Kpama
Président National du Manidem

Source : http://alternative-revolutionnaire.blogspot.fr

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