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Le choléra réapparaît au Cameroun

D 5 septembre 2014     H 05:28     A IRIN     C 0 messages


YAOUNDÉ - Les pluies et l’insécurité liée à la présence de militants islamistes nigérians viennent aggraver l’épidémie de choléra qui sévit dans le nord du Cameroun. Au moins 75 personnes sont décédées et 1 400 autres ont été infectées depuis le mois d’avril. Selon les experts, la rareté de l’eau, la médiocrité du système de santé publique et les pratiques hygiéniques risquées ont fait réapparaître la maladie, qui avait durement frappé le pays entre 2009 et 2011.

Les mouvements de population liés aux vacances scolaires actuelles pourraient contribuer à propager l’infection à d’autres régions du Cameroun ou même aux pays voisins, a dit Félicité Tchibindat, une représentante du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) au Cameroun.

Le premier cas de choléra a été enregistré en avril dans une famille nigériane qui faisait partie d’un groupe de réfugiés fuyant les bombardements et les attaques menées par la milice extrémiste nigériane Boko Haram. La rareté de l’eau potable, la défécation en plein air et d’autres mauvaises pratiques d’hygiène ont exacerbé l’épidémie de choléra dans le nord du Cameroun, a dit Mme Tchibindat.

Selon les autorités de santé, plus de 26 000 cas de choléra ont été rapportés au Nigeria depuis le début de l’année.

« Pour le moment, nous accordons notre soutien aux travailleurs de la santé, nous faisons de la sensibilisation communautaire et nous fournissons de l’eau et des kits pour le traitement du choléra. Or, vu l’insécurité, nous nous demandons si les mobilisateurs communautaires pourront se rendre dans tous les villages », a dit Mme Tchibindat à IRIN.

« Nous surveillons l’évolution de la situation. Nous sommes inquiets, car il y a un risque de régionalisation vers le Tchad et la République centrafricaine si nous n’enrayons pas la propagation de la maladie. Nous espérons que la situation sécuritaire permettra bientôt la poursuite de la mobilisation communautaire. »

Les autorités camerounaises ont mis sur pied un comité national pour contribuer à maîtriser l’épidémie. Elles collaborent par ailleurs avec les pays voisins afin de prévenir la propagation transfrontalière, a dit André Mama Fouda, le ministre de la Santé publique.

Fragilité du système de santé

Les régions camerounaises de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Adamaoua et de l’Est souffrent de pénuries chroniques de travailleurs de la santé. Dans l’ensemble du pays, il y a 1,43 travailleur de la santé pour 1 000 personnes. Dans la région de l’Extrême-Nord, par exemple, le ratio est de 0,47 médecin pour 1 000 personnes. La majeure partie des employés déployés dans les régions isolées « ont l’impression qu’il s’agit d’une punition », a dit la représentante de l’UNICEF.

« Ils pensent que leurs collègues de Douala ou de Yaoundé ont de meilleures conditions de travail », a-t-elle noté. « Il y a un gros problème de rétention du personnel. »

Plus de la moitié des travailleurs de la santé du pays sont basés dans les régions du Centre, du Littoral et de l’Ouest, qui accueillent les trois plus grandes villes du pays, c’est-à-dire Yaoundé, Douala et Bafoussam.

« La majeure partie des hôpitaux ne disposent pas des installations nécessaires pour tester et traiter les patients rapidement », a dit Peter Tambe, un expert de la santé à Maroua, la capitale de la région de l’Extrême-Nord, où 97 pour cent des cas de choléra ont été rapportés.

Les régions situées au nord du Cameroun sont aussi les plus défavorisées. Elles affichent des indicateurs de santé préoccupants, notamment des taux de malnutrition élevés et de faibles taux de vaccination. Il est difficile d’y obtenir des soins de santé de qualité en raison des coûts. Environ 40 pour cent des 22 millions d’habitants du Cameroun vivent dans la pauvreté.

Augmentation des attaques rebelles

Boko Haram a attaqué à plusieurs reprises des casernes de gendarmes et enlevé des civils dans la région de l’Extrême-Nord, qui partage une frontière avec le fief des insurgés dans le nord-est du Nigeria. À la fin juillet, des militants présumés de Boko Haram ont attaqué la ville de Kolofata et kidnappé l’épouse du vice-premier ministre du Cameroun et deux autres personnes. Depuis le début de 2013, le groupe a pris des étrangers en otages dans le but d’obtenir des rançons. On pense qu’il maintient toujours captif un groupe de 10 travailleurs de la construction chinois. [ http://www.bbc.com/news/world-africa-28509530 ]

Malgré le renforcement de la présence militaire dans la région, l’aggravation de l’insécurité a entravé le commerce transfrontalier entre le nord du Cameroun et le nord-est du Nigeria et durement affecté l’économie locale de cette région isolée du Cameroun. [ http://www.irinnews.org/report/100401/boko-haram-steps-up-cameroon-raids ]

Les résidents se plaignent également que la menace de Boko Haram et le couvre-feu nocturne décrété en juin ont rendu la vie difficile. Certains ont cessé de labourer leurs terres de peur d’être kidnappés.

« Nous sommes confrontés à des problèmes complexes en matière de sécurité et de changement de comportements », a dit Mme Tchibindat, ajoutant que la défécation en plein air est plus courante dans la région de l’Extrême-Nord. L’épidémie de choléra de 2009-2011, la pire qu’a connue le Cameroun, avait fait plus de 700 victimes.

Jusqu’à présent, aucun cas d’Ebola n’a été rapporté au Cameroun, mais le Nigeria voisin a récemment enregistré son premier cas.