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CENTRAFRIQUE : La nouvelle donne française ne plait pas à Bozizé

D 7 janvier 2013     H 05:26     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Les images se suivent, et ne se ressemblent pas. Il y a un
peu plus de quinze ans, en juin 1996, des manifestants
avaient exprimé leur colère devant l’ambassade française à
Bangui, la capitale de la République Centrafricaine (RCA). Ils
avaient dénoncé l’intervention, au cours des semaines
précédentes, de l’armée française dans leur pays. Au mois de mai
1996, une émeute avait éclaté parmi des soldats non payés
depuis des mois. L’armée française avait alors bombardé des
quartiers de la ville – Bangui – où des rebelles étaient censés se
cacher. Cela provoqua la colère des opposants centrafricains.

Le 26 décembre 2012, une autre manifestation eut lieu devant
l’ambassade de France à Bangui. Mais son caractère était
différent. Cette fois-ci, ce furent des centaines de partisans du
président en exercice – François Bozizé, arrivé au pouvoir en
2003 par un coup de force – qui allaient faire le siège de
l’ambassade, en cassant des vitres. La raison de leur colère : la
France officielle ne s’engageait pas assez résolument, à leurs
yeux, du côté du pouvoir en place ; contre un mouvement rebelle
armé, la « Séléka » (« Alliance ») qui a entamé une offensive
militaire en RCA depuis le 10 décembre 2012. Les agences de
presse citent des slogans des manifestants tels que : « La France
n’a pas respecté la convention de défense entre elle et la RCA. »
Lors de la récente crise de décembre 2012, la France n’est pas
restée passive . Alors qu’elle maintient normalement 250 soldats
stationnés dans le pays ( depuis octobre 2002 dans le cadre de la
« mission Boali », censée contribuer à la stabilisation du pays aux
côtés d’armées africaines), ce nombre fut porté à 600, à partir du
30 décembre.

Or, ce qui dérange les partisans du pouvoir en place , c’est la
définition des tâches assignées à ces troupes. Le président
François Hollande précisa aussitôt que la France n’intervenait pas
« pour protéger un régime », mais uniquement « pour protéger
nos ressortissants et nos intérêts ». Cette façon de dire que la
France restait relativement indifférente aux problèmes du régime
de Bangui avec ses adversaires internes est un résultat direct des
débats dans la classe politique française, suite aux événements
de 1996. C’est précisément après l’intervention de Bangui de
l’époque que des forces politiques, de droite comme de gauche,
avaient considéré que les « intérêts français » ne recouvraient
pas la nécessité de sauver la mise à tout prix à un président (à
l’époque, Ange-Félix Patassé). Que la France n’avait même, rien à
y gagner en l’occurrence, qu’il y avait donc quelques économies à
faire pour le budget de l’État. Lionel Jospin, alors dans
l’opposition ( puis Premier ministre à partir de juin 1997), avait
déclaré que le rôle de l’armée française n’était pas celui de
« gardes du corps du président Patassé ». Beaucoup, à droite,
avaient partagé ce point de vue. En conséquence de ce débat, la
base militaire française de Bangui allait être fermée le 15 avril
1998. La France allait concentrer ses forces sur des positions plus
stratégiques, telle que la base du Gabon.

Il reste, toutefois, un doute sur le non-engagement de la France
dans les affaires intérieures de la RCA. Certains Français, en tout
cas, y sont profondément impliqués. L’instructeur en chef de la
Garde présidentielle de Bozizé est le « Gaulois » Francis Fauchart,
auparavant en fonction au Gabon. Fauchart est employé par la
société de mercenaires privée « EHC », dirigée par le
prédécesseur de Fauchart à Bangui, l’ex-général français Jean-
Pierre Perez. Cette entreprise « de sécurité » a d’ailleurs posé sa
candidature pour « sécuriser » la mission d’instructeurs militaires
de l’Union européenne au Mali, en 2013.

Les pouvoirs publics français resteront-ils sur leur position
officielle de non-ingérence dans les affaires intérieures de la RCA
(à défaut d’intérêts propres) ? Les prochaines semaines nous le
montreront.

Bertold Du Ryon