Vous êtes ici : Accueil » Afrique centrale » Congo Brazzaville » Congo Brazzaville : Conférence de presse des victimes de la brutalité (...)

Congo Brazzaville : Conférence de presse des victimes de la brutalité policière du 04 Novembre 2014

D 9 décembre 2014     H 05:02     A Mouvement Citoyen pour le Respect de l’Ordre Constitutionnel (Congo Brazzaville)     C 0 messages


Mot liminaire

Par Les victimes de la brutalité policière du 04 Novembre 2014

Mesdames et Messieurs de la presse,

Après six (6) jours d’incarcération pour les uns et sept (7) jours pour les autres, dans les locaux de la DGST, nous, les victimes de la brutalité policière du 04 novembre 2014, tenons à apporter la clarification nécessaire des faits à l’attention de l’opinion nationale et internationale.

Avant de vous plonger dans le cœur de ce film, nous voudrions d’abord vous témoigner notre gratitude pour tout ce que vous avez fait pour restituer la véracité et la réalité des faits.

Nos remerciements s’adressent également aux responsables des partis politiques et associations, aux chefs des missions diplomatiques et aux représentants des organisations internationales ainsi qu’à tous ceux qui ont opéré dans l’ombre pour obtenir notre libération.

1. Restitution des faits

A l’appel du Mouvement Citoyen pour le Respect de l’ordre Constitutionnel, Plate-forme citoyenne regroupant les parties politiques, les organisations de la société civile et les individualités opposées au projet de changement de la constitution du 20 janvier 2002, un certain nombre de personnes se sont retrouvées le mardi 04 Novembre 2014 au domicile du Coordonnateur dudit Mouvement, Mr Clément Mierassa, pour une assemblée générale ordinaire.

La réunion a débuté par l’information de l’audience sur les cotisations, et le recours en annulation introduit auprès de la Cour constitutionnelle par le Mouvement Citoyen relatif aux dernières élections locales et sénatoriales au Congo, lorsque des agents de la police fortement armés ont fait irruption dans l’enceinte de la cour de Mr Clément Mierassa, écartant violemment et brutalisant sans ménagement le gardien chargé de recevoir les participants à la réunion et d’assurer le caractère privé des lieux, lançant des grenades lacrymogènes, tirant en l’air, molestant et bastonnant avec une brutalité indescriptible, toute personne rencontrée sur leur passage.
Il s’en est suivi une grande bousculade, chacun cherchant à échapper à cette agression sauvage et barbare qui, de toute évidence, était minutieusement préparée.

Dans cette panique, plusieurs personnes ont escaladé le mur d’enceinte pour se retrouver à l’extérieur de la parcelle où, malheureusement pour elles, un dispositif avait été mis en place pour les cueillir à coups de crosse, de matraques et de poings, avant de les jeter sans ménagement dans les véhicules de marque Toyota BJ de la force publique. Il en a été de même pour ceux qui avaient réussi à passer par le portail.

Il faut noter que tout au long de cette agression tout aussi sauvage qu’inattendue, les victimes ont été systématiquement dépouillées de tout ce qu’elles avaient par devers elles (sacs, téléphones, ordinateurs, tablettes, argent et même quelques vélos moteurs).
Il convient de signaler que la maison de Mr. Clément Mierassa a été mise à sac par les mêmes éléments de la force publique qui, dans la parcelle et jusque dans la rue, ont procédé à la destruction systématique de plusieurs de ses biens, parmi lesquels on peut noter des appareils électroménagers, des postes téléviseurs ou ordinateurs, un vélo de sport, des ventilateurs, des vitres de véhicules etc.

Mesdames et Messieurs de la presse,

Après ces moments cauchemardesques au domicile de Mr. Clément Mierassa et dans les environs, tous ceux qui avaient été appréhendés ont été conduits au commissariat central de Brazzaville.

De là, et sur ordre du général Jacques Antoine Bouity, Commissaire central, ils ont été transférés à la DGST auxenvirons de 18H.
A la DGST, un tri a été opéré pour séparer les étudiants de ce qu’on a appelé personnalités et responsables politiques. Si les premiers ont été placés dans une salle vide habituellement utilisée comme salle de réunion, les autres, au nombre de douze (12) ont été placés dans une cellule de moins de 8 m2, avec à leur disposition trois (3) vieux matelas en éponge et un coin pour douche et toilette utilisées aussi par neuf (9) autres détenus trouvés sur les lieux et occupant une cellule contigüe.

Les détenus sont restés dans cette cellule jusqu’à leur libération intervenue le lundi 10 novembre pour les uns et le mardi 11 novembre pour les autres, sans qu’aucun motif de leur arrestation ne leur ait été signifié explicitement.

2. Appréciation des propos du Ministre de la Communication, Bienvenu Okiémy

Mesdames et Messieurs,

En plus de l’humiliation que nous avons subie, le gouvernement a cru bon de poursuivre son œuvre de harcèlement psychologique en publiant de bout en bout des inexactitudes par la voix de son porte-parole, le Ministre Bienvenu Okiémy.

En effet, lors d’une conférence de presse organisée le vendredi 7 novembre 2014 à Brazzaville, Monsieur Bienvenu Okiémy déclarait avec un incroyable cynisme, ce qui suit :

« Au moment où cette réunion qui a commencé dans la sérénité avec la participation d’environ 30 personnes, sous la protection des forces de l’ordre, devait connaître son épilogue, une bande de jeunes gens arborant les mêmes tee-shirts que ceux distribués aux partisans de Clément Mierassa, a fait irruption dans la parcelle, forçant tous ceux qui y étaient à relever comme eux, les inscriptions portées sur leurs tee-shirts et à se rendre dans la rue. Dans cette confusion générale et face à l’opposition de certains des membres de cette organisation à se rendre dans la rue, une bagarre s’est déclenchée dans l’enceinte de la propriété de monsieur Clément Miérassa où ne se trouvait aucun policier. Surprise et alertée par le désordre et la confusion qui régnaient dans cette parcelle et aux alentours, la police a dû intervenir pour rétablir l’ordre, interpellant au passage 32 personnes qui se trouvaient sur les lieux  ».

Plusieurs questions se posent en écoutant ce récit :

1) Au moment de l’irruption des jeunes portant les fameux tee-shirts, où étaient donc les éléments de la force publique chargés, comme l’a prétendu le Ministre Okiemy, de sécuriser la parcelle où se tenait la réunion ?

2) Où sont donc passés, au moment de l’intervention de la police, ces fameux jeunes portant des tee-shirts, lorsqu’on sait que parmi les 32 personnes interpellées, aucune n’avait sur lui de tee-shirt portant les inscriptions mentionnées par le Ministre Bienvenu Okiemy ?

3) Par qui étaient lancées les grenades lacrymogènes et qui tirait en l’air au moment même de l’intervention des fameux jeunes, puisque selon le Ministre Bienvenu Okiemy, la police n’était intervenue que plus tard pour rétablir l’ordre ?

4) Comment donc expliquer que les personnes interpellées ne portaient pas sur elles les fameux tee-shirts, ni au moment de leur interpellation ni pendant leur incarcération, alors que selon le Ministre Bienvenu Okiemy, les jeunes portant des tee-shirtsseraient venus dans la parcelle pour contraindre « ceux qui y étaient à relever comme eux, les inscriptions portées sur leurs tee-shirts et à se rendre dans la rue » ?

5) Pourquoi, au lieu de celui qui avait été saisi par le commissaire central et par le maire de Moungali pour ne pas tenir la réunion (c’est-à-dire M. Clément Mierassa), ce sont les participants à la réunion qui ont été interpelés et incarcérés alors qu’ils n’étaient pas là au moment où se prenait la décision d’interdire la réunion ?

6) Pourquoi donc, au lieu des fameux jeunes portant des tee-shirts et que le Ministre Bienvenu Okiémy présente comme les agresseurs, ce sont les agressés qui ont été interpelés, battus sauvagement et incarcérés dans des conditions inhumaines pendant toute une longue semaine ?

Mesdames et Messieurs,

Les nombreuses questions sans réponse qui se dégagent des propos du Ministre Bienvenu Okiémy montrent de façon claire que ce dernier a choisi volontairement d’abuser l’opinion nationale et internationale.
L’enchainement des faits au cours de ce funeste après-midi du 04 novembre 2014 montre de façon claire que les fameux jeunes qui seraient à l’origine des événements survenus au domicile de Mr Clément Miérassa, et ceux qui seraient intervenus pour rétablir l’ordre et organiser le pillage constituent une seule et même entité structurée pour faire ce qui est arrivé ce jour-là. L’agression du 04 novembre 2014 au domicile de Mr Clément Miérassa était donc minutieusement préparée et visait un but précis. Mais lequel ?

3. Appréciation de la situation sur le plan juridique

Au regard des lois qui régissent notre pays et des textes internationaux sur les droits de l’homme, les arrestations opérées dans l’après-midi du 04 novembre 2014 au domicile de Mr. Clément Miérassa sont non seulement abusives, mais aussi tout à fait illégales.
Il y a eu en effet de façon nette :

1) une violation grave de domicile privé, acte prohibé par l’article 14 de la constitution du 20 janvier 2002 qui dispose, à l’alinéa 1 : « Le domicile est inviolable ».

2) un déni flagrant du droit à la parole et à la communication pour certains citoyens, alors que la constitution du 20 janvier 2002 dispose, en son article 19 : « Tout citoyen a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, l’écrit, l’image ou tout autre moyen de communication ».

3) un refus du droit de réunion pour certains citoyens, alors que la constitution du 20 janvier 2002 dispose, en son article 21 : « l’Etat reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et de venir, d’association, de réunion, de cortège et de manifestation ».

4) des arrestations arbitraires, pourtant prohibées par l’article 9, alinéa 2, de la constitution du 20 janvier 2002 qui dispose : « Nul ne peut être arbitrairement accusé, arrêté ou détenu ».

5) l’humiliation et le non-respect de la dignité humaine prohibés par l’article 9, alinéa 4, de la constitution du 20 janvier 2002 qui dispose : « Tout acte de torture, tout traitement cruel, inhumain ou dégradant est interdit ».

En outre, il convient de souligner que les arrestations du 04 novembre ont été opérées en violation flagrante du droit international en matière des droits de l’homme, en dépit de la reconduction du Congo comme membre du conseil des Nations Unies pour les Droits de l’Homme.

4. Principaux préjudices subis

Les préjudices subis par les victimes de l’agression sauvage du 04 novembre sont, on s’en doute, multiformes :

 a) Préjudices physiques occasionnés par les coups et blessures reçus au moment des arrestations au domicile de M. Mierassa.
 b) Préjudices moraux liés au traitement cruel, inhumain et/ou dégradant, aux souffrances morales et psychologiques éprouvées pendant près d’une semaine non seulement par les victimes elles-mêmes, mais aussi par leurs familles, leurs proches.
 c) Préjudices sociaux et économiques occasionnés par la perte de certains objets de valeur et les perturbations sur les activités professionnelles.

Conclusion

De tout ce qui précède, on peut retenir que les arrestations du 04 nombre 2014 ont été effectuées en violation flagrante des droits humains les plus élémentaires.

Les allégations de Mr. Bienvenu Okiemy, Ministre de la Communication, selon lesquelles les institutions de la République étaient menacées du fait d’une réunion politique dans un lieu privé, ne sont ni fondées, ni sérieuses.

Comment en effet imaginer qu’une trentaine de personnes, assises et assistant à une réunion dans une parcelle privée et sur qui la police n’a trouvé aucune arme, même blanche, aucun mégaphone, aucune pancarte ou même un simple tee-shirt portant des écrits séditieux, peuvent-elles menacer les institutions de la République ?

Ceci est d’autant plus étonnant que Mr. Bienvenu Okiemy, qui vit au Congo, sait que de telles réunions, au cours desquelles des citoyens de tous les bords politiques, discutent toujours avec une grande responsabilité de la situation de notre pays, se tiennent par dizaines chaque jour à Brazzaville et dans les autres localités du pays.

La déformation des faits qui se dégage des propos surprenants du Ministre Bienvenu Okiemy vise assurément un but, but que nous ne pouvons appréhender mais qui, en dernière instance, n’honore pas notre pays au moment où, plus que jamais, il a besoin de cohésion réelle et de solidarité entre tous ses fils.

Mouvement Citoyen pour le Respect de l’Ordre Constitutionnel (MCROC)

Fait à Brazzaville, le 27 Novembre 2014.