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Congo Brazzaville : LA RONDE DES DICTATEURS

D 8 avril 2013     H 12:26     A Moutsila     C 0 messages


Et de quatre ! Après Ali Ben Bongo, Idriss Deby puis Paul Biya, chefs d’Etats dont la ferveur démocratique n’est plus à démontrer, Denis Sassou Nguesso, le dictateur congolais, vient à son tour d’obtenir le précieux sésame, le billet d’entrée à l’Élysée. Il devrait être reçu le 8 avril prochain par son hôte français, le président François Hollande. Soulagement et satisfaction non dissimulés dans l’entourage du dictateur congolais. Il bruissait en effet à Brazzaville que l’inimitié entre les deux hommes était irréductible.

Pour preuves, l’appel pathétique non suivi d’effet du monsieur média de Sassou Nguesso, le journaliste français J.P Pigasse, directeur des "dépêches de Brazzaville", la Pravda locale, en direction de François Hollande, de ne surtout pas oublier l’escale de Brazzaville lors de sa participation au sommet de la francophonie à Kinshasa (octobre 2013), au grossier prétexte que les "congolais ne comprendraient pas et seraient même vexés de ce que le président français, héritier de l’homme de Brazzaville, érigée en capitale de la France libre pendant la période de braise, commit l’erreur irréparable, de n’en point fouler, même symboliquement, le sol, alors même que Kinshasa, sa destination finale ne serait distante que d’un jet de pierres de Brazzaville » , ajoutant au passage que « ce pèlerinage, aucun de ses prédécesseurs n’ y a dérogé à ce jour ".

Par ailleurs, dans les entretiens d’après sommet, les deux hommes se seraient à peine parlé. Un entretien de moins de 15mn, vécu comme un désaveu par les autorités de Brazzaville et vite transformé par une presse servile et à grand renfort d’images, en « entretien cordial de plus d’une heure », ajoutant sans sourciller qu’au cours de cet entretien, notre vaillant président n’avait pas hésité à dire son fait à son homologue, c’est à dire, sa réprobation, quant à la persistance de la poursuite du procès dit des biens mal acquis dans lequel lui et certains de ses pairs africains font scandaleusement figure d’accusés devant les juridictions françaises. Nous y voilà.

La qualité des relations entre les deux pays se mesure à l’aune de la promptitude du dirigeant français à étouffer les affaires dans lesquelles le chef d’Etat congolais et par delà lui ses pairs, sont impliqués. Il en va de l’affaire des B.M.A. comme celle des "disparus du Beach" où 353 malheureux jeunes gens, réfugies à Kinshasa du fait de la sanglante campagne de répression menée par Sassou Nguesso dans le sud du pays contre des populations jugées hostiles à son retour sanglant au pouvoir, disparurent littéralement entre les mains de ses hommes après qu’il les ai assurés qu’ils pouvaient regagner sans crainte la terre natale.

Autrement dit, l’homme ne réclame ni plus ni moins que le retour aux bonnes vieilles pratiques de la françafrique dont l’actuel locataire de l’Élysée serait à tort ou à raison, soupçonné de s’éloigner. Une attitude inadmissible et incompréhensible pour des chefs d’Etats habitués depuis la nuit des temps, aux relations privilégiées avec les dirigeants français. Tout se passe pour ces enfants gâtés comme si, en l’absence d’adoubement par Paris, leur légitimité était bancale.

En réalité, personne n’est dupe à commencer par les premiers intéressés. De légitimité tout court, ils n’en ont guère et ça leur est bien égal. Ces hommes s’imposent par la violence à la tête de leur pays et s’y maintiennent à coups de simulacres d’élections vite avalisées par Paris. Là, se trouve la légitimité tant recherchée.

Pour faire entendre raison aux dirigeants français, ils ne sont pas dépourvus de moyens de pression et savent appuyer où ça fait mal : les intérêts économiques français. Et en ces temps de méga crise économique, tous les marchés sont bons à prendre. Conscients de leur capacité de nuisance, les potentats africains, tournent ostensiblement le regard vers le tigre chinois qui engrange marchés sur marchés, ses dirigeants répétant à l’envi ne pas mélanger affaires et politique interne d’États souverains. Une douce musique aux oreilles de Sassou et de ses pairs.

Message reçu 5/5. Le Quai d’Orsay, sous la houlette du très socialiste Laurent Fabius, n’hésite plus à parler de diplomatie "économique", l’impératif démocratique étant relégué au second plan (en 6ème position parmi les 6 défis de la politique étrangère de la France relevés par le ministre des affaires étrangères lors d’un discours à l’E.N.S. le 5 février 2012 ). "La France doit retrouver le chemin de la croissance", ne cessera-t-il de marteler.
Par ailleurs, répondant, au cours d’un entretien accordé au quotidien "Le Monde" ( 29 mai 2012), à la question de la rupture avec les pratiques détestables de ses prédécesseurs dans les rapports franco-africains, il déclare que " la question n’est pas de savoir s’il faut ou non rompre avec nos prédécesseurs, mais de conduire la politique qui est bonne pour la France [...] La politique étrangère s’inscrit dans un objectif de redressement économique de la France et le Quai d’Orsay sera au premier rang du soutien aux entreprises françaises".

Difficile d’être plus clair ou de reprocher au gouvernement français de privilégier ses intérêts nationaux. Ce qui est reproché ici, c‘est moins l’existence de relations économiques que les conditions de non transparence de leur établissement, favorisées par la protection, le soutien et le maintien au pouvoir d’hommes sans vergogne qui encouragent et participent sans complexe au pillage des richesses de leur pays et concourent à l’appauvrissement de leur propre peuple.

Sassou Nguesso, l’invité de l’Élysée, en est le l’archétype. D’une brutalité sans égal, il a également une fâcheuse tendance à confondre les caisses de l’Etat et son patrimoine propre ce qui lui vaudra, à l’issue de la conférence nationale de 1992 qui précèdera son départ du pouvoir, une première condamnation à rembourser à l’Etat, la somme d’1 milliard de F cfa pour « vol, détournement de fonds et fréquentation de personnes véreuses ». Vingt et un ans plus tard, il est l’un des co-accusés dans la plainte pour bien mal acquis déposée devant les juridictions françaises par un collectif d’associations dont la F.C.D. et Survie. L’enquête de police a révélé que lui et sa famille seraient titulaires de plus de 110 comptes bancaires et possèderaient un nombre impressionnant de biens immobiliers ! Aux crimes économiques il faut ajouter les crimes politiques, massacres et autres qui jonchent son parcours pour ne citer que les disparus du beach dont l’affaire est pendante devant le tribunal de Meaux.
Ce qu’il vient négocier à Paris, nous l’avons dit, c’est une forme de reconnaissance, de légitimation d’un régime de prédation qu’il entend pérenniser. C’est aussi l’assurance qu’il peut rondement mener ses affaires intérieures en toute quiétude et en toute « souveraineté ». Dans la corbeille de la mariée, il prévoit, marchés et avantages pour les entreprises françaises. Une douce musique pour une France en crise et en recherche désespérée de marchés et de débouchés pour ses produits. Et comme l’a si bien dit le ministre des affaires étrangères, " la question n’est pas de savoir s’il faut ou non rompre avec nos prédécesseurs, mais de conduire la politique qui est bonne pour la France »….

La vigilance doit donc être de mise, notre mobilisation, totale. La récente réhabilitation pour « faits de guerre » du dictateur Idriss Deby, celle plus récente de l’autocrate Paul Biya opportunément servi par l’actualité de l’enlèvement sur son territoire de citoyens français, la visite officielle du très controversé Ali Ben Bongo dont on sait les conditions scandaleuses d’arrivée au pouvoir, et maintenant, celle programmée de Denis Sassou Nguesso, sont des signes inquiétants, la marque du recul du gouvernement français de se différencier de ses prédécesseurs en matière de relations franco-africaines, et peut être le prélude au réarmement de la raison d’Etat, à l’étouffement des affaires.

Par notre présence massive à la manifestation anti-Sassou du 8 avril, rappelons au gouvernement socialiste ses promesses de vigilance dans l’application des règles démocratiques et de rejet des dictatures, à l’autocrate congolais, la non acceptation de son régime illégitime, anti-démocratique et liberticide.

Moutsila

Source : http://www.fcd-diaspora.org