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Lumumba, l’homme debout !

D 1er avril 2010     H 20:13     A Moulay     C 0 messages


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Peu d’africains, héros
des Indépendances
des années 60, ont
eu le privilège de voir leur
vie portée à l’écran. Le film
« Lumumba », sorti en
2000 et réalisé par l’haïtien
Raoul Peck, est un
hommage majestueux à
celui qui est un modèle de
courage et de lutte contre
la colonisation. Pourtant,
Lumumba, qui a arraché de
haute lutte à la Belgique
l’Indépendance du Congo,
n’est resté au pouvoir que
2 mois et demi.

Le Congo durant la
colonisation était une
propriété personnelle du roi des Belges Léopold II qui écrivait en
1946 : « Le Congo a été et n’a pu être qu’une oeuvre personnelle.
Or, il n’est pas de droit plus légitime que le droit de l’auteur sur sa
propre oeuvre, fruit de son labeur. Mes droits sur le Congo sont
sans partage, ils sont le produit de mes peines et de mes
dépenses... »
. Des millions de personnes mourront pour satisfaire
la soif capitaliste du roi des Belges. La force des Congolais a été
mise de manière violente à la disposition de grands groupes
capitalistes comme la Compagnie Spéciale du Katanga qui reçoit la
pleine propriété d’un territoire six fois plus grand que la Belgique.
Principal actionnaire de l’Union minière fondée en 1906 avec
seulement 10 millions de francs belges, elle réalise entre 1950 et
1959 un bénéfice net de plus de 31 milliards, et domine le
Katanga dont elle organise la sécession en 1960.
Dès 1956, les intellectuels congolais réclament plus de droits.
Les Belges comprennent très vite que pour préserver leurs intérêts,
il faut en intégrer certains au système colonial, d’autant que ceuxci
ne menacent pas directement leurs intérêts, comme le note
Lumumba lui-même en 1956 : « Le désir essentiel de l’élite
congolaise est d’être des ‘Belges’ et d’avoir droit à la même aisance
et aux mêmes droits »
. Le 10 octobre 1958, Iléo, Ngalula, Adoula
et Lumumba fondent le Mouvement National Congolais (MNC), un
parti plutôt loyal vis-à-vis de la Belgique. Mais en décembre 1958 a
lieu à Accra (Ghana) une conférence panafricaniste historique.
Lumumba y rencontre alors Kwame Krumah, père du
panafricanisme et change radicalement de vision. Il déclare après
ce congrès : « Malgré les frontières qui nous séparent, nous avons
la même conscience, les mêmes soucis de faire de ce continent
africain un continent libre, heureux, dégagé de toute domination
colonialiste »
. Lumumba comprend que l’indépendance du Congo
ne peut s’obtenir que par la lutte active des masses congolaises.
Les partisans de l’indépendance se regroupent alors
essentiellement dans le MNC de Lumumba et le Parti Solidaire
Africain (PSA) de Mulele et Gizenga. Les Congolais ont enfin
compris que l’essence du colonialisme est la domination
économique et qu’à la base des malheurs du Congo se trouve la
soif du profit des capitalistes européens. En août 59, le vice gouverneur
général Schöller parle de « la masse fanatisée en
état de rébellion ouverte. […] Dans le Bas- et Moyen-Congo, on
se trouve en période pré-révolutionnaire. Nous risquons d’être
entraînés dans une guerre de type Algérie »
. L’administration
coloniale tente de s’appuyer sur les « intellectuels » moins
radicaux prêts à accepter une pseudo-indépendance.
Lors du congrès du MNC en octobre 1959, Lumumba
réclame l’Indépendance immédiate du Congo. De violentes
émeutes éclatent lorsque l’administration coloniale veut arrêter
Lumumba, qui finit d’ailleurs par être emprisonné le 31 octobre
1959. La situation dégradante incite la Belgique à organiser
une table ronde à laquelle participe Lumumba. Les élections du
22 mai 1960 qui conduisent à l’indépendance le 30 juin font un
triomphe au MNC tandis que le PNP (Parti National du Progrès),
soutenu par la Belgique, l’église catholique et pro-belge est
laminé. Le discours du 30 juin de Patrice Lumumba devant le roi
des Belges restera à jamais gravé dans les mémoires. Il déclare
sans faillir et sans faire de courbettes à l’oppresseur : « Cette
indépendance du Congo, nul Congolais digne de ce nom ne
pourra jamais oublier que c’est par la lutte qu’elle a été
conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et
idéaliste, une lutte dans laquelle, nous n’avons ménagé ni nos
forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.
Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en
sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut
une lutte noble et juste, une lutte indispensable, pour mettre
fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force »
.
Les capitalistes mettront tout en oeuvre pour faire payer à
l’ « insolent » révolutionnaire le prix de son affront. Les États-
Unis aussi sont de la danse. Lumumba se rapproche alors de
l’URSS afin de mater la rébellion qui s’organise. Il refuse la
présence des troupes onusiennes qu’il considère au service des
États-Unis. Les manipulations politiques conduisent finalement
au coup d’Etat de Mobutu qui, quelques heures seulement
après sa nomination comme commandant en chef de l’armée,
exécute le plan machiavélique élaboré avec la CIA. Le 27
novembre, Lumumba fuit vers Kisangani (est du Congo) mais
est capturé par les troupes de Mobutu, aidé par les services
secrets américains. Torturé, il est finalement livré en janvier
1961 à ses ennemis du Katanga qui l’assassinent le 17 janvier
1961.
Patrice Lumumba a donné sa vie à l’Afrique. Sa vie est un
exemple pour tous ceux qui se battent aujourd’hui et demain
pour l’indépendance totale de l’Afrique. « En Afrique, disait
Lumumba
, tout ce qui est progressiste, tout ce qui tend au
progrès est qualifié de communiste, de destructeur. Il faut
toujours faire des courbettes et accepter tout ce que les
colonialistes vous offrent. Nous sommes simplement des
hommes honnêtes et notre seul objectif a été : libérer notre
pays, construire une nation libre et indépendante. »

Moulaye Aidara