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RDC : le Dr Mukwege saura-t-il réparer le Congo ?

D 9 novembre 2017     H 05:42     A Parti de Gauche (France)     C 0 messages


Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

A la demande de Kabila, qui a introduit dans le vocabulaire politique la notion de « glissement » (des dates des élections), la CENI a annoncé récemment que les élections qui auraient du avoir lieu avant la fin de cette année, étaient reportées à 2019. Mais qui va donc gérer le Congo pendant deux ans ?

Un Congo en état de guerre permanent aux Kivus et au Kasaï, mis à sac par le clan Kabila et infiltré par les rwandais. La récente réunion de Brazzaville a accouché d’une vague résolution engageant la RDC à lutter contre les groupes armés en quelque sorte un encouragement à Kabila. Il est vrai que la plus grande partie de l’opposition est déconsidérée à trop fréquenter les allées du pouvoir.

Le seul impératif est le départ de Kabila qui représente un danger pour l’ensemble de la sous-région et il reste à espérer que l’administration américaine respectera la ligne exigeante d’Obama quant à la nécessité de respecter les règles électorales en RDC et que la Belgique se souviendra de ses responsabilités historiques. Le gouvernement français semble quant à lui plus préoccupé par l’attribution de blocs pétroliers du lac Albert et son silence sur la situation politique congolaise traduit probablement une lourde hésitation entre ménager Kabila et anticiper la suite.

L’idée d’une période de transition et le nom du Dr Mukwege semblent devoir s’imposer.

Le Dr Mukwege est médecin chef de l’hôpital de Panzi, prix Sakharov décerné par le Parlement européen, celui qui répare les femmes victimes des conflits des Kivus, pasteur d’une église évangélique, plus connu en Europe que dans son pays.

Il déclare après avoir été reçu par Macron grace l’entregent d’Attali lors du « global positive forum » : « je ne suis pas un homme politique. Mais si vous me demandez si je suis un homme d’Etat, je dis oui ». Il exige que la constitution soit respectée et dénonce l’illégitimité du pouvoir actuel, exprimant ainsi à haute voix les sentiments de ses compatriotes ; il tance aussi la communauté internationale qu’il accuse de ne pas en faire assez pour aider la RDC à retrouver le chemin de l’Etat de droit.

Il prêche une « révolution morale », « révolution qui veut mettre l’humain et les valeurs immatérielles au centre du projet collectif qu’il incarne ». Le Dr Mukwege avertit ses compatriotes que « dans le nouveau monde qui se dessine devant nos yeux, lors de la prochaine révolution industrielle qui solliciterait les ressources naturelles de leur pays, il est important que cette fois-ci la population congolaise tire son épingle du jeu en établissant une coopération win-win avec ses partenaires. Seule une telle démarche proactive et positive sonnerait le glas de la « malédiction des ressources » qui fait du Congo un des pays potentiellement le plus riche du monde, mais avec paradoxalement la population la plus pauvre du monde ».

Bref, le docteur semble se positionner comme le Macron congolais ; ils parlent tous deux de révolution, de bonne gouvernance, de progrès, de win-win chez l’un, de « en même temps » chez l’autre. Sa démarche est quoiqu’il en dise politique. Mais, a-t-on jamais entendu le docteur s’exprimer sur les causes réelles de la situation de son pays ? Quel est donc son programme ? N’est il pas manipulé par les Tsishekedi, Katumbi, Sindika Dokolo, Kamerhe ? Veut il se positionner comme homme providentiel au-dessus des partis pour, à l’exemple de son mentor, imposer au peuple une politique néolibérale et anti-sociale ?

Dans les années 90, au Zaïre, le peuple était fatigué de Mobutu. Le peuple savait ce qu’il n’ en voulait plus mais il a accepté certaines alliances pour en finir avec ce régime. Mais la suite n’a pas été préparée et le peuple s’est retrouvé avec d’autres Mobutu, les Kabila. Aujourd’hui, le peuple ne veut plus du système Kabila et ne veut plus des institutions qu’il a mises en place pour le servir. Le peuple congolais ne se contentera pas d’un nouveau nom d’homme politique miraculeux ; il veut un vrai système démocratique, avec des échéances et des engagements clairs que le peuple puisse contrôler.

Au Docteur Mukwege, nous disons : puisque vous pensez être un homme d’Etat, sachez que vous avez besoin d’une feuille de route pour la période de transition qui nous l’espérons va bientôt s’ouvrir, une feuille de route qui doit nécessairement être élaborée par l’ensemble des forces politiques progressistes du pays et être connue et validée par le peuple.

A l’ensemble des forces politiques qui luttent pour l’avènement d’un Etat réellement démocratique en RDC, nous recommandons de ne pas céder à un triomphalisme prématuré. Tant que Kabila sera au pouvoir, il n’y aura pas de transition ni de docteur Mukwege comme Président de la transition. Il faut d’abord dégager Kabila, ensuite élaborer une feuille de route, qui fixera le timing, les priorités et les réformes nécessaires pour conduire le peuple congolais des élections libres, transparentes et démocratiques. C’est seulement cette condition que le Dr Mukwege pourra être librement choisi sur base des critères définis par les forces politiques congolaises pour conduire la transition sans Kabila. Nous tirons ici les leçons de l’expérience du Burkina Faso, et même de la République centrafricaine : c’est après le départ des bourreaux de leurs peuples que la classe politique s’est réuni pour élaborer une feuille de route conduisant leurs peuples aux élections.

Le Parti de Gauche soutient le courageux et déterminé peuple congolais dans sa lutte pour exiger le départ de Kabila. De nouvelles marches puissantes et unitaires seront nécessaires jusqu’à la victoire.

Le Parti de Gauche encourage le Dr Mukwege à organiser rapidement une concertation inclusive de l’ensemble de forces progressistes congolaises et à produire une feuille de route engageante.

Le Parti de Gauche demande au gouvernement français de s’associer aux efforts de la communauté internationale pour promouvoir le départ de Kabila et une période de transition.

Pierre Boutry