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RDC : RESURGENCE DES BANDES ARMEES AU NORD-KIVU

D 31 janvier 2012     H 05:04     A Primo-Pascal RUDAHIGWA     C 0 messages


La fin de l’année 2011 et le début de l’année 2012 n’ont pas été roses pour certains habitants du Nord-Kivu qui ont passé les fêtes de Noël et du Nouvel an dans la détresse, certains en pleurant les leurs et d’autres en déplacement forcé. Dans la réunion de l’évaluation sécuritaire au Nord-Kivu organisée à Goma en ce début du mois de janvier 2012 par les acteurs de la Société civile, des enlèvements et des tueries ont été déplorés sur toute l’étendue de la province à cause de l’activisme des groupes armés tant nationaux qu’étrangers et l’inefficacité de l’armée et de la police alors que 13 régiments militaires restructurés et formés avaient été déployés sur l’ensemble de la province en 2011.
Cette insécurité a été décriée d’une manière particulière dans le territoire de Walikale où elle tend à se transformer en conflits interethniques a déclaré M. Thomas d’Aquin Mwiti, coordonnateur de la Société civile du Nord-Kivu.

Entre FDLR, GUIDES et MAI MAI : Walikale à feu et à sang

Depuis le mois de novembre 2011, les affrontements ont débuté dans le groupement de Walowa-Yungu entre les jeunes de l’autodéfense local communément appelé ’’Guides’’ et les FDLR.
Le rapport de la société civile fait état d’une centaine de personnes tuées, des villages entiers brûlés et des milliers des personnes en déplacement vers Walikale centre, Kashebere et Masisi. Ces déplacés n’ont aucune assistance humanitaire et selon les autorités locales certains d’entre eux meurent de faim et de maladie.
Les combats entre les deux groupes armés se sont poursuivis jusqu’à Ntoto, chef lieu du groupement de Walowa-Uroba réputé comme bastion des FDLR. Par peur de représailles de la part des FDLR, la population a fui vers les localités voisines et environs mille personnes se sont réfugiées aux alentours de la base des Casques bleus de la MONUSCO à Ntoto même.
Selon le chef de secteur de Wanianga, Kiroba Mulengetsi, les FDLR en fuite n’ont plus pitié des autochtones, ils tuent, pillent et brûlent les villages des Wanianga.
Il déplore le comportement des ’’Guides’’ qui selon lui ne sont pas des Wanianga. " Il s’agit plutôt des jeunes armés sous commandement de Luanda Bandu venus de Nyamaboko I et II dans le territoire de Masisi qui étaient des pisteurs pour accompagner les militaires des FARDC en opération contre les FDLR. "
Cette opinion n’est pas partagée par le Major Olivier Amuli, porte- parole des opérations " Amani leo " (c’est-à-dire " La Paix aujourd’hui ") au Nord-Kivu, pour qui les ’’Guides’’ étaient plutôt au service des FDLR qui les utilisaient pour échapper aux attaques des militaires congolais. Pour cet officier militaire, les Guides sont une milice qui doit être traitée au même titre que les FDLR et les autres groupes armés qui déstabilisent la région.

Au cours cette réunion d’évaluation de la situation sécuritaire par les acteurs de la société civile, il a été révélé que les " Guides " se sont divisés en deux groupes : les ’’Guides’’ originaires de Walikale (Les Wanianga) se seraient désolidarisés des ’’Guides venus de Masisi (Les Bahunde), les premiers accusant les seconds de les avoir opposés aux FDLR avec qui ils cohabitaient harmonieusement.
Le bilan des derniers affrontements entre les deux groupes des " Guides " serait de 15 personnes tuées dans les deux camps. Les FDLR ont pu, à cette occasion, récupérer le contrôle de la localité de Ntoto avec l’appui des Maimai de Akilimali, un autre originaire du territoire de Walikale qui entretient une milice alliée aux FDLR.

L’Etat : absent à tous les niveaux !

Selon la Société civile, ces affrontements sur fond d’antagonisme tribal risquent de diviser encore une fois les communautés Nyanga et Hunde au grand bonheur de leur " ennemi commun ", les FDLR, qui sont en train d’investir toutes les localités abandonnées par la population fuyant les combats. Pour le Président de la Société civile du Nord-Kivu, les ’’Guides’’ ne font pas le poids face aux FDLR, une grande armée des rebelles Hutu Rwandais qui a jusqu’ici résisté aux opérations conjointes des armées congolaises et rwandaises. Il invite donc le Gouvernement congolais et son armée à jouer pleinement leur rôle pour sécuriser les populations civiles et de ne pas continuer à se comporter en observateurs. Même les autorités politico-administratives de la province n’ont pas encore réagi à cette situation et la société civile s’inquiète de ce silence. Il sied de noter que la grande partie du territoire de Walikale échappe au contrôle des autorités provinciales à cause de cette présence massive des groupes armés étrangers et nationaux.

Lors d’une intervention à la Radio onusienne Okapi au début de cette année, le colonel Sylvain Ekenge, porte- parole des opérations militaires au Nord et au Sud-Kivu, avait annoncé que des dispositions étaient en cours pour traquer tous ces groupes armés, y compris les ’’Guides’’ qu’il avait, lui aussi, assimilés à une rébellion. Une éventualité qui donne déjà des sueurs froides aux populations qui ont tout à craindre des opérations militaires qui ne prendraient pas en compte, préalablement, la sécurité des civils pour limiter les " victimes collatérales ", surtout dans ce contexte où les ’’Guides’’ sont confondus aux populations locales.

Les Humanitaires entre la crainte de l’insécurité et le piège de l’enclavement

Une délégation des humanitaires venus de Goma s’est rendue à Ntoto pour étudier la possibilité d’assister les victimes mais elle s’inquiète de l’inaccessibilité liée à l’insécurité et l’enclavement du milieu qui ne peuvent pas faciliter une quelconque opération en faveur des nécessiteux.
Toutefois, le CICR a débuté l’identification des déplacés qui se trouvent le long de l’axe routier entre Masisi et Walikale pour une éventuelle assistance.

La situation sécuritaire reste donc précaire sur l’ensemble de la province du Nord-Kivu et risque de se détériorer davantage si les institutions étatiques (Gouvernement national et provincial, Armée, Police) ne prennent pas leurs responsabilités. Les acteurs de la société civile ont commencé une pression médiatique et promettent de faire un plaidoyer au niveau national et international pour que cette partie de la RDC recouvre un minimum de sécurité physique. Une véritable gageure en cette période où les attentions et les passions sont plutôt focalisées sur le processus électoral que sur la vie quotidienne des pauvres hères condamnés à l’errance par des gangs sans foi ni loi qui opèrent impunément sous le couvert des forêts du Congo oriental.

Primo-Pascal RUDAHIGWA
Goma, Janvier 2012

Source : http://www.pole-institute.org