Vous êtes ici : Accueil » Afrique centrale » Congo Kinshasa » RDC : Simon Kimbangu, une mémoire coloniale à ne pas oublier

RDC : Simon Kimbangu, une mémoire coloniale à ne pas oublier

D 12 août 2010     H 18:43     A Déo Nendumba     C 0 messages


Dans la lutte pour l’émancipation du peuple congolais du joug colonial belge, Simon Kimbangu peut être considéré comme un précurseur. En effet, il fut le premier, dès 1921, à fustiger la politique coloniale belge avec un discours non-violent. Il prôna l’égalité des droits devant la loi et suscita l’éveil de la conscience noire face à l’idéologie dominatrice du colon belge. Pour les Congolais de l’époque, Simon Kimbangu fut un prophète de Dieu, un nationaliste. Par contre, pour les missionnaires et l’autorité coloniale, il fut un dangereux personnage qui incitait la population congolaise à la révolte, qui s’attaquait aux principes fondamentaux de la suprématie du colonisateur sur le colonisé, donc un homme à abattre…

Son histoire et son combat

Simon Kimbangu, dont le nom signifie « celui qui révèle les choses cachées », est né le 12 septembre 1887 à Nkamba, petit village de la province du Kongo-Central (Bas Congo) au Congo Belge, actuellement République Démocratique du Congo (RDC). Simon Kimbangu fit ses études primaires à la mission protestante de Ngombe-Lutete où il devint catéchiste. A partir de 1910, Simon Kimbangu prétend recevoir un appel divin de « paître son troupeau ». Il fuit et se réfugie à Léopoldville (Kinshasa) pour travailler dans une entreprise de huilerie sans être rémunéré. A Léopoldville, il est confronté à la ségrégation raciale et à l’humiliation quotidiennes du colonisé. Déçu, il regagne son village de Nkamba, où l’histoire veut que le 6 avril 1921, il ait guéri une jeune femme dénommée Nkiantondo qui était dans le coma depuis plusieurs jours. Très vite, Simon Kimbangu acquiert la réputation d’un thaumaturge. Dès lors, les foules ne cesseront d’affluer à Nkamba pour écouter ses prêches et bénéficier d’une guérison miraculeuse. Tout au long de son ministère, il a prêché l’évangile et s’est toujours déclaré être l’envoyé de Jésus Christ pour ne pas se voir accusé de syncrétisme religieux par les missionnaires catholiques et protestants.

La popularité dont il jouissait auprès des Congolais ne pouvait plaire aux missionnaires catholiques et protestants qui voyaient leurs églises se vider au profit du village Nkamba devenu « la Jérusalem noire ». En effet, il s’attaquait aux missionnaires blancs qui utilisaient l’évangile avec le fouet pour asseoir leur domination, contrairement au message évangélique qui préconise la charité et l’égalité entre les hommes. A l’égard de l’administration coloniale qui voyait en lui un élément subversif, il prédit la libération de l’homme noir sur le plan spirituel et physique, l’indépendance du Congo, et il ajouta qu’un jour l’homme blanc deviendra noir et l’homme noir deviendra blanc, ce qui signifiait que la colonisation prendra fin et que les Congolais prendront en main le destin de leur pays.

Une telle prise de conscience de l’infériorité imposée aux colonisés par le système colonial devait être neutralisée. Les autorités coloniales belges, alertées par les missionnaires catholiques et protestants, vont envoyer le 6 juin 1921 à Nkamba Léon Morel, administrateur territorial de Thysville (actuelle Mbanza-Ngungu), pour procéder à l’arrestation de Simon Kimbangu. Kimbangu parviendra à s’enfuir et entrer dans la clandestinité pour coordonner son action.

A la suite des menaces exercées sur ses proches, Simon Kimbangu et tous ceux qui lui étaient fidèles vont se rendre à Nkamba, le 12 septembre 1921, pour être arrêtés et accusés de sédition par l’administrateur Snoeck. Le procès des fauteurs de troubles du « paisible Congo belge » commença le 29 septembre 1921 et ne dura que 5 jours, durant lesquels des hommes, des femmes et des enfants défilaient sans témoins ni commis d’office pour affirmer ni infirmer les chefs d’accusation retenus contre eux. Un procès « exemplaire et expéditif » du type stalinien pour faire taire toute velléité récidiviste des Congolais dont aucun droit ne leur était reconnu. Au cours de ce procès, les traités en vigueur à l’époque en matière de droits garantis reconnus aux pays colonisés et en matière de droits de l’Homme selon la convention de la Société des Nations (SDN) dont la Belgique était signataire, avait été violés.

Simon Kimbangu fut condamné à mort avant de voir sa sentence commuée en détention à perpétuité, accompagnée de 120 coups de fouet, par le roi Albert Ier des Belges. Il fut relégué à Elisabethville (Lubumbashi) dans la prison de Kasombo où il purgea ses 30 dernières années dans une minuscule cellule de 1,20m sur 0,80m sans aération, et comme lit il disposait d’un bloc de ciment. Durant ses 30 années de bagne, Simon Kimbangu continua à être considéré comme un leader spirituel malgré l’absence de contact avec ses fidèles, et il devint également un symbole du nationalisme congolais. Il mourut le 12 octobre 1951 en prison. Pour ternir son image auprès des Congolais, le pouvoir colonial prétendit qu’il se serait converti au catholicisme avant sa mort, chose qui était fausse.

Les autres condamnés furent déportés loin de leurs contrées d’origine. A la suite de ce procès, il s’ensuivit des représailles à l’encontre de toute personne soupçonnée adepte du mouvement de Kimbangu. Arrêtée, cette personne était acheminée à Tysville (Mbanza-Ngungu) puis, sans jugement, elle était reléguée ou déportée avec toute sa famille et voyait ses biens confisqués. Entre 1921 et 1959, on estime à 37 000 le nombre de familles persécutées et déportées vers plusieurs localités des provinces Orientale, de l’Equateur et du Katanga comme Ekafela, Ubundu, Lowa, Elisabethville. Beaucoup d’entre eux ne revinrent jamais et moururent en déportation suite aux traitements inhumains qu’ils subirent.

Son héritage

En procédant à la déportation et la relégation des adeptes du Kimbanguisme, l’autorité coloniale, à son insu, a contribué à l’implantation et l’expansion du Kimbanguisme à travers le Congo-Kinshasa, le Congo-Brazzaville et l’Angola, car les personnes reléguées continuaient à parler de la lutte de Kimbangu. Le 24 décembre 1959, le gouvernement colonial belge va reconnaître le culte kimbanguiste et abroger de fait les mesures d’interdiction du Kimbanguisme. Aujourd’hui, l’église kimbanguiste est établie dans plusieurs pays à travers le monde.

Simon Kimbangu est un des pionniers de la lutte pour l’indépendance du Congo. Il a ouvert une brèche dans l’édifice colonial belge par son discours nationaliste et non-violent qui a amené les Congolais à prendre conscience de leur état de dominés et d’exploités. Simon Kimbangu, Patrice Lumumba et les autres pères de l’indépendance du Congo ont contribué à des degrés divers à ce que la Belgique accepte l’indépendance du Congo à la date du 30 juin 1960.

Nous demandons une révision du procès de tous ceux qui ont fait l’objet d’arrestation arbitraire, d’emprisonnement ou de relégation pour des raisons d’opinions religieuses pendant la période coloniale, en vue d’une réhabilitation et d’une réparation.

Déo Nendumba

Source CADTM.org