Un génocide en RDC ?
6 octobre 2010 04:49 0 messages
Dans Le Monde du 26 août fuitait le rapport provisoire du Hautcommissariat
de l’ONU aux droits de l’Homme sur les crimes
commis pendant 10 ans en République démocratique du Congo, et
notamment ceux dont se sont rendus coupables les troupes de
l’AFDL, à l’époque dirigée par Laurent-Désiré Kabila, le père de
l’actuel président congolais, plus qu’épaulé par le Rwanda et
l’Ouganda.
Pour la période 1996-1998, selon Le Monde, le rapport décrit,
par exemple, « la nature systématique, méthodologique et
préméditée des attaques contre les Hutu [qui] se sont déroulées
dans chaque localité où des réfugiés ont été dépistés par
l’AFDL/APR sur une très vaste étendue du territoire (…) La
poursuite a duré des mois et, à l’occasion, l’aide humanitaire qui
leur était destinée a été sciemment bloquée, notamment en
province orientale, les privant ainsi d’éléments indispensables à
leur survie (…) L’ampleur des crimes et le nombre important de
victimes, probablement plusieurs dizaines de milliers, sont
démontrés par les nombreux incidents répertoriés dans le rapport.
L’usage extensif d’armes blanches (principalement des marteaux)
et les massacres systématiques de survivants après la prise des
camps démontrent que les nombreux décès ne sont pas
imputables aux aléas de la guerre. Parmi les victimes, il y avait une
majorité d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de
malades ». Ils précisent que, si Kigali a permis à des milliers de
Hutu de revenir au Rwanda, cela ne permet pas « en soi d’écarter
l’intention de détruire en partie un groupe ethnique comme tel et
ainsi de commettre un crime de génocide ».
Ce dernier point mérite d’être expliqué, car ces « révélations »
n’ont pas manqué d’apporter de l’eau au moulin des tenants de la
thèse négationniste du « double génocide », qui, pour amoindrir
les crimes des génocidaires rwandais jugés à Arusha ou laver les
accusations de complicité qui pèsent sur les autorités politiques et
militaires françaises, tentent de relativiser le génocide commis à
l’encontre des Tutsi par une rhétorique des tords partagés ou de
crimes réciproques équivalents. Or, si des crimes de guerre et des
crimes contre l’humanité ont indéniablement été commis par
l’armée du FPR et demeurent impunis, l’utilisation du terme
« génocide » pour les qualifier fait problème. Selon la convention
des Nations Unies de 1948, la définition juridique d’un acte de
génocide n’est en effet pas obligatoirement synonyme de mise en
oeuvre de la « solution finale », c’est-à-dire de tentative de
destruction totale d’un groupe de population. La qualification vaut
pour une destruction « en partie », dès lors que celle-ci est opérée
sur une base raciale, ethnique, religieuse, etc. Ainsi l’on peut
compter plusieurs dizaines d’actes de génocides au cours du XXe
siècle selon cette définition, quand le sens historique ne retient
que quelques véritables génocides, dont celui commis au Rwanda
en 1994. Le fait même que le FPR ait procédé à une politique de
retour forcé des réfugiés hutu, même si elle s’est accompagnée de
massacres imprescriptibles qui doivent être jugés, montrent bien la
différence de nature avec le projet génocidaire mené
antérieurement contre les Tutsi où c’est l’extermination totale qui
était visée et mise en oeuvre.
Robin Guébois
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