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Gabon : Lettre ouverte aux dirigeants de la CAF et de la FIFA

D 26 octobre 2016     H 14:40     A Marc ONA ESSANGUI     C 0 messages


Mesdames, Messieurs !

Le sport en général, et le football en particulier, représente aujourd’hui bien plus
qu’un jeu mais une activité culturelle planétaire à part entière. C’est pour cela que
l’éthique sportive héritée des antiques valeurs universelles olympiques recommande
plus que jamais l’organisation des compétitions saines sur le plan moral, athlétique,
financière et politique ; dans un monde où les tyrannies politico-financières tentent
trop souvent de s’emparer de la formidable vitrine universalo-humaniste qu’offre les
grands événements sportifs pour redorer leur image et pour asseoir leur hégémonie.
C’est donc au nom des principes sains du sport que la lutte contre le dopage et la
corruption dans les milieux sportifs est devenue la norme dans l’exercice des
activités sportives et l’organisation des compétitions. Car, l’argent et la gloire
menacent l’intégrité et l’avenir du sport en le transformant en une vile activité
économique d’exploitation et de manipulation populaire.

Mesdames et messieurs, un regard rétrospectif sur l’histoire contemporaine nous
amène à constater que les pires régimes politiques dictatoriaux que le monde ait
connus se sont toujours servis du sport pour distraire le peuple et dissimuler
l’oppression tyrannique qu’ils exercent sur ce peuple. C’est pour cela qu’aujourd’hui,
et plus que jamais une vigilance humaniste s’impose dans la gestion des activités et
des compétitions sportives qui doivent dorénavant valoriser l’épanouissement
harmonieux des peuples.

Mesdames, messieurs, notre pays le Gabon se distingue de tous les autres pays
d’Afrique par le fait qu’il est dirigé depuis cinquante ans par la famille BONGO. Les
méfaits de cette dictature dynastique se lisent à travers le désastre économique
occasionné par le pillage systématique des ressources économiques et financières
de l’Etat par un pouvoir despotique dont la longévité reposent sur la paupérisation
des populations et le déni de démocratie. Et dans ce sombre tableau, les gabonais
se souviennent encore qu’à son accession au pouvoir en 1967, Albert Bernard
BONGO (le père de l’actuel président) avait assuré sa popularité en faisant venir au
Gabon le mythique club de football brésilien de Santos FC du roi PELE pour un
match amical avec notre équipe nationale. De cet événement footballistique, la
conscience populaire ne retiendra que l’affluence massive des populations au stade
et l’engouement médiatique suscité sur le plan continental ; car le président BONGO
cherchait avant tout à se faire connaitre et à médiatiser son jeune pouvoir. C’est la
principale leçon qu’on peut tirer de ce match organisé à grands frais avec l’argent du
contribuable d’un pays figurant déjà parmi les premiers producteurs de pétrole et
comptant en ce temps-là moins d’un million d’habitants. Cela est autant vérifiable
que pendant près de trois décennies de monopartisme BONGO, l’équipe nationale
du Gabon ne réussira jamais à se qualifier en coupe d’Afrique. Il a fallu attendre les
années 90 avec le retour au multipartisme pour voir l’équipe nationale du Gabon
participer à sa première coupe d’Afrique des nations organisée en 1994 en Tunisie.
La mort du président BONGO en 2009 après plus de 42 ans de règne a suscité chez
le peuple l’espérance tant attendue d’une alternance politique au sommet de l’ Etat.
Mais cette ambition légitime du peuple gabonais fut tragiquement contrariée par
l’ingérence antidémocratique des réseaux françafricains qui favorisèrent puis
légitimèrent le coup d’état militaro-électoral qui porta au pouvoir le fils du président
défunt, Ali BONGO, plongeant le Gabon dans une situation peu enviable de dictature
dynastique. D’ailleurs, on note déjà avec stupéfaction qu’après cette succession
controversée et, pendant que le pays était secoué par des sanglantes contestations
post-électorales, Ali BONGO fera sa première apparition publique en tant que
président de la République en se rendant au stade Omnisport pour assister au match
qui opposa les panthères du Gabon aux Lions indomptables du Cameroun le 05
septembre 2009, dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde 2010.
C’est sans doute dans cet usage politique du football qu’Ali BONGO va se lancer
dans la co-organisation de la coupe d’Afrique des nations 2012 avec la Guinée
Equatoriale pour, tout comme son père OMAR BONGO (qui avait fait trainer ce
dossier ), médiatiser son pouvoir autocratique. C’est dans ce même sillage que
s’inscrit l’organisation du match du trophée des champions entre le PSG et les
Girondins de Bordeaux le 3 août 2013 à Libreville. Ou encore la compétition cycliste
au nom révélateur de tropicale Amissa BONGO. C’est donc dire qu’au Gabon, le
sport est pratiqué à des fins propagandistes pour la gloire des BONGO.
De plus, l’absence d’un audit de l’organisation de cet évènement en dit long sur
l’opacité et la gabegie financières qui ont émaillé la co-organisation de la CAN 2012.
Par ailleurs, une simple inspection de l’état de décrépitude et d’abandon du peu
d’infrastructures réalisées pour cet évènement aurait largement suffit à dissuader la
CAF à ne pas attribuer l’organisation de la CAN 2017 au Gabon, car aucune base
objective ne permettait un tel choix face à des pays ayant un potentiel infrastructurel
nettement supérieur. En outre, les conditions d’attribution de cette CAN mériteraient
d’être élucidées dans la mesure où d’autres pays candidats à l’organisation de la
CAN 2017 ont clairement dénoncé le manque total de transparence observé lors de
la désignation du pays hôte de la prochaine CAN.

Mesdames et Messieurs doit-on vous rappeler qu’au moment où le pays subit de
plein fouet les effets néfastes conjugués de la crise pétrolière et de la mauvaise
gouvernance économique d’Ali BONGO, près de la moitié du budget national (soit
plus de 600 milliards) a été consacrée à l’organisation de la CAN 2017 et ce, alors
que le pays fait face à un déficit alarmant dans les secteurs prioritaires que sont :
l’éducation, la santé et les routes… Est-il besoin de vous rappeler que la violente
répression meurtrière que le régime d’Ali BONGO exerce aujourd’hui sur la
population gabonaise touche en grande majorité les jeunes et la jeunesse au nom
desquels l’organisation de la CAN est dédiée ?
Et pour ne rien arranger, le Gabon aujourd’hui fait face à un grave risque d’instabilité
consécutive à la meurtrière crise post-électorale de l’élection présidentielle du 27
août 2016. C’est donc pour préserver l’intégrité morale de la CAN et de la CAF et
pour restaurer la transparence démocratique et économique dans notre pays que la
Société civile libre gabonaise, vous adresse cette lettre pour une annulation pure et
simple de l’organisation de la CAN 2017 au Gabon.
Pour finir, le climat de violences meurtrières instauré dans le pays depuis la
proclamation des résultats officiels le 31 août dernier et leur validation controversée
et toujours contestée devrait persuader tous les pays qualifiés à cette compétition et
tous les sportifs encore éprouvés par les évènements tragiques survenus au
Cabinda pendant la CAN 2010 en Angola, à se joindre à notre initiative pour éviter
que l’image de notre continent soit à nouveau ternie par les conséquences
désastreuses des violations des droits humains et du déni de démocratie.
Le peuple gabonais, dans son hospitalité légendaire refuse cette fois d’être la
marionnette d’une famille et d’un système corrompu.

Prenez vos responsabilités et le peuple gabonais prendra les siennes.

Fait à Libreville, le 21 octobre 2016

Pour le TOURNONS LA PAGE GABON

Marc ONA ESSANGUI