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Conditions de vie difficiles pour les réfugiés tchadiens revenant du Darfour

D 28 septembre 2013     H 05:32     A IRIN     C 0 messages


TISSI - Des milliers de Tchadiens qui avaient fui le conflit qui déchirait leur pays de 2004 à 2009 et qui s’étaient réfugiés dans la région voisine du Darfour, au Soudan, sont rentrés chez eux au cours des derniers mois à la suite de violences interethniques sporadiques.

Selon le haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [ http://www.unhcr.org/51baf25a9.html ] (HCR), ces rapatriés tchadiens et des milliers de nouveaux réfugiés du Darfour ont commencé à affluer dans le sud du Tchad en janvier. Ils cherchaient à échapper à un conflit autour de l’exploitation aurifère qui opposait les groupes ethniques binheissin et rizeigat dans le nord du Darfour.

Une autre vague de rapatriés et réfugiés est entrée au Tchad plus tard, à la suite de violences interethniques entre les groupes salamat et misseriya à Um Dukhun, au Darfour Centre.

Selon un rapport [ https://docs.unocha.org/sites/dms/CAP/MYR_2013_Chad.pdf ] du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), l’arrivée de 30 448 réfugiés du Darfour et de 20 640 rapatriés tchadiens (anciens réfugiés tchadiens au Darfour) aurait été enregistrée à Tissi, dans le sud-est du Tchad, en 2013.
Cette région dans laquelle les rapatriés cherchent refuge se trouve près du Darfour et du nord-est de la République centrafricaine (RCA). Les infrastructures de base y font défaut et les travailleurs humanitaires n’y avaient pas accès jusque récemment.

« Tissi n’est pas une région hospitalière », a dit Bruno Maes, représentant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) au Tchad. « Cette région qui se trouve entre la RCA, le Tchad et le Soudan est une zone particulièrement sensible. »

L’est du Tchad a été le théâtre d’une incursion janjawid au milieu des années 2000. L’insécurité qui gangrénait la région n’a diminué que lorsque les rapports entre le Soudan et le Tchad se sont normalisés (les deux pays s’accusaient auparavant l’un l’autre de soutenir des groupes rebelles sur leur territoire respectif). Le nord de la RCA est par ailleurs en proie à l’anarchie depuis longtemps et les actes de banditisme y sont courants.

« La plupart des Tchadiens qui ont fui au Soudan pendant cette période [milieu des années 2000] cherchaient principalement à échapper aux rebelles. Certains Tchadiens ont cependant émigré vers le Soudan pendant cette même période et avant pour travailler [dans les mines d’or] »,

a expliqué Qasim Sufi, chef de mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Tchad.

« Ce ne sont que deux des raisons pour lesquelles ils ont séjourné relativement longtemps et sans interruption au Soudan jusqu’à la récente explosion de violences interethniques au sujet des mines d’or qui les a tous obligés à rentrer chez eux - quelle que soit la raison initiale de leur émigration du Tchad. »

Des conditions de vie précaires

Selon M. Maes, la plupart des personnes arrivant à Tissi - dont 80 à 90 pour cent sont des femmes et des enfants - viennent de la région d’Um Dhukun, et sont dans une situation très précaire.

« Je suis arrivée du Darfour il y a deux mois. Mon mari est mort quatre mois avant que nous quittions le Darfour »,

a dit Achta Mahamat Oumar, âge de 21 ans, à IRIN dans le village de Tadjou, l’une des quelque 18 localités d’accueil des rapatriés de la région de Tissi.

« Il n’y a personne pour s’occuper des enfants. La plupart du temps, je dois travailler pour d’autres familles pour gagner de l’argent en apportant mon aide dans les fermes »,

a dit Mme Oumar, mère de deux enfants âgés de trois ans et de 13 mois.

Au Darfour, Mme Oumar et son défunt mari étaient agriculteurs, mais elle ne possède aucune terre à Tissi. « Nous n’avions pas de terres ici, même avant de fuir au Darfour », a-t-elle expliqué.

Les enfants de Mme Oumar n’ont pas de lait, car la famille ne possède qu’une jeune chèvre. Mme Oumar nourrit sa famille avec des flocons d’avoine, du riz et des légumes et elle a remarqué que ses enfants étaient souvent atteints de diarrhée à cause de l’absence d’eau potable. « La plupart du temps, ils ont des problèmes d’estomac. »

« Les soins de santé sont gratuits. Mais quand les enfants vont à l’hôpital, on leur donne des médicaments et ils finissent par les vomir, car ils ont faim »,

a dit Isak Mahamad, un rapatrié à Tissi.

L’accès aux services essentiels est difficile à Tissi, car l’insécurité passée a fragilisé les infrastructures.

« L’eau est l’un des principaux problèmes », a dit M. Maes, de l’UNICEF. Environ 15 pour cent des 43 000 habitants de Tissi ont accès à l’eau potable. Les autres doivent se contenter de sources non potables.

« L’accès à l’eau est meilleur de l’autre côté [au Darfour] », a dit une femme à IRIN devant un puits de Tissi.

La population a également l’habitude de déféquer en plein air, ce qui augmente les risques de maladies.

Besoin de plus d’aide

Les maladies comme le paludisme et la diarrhée se multiplient à Tissi à cause des récentes pluies et du manque d’hygiène et d’eau potable. Les affections respiratoires sont également un problème.

Selon Corinne Grant, coordinatrice d’un projet de Médecins Sans Frontières (MSF) à Tissi, le paludisme va se propager au cours de la saison des pluies (de juillet à septembre). Le 10 août, a-t-elle rapporté, 30 cas de paludismes avaient été signalés chez des enfants de moins de cinq ans. « Il faut renforcer la prévention, distribuer davantage de moustiquaires imprégnées d’insecticide et sensibiliser la population aux symptômes [de la maladie] », a-t-elle dit.

L’UNICEF travaille en collaboration avec MSF et d’autres partenaires à Tissi depuis le mois d’avril. L’agence y avait prépositionné des fournitures d’urgence, car l’accès par la route est généralement coupé pendant la saison des pluies.

L’insécurité reste préoccupante. Des affrontements ont été signalés au Darfour il y a quelques semaines et la population craint de nouvelles violences. « Nous retournerons au Darfour si nos maris, qui sont des combattants, nous le demandent », a dit à IRIN une femme dans la ville de Tissi. Elle a ajouté que son mari avait fui à Tissi avec elle.

Une population d’accueil vulnérable

« La population d’accueil nous inquiète également, pourtant une grande partie des interventions cible les rapatriés et les réfugiés. Ceux que nous considérons comme la population d’accueil sont d’anciens rapatriés, ceux qui sont rentrés en 2009, puis il y a les nouveaux rapatriés de 2013 »,

a expliqué Mme Grant.

La récurrence du conflit étant probable au Darfour, de nouveaux réfugiés pourraient affluer à Tissi après la saison des pluies, lorsque l’accès sera à nouveau possible.

« Les ressources sont insuffisantes. Même avant, les gens ici étaient vulnérables. Les nouveaux arrivants n’ont fait qu’augmenter les besoins », a dit à IRIN Ousman Moustapha Ismail, sous-préfet de Tissi. « Nous avons déjà de l’expérience dans l’aide aux réfugiés et nous pouvons y arriver, mais nous avons besoin du soutien des ONG [organisations non gouvernementales] ».

« L’afflux de populations déplacées [réfugiés et rapatriés] du Soudan et la distribution de l’aide à ces mêmes personnes ont été ralentis par les pluies, mais ils n’ont pas cessé et pourraient à nouveau augmenter après la saison des pluies, car la cause sous-jacente [des déplacements] est toujours d’actualité »,

a dit M. Sufi, de l’OIM. 

Autres problèmes

Le nombre de rapatriés à Tissi est un réel problème, mais ce n’est pas le seul.

Selon M. Sufi, il y a beaucoup de déplacements de populations au Tchad.

Ainsi, selon le HCR [ http://www.unhcr.org/5209ffe29.html ], 4 125 réfugiés de RCA sont arrivés dans la région de Moissala, dans le sud-est du Tchad, depuis la mi-juillet.

La RCA est en proie à une crise humanitaire croissante depuis le coup d’État rebelle du mois de mars [ http://www.irinnews.org/fr/report/97732/coup-d-%C3%89tat-sur-fond-de-crise-humanitaire-en-rca ] qui a plongé dans le besoin la totalité de la population - soit 4,6 millions d’habitants.

« Ces derniers mois, la situation humanitaire s’est gravement détériorée, passant d’une crise de pauvreté et de vulnérabilité chronique à long terme à une urgence complexe caractérisée par des violences, des besoins aigus et de graves problèmes de protection »,

a dit Valérie Amos, secrétaire générale adjointe et coordinatrice des secours d’urgence pour les Nations Unies, dans un compte-rendu [ http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/OCHA%20USG%20Amos%20Security%20Council%20Statement%20on%20CAR%2014Aug13.pdf ] du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la RCA daté du 14 août.

« Si cette crise n’est pas gérée de manière adéquate, elle risque de s’étendre au-delà des frontières de la RCA et de déstabiliser encore davantage une région déjà en proie à de grandes difficultés ».

Selon M. Sufi,

« si la situation se détériore en RCA, cela pourrait conduire encore plus de Tchadiens à rentrer chez eux ».

De nombreux Tchadiens se trouveraient en RCA pour des raisons professionnelles.

« L’insécurité en RCA a entraîné [un] afflux de réfugiés et de rapatriés, notamment [à Maro], dans le sud du Tchad [...] Des Tchadiens ont également fui les violences en RCA et sont rentrés à Tissi [dans la région du Sila], dans l’est du Tchad »,

a-t-il ajouté.

Source : http://www.irinnews.org