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Tchad : graves violations des droits de l’homme sous un silence assourdissant des organisations des droits de l’homme et de la communauté internationale

D 24 mars 2015     H 05:10     A     C 0 messages


Les écoles, lycées, collèges et universités au Tchad sont fermés jusqu’à nouvel ordre, une décision intervenue après la manifestation des étudiants du lundi 9 mars 2015. Une manifestation, une fois de plus, réprimée dans le sang par la soldatesque d’Idriss Deby Itno. Le bilan officiel fait état de trois (03) étudiants tués par balle et une cinquantaine de blessés. Face à l’indignation générale qui a plongé le peuple tchadien dans l’émoi et le deuil, le cris de détresse et de colère lancés par la diaspora tchadienne, les médias occidentaux, généralement très complaisants avec le régime Deby, notamment RFI, FRANCE24, TV5MONDE, JEUNE AFRIQUE, etc. ont été contraints de traiter cette actualité, en vitesse et sans y revenir, préférant nous saouler avec d’autres sujets tels que l’attentat de Bamako ayant entraîné la mort d’un français et un belge.

Si officiellement c’est l’Arrêté ministériel qui rend le port de casque obligatoire à tout motocycliste qui a été la goutte d’eau qui a fait déverser le vase, les raisons réelles de ce soulèvement populaire se trouvent incontestablement dans le ras-le-bol généralisé des populations tchadiennes et notamment les jeunes. La cherté de la vie et son cortège de problèmes sociaux ayant une incidence directe sur leur scolarité, le chômage de leurs grands frères et sœurs diplômés, le clientélisme politique qui anéantit l’émergence de tout contre-pouvoir, l’impunité sur le détournement des deniers publics et les crimes de sang, l’insécurité ambiante qui gâche la jeunesse, bref une atmosphère délétère qui s’éternise et plombe la vie tout court au pays du roitelet Idriss Deby Itno et ce malgré les milliards engrangés par l’exploitation pétrolière.

Rappelons qu’il y a quelques mois, le ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique interdisait au motocycliste tchadien de porter un casque pour sa sécurité. Mesure incroyable mais vrai et appliquée pendant plusieurs mois. Déjà, en guise de protestation, des dizaines de casques ont été jetées par leur propriétaire devant le domicile du Ministre de l’Intérieur. A l’époque, la raison évoquée pour expliquer l’inexplicable était de dire que des éléments de Boko Haram auraient infiltré la capitale tchadienne et pourraient facilement commettre des attentats, camouflés sous le casque. Quelle hérésie, c’est comme si au Nigéria les kamikazes de Boko Haram opéraient avec un casque.
Puis, volte-face, le même ministre de la Sécurité publique prend un nouvel Arrêt pour rétablir le port de casque obligatoire pour tout motocycliste et son passager. Enfin, il retrouve la raison, pourrait-on dire ! Malheureusement cette mesure universelle de port de casque par tout motocycliste semble n’être que temporaire au Tchad et pour cause ?

Pour comprendre, il faudra remonter le temps et plonger dans les arcanes du pouvoir où les marchés publics sont gracieusement distribués entre les membres de la famille présidentielle élargie au clan. Même les marchés financés par la Communauté Européenne, le Pnud, la Banque Mondiale, la BAD, etc., n’épargnent pas à la pieuvre des ITNO. Il faut ici dénoncer la complicité passive des représentants de ces Institutions sensés promouvoir la bonne gouvernance. Mais revenons à nos casques pour souligner qu’il est de notoriété publique que la nièce du Président Deby, opératrice économique pour ses heures perdues, avait « gagné » un marché pour la fourniture de 35.000 casques pour ouvriers travaillant dans les différents chantiers à travers le pays. Seulement voilà, notre bonne dame a livré des casques destinés aux motocyclistes ! Que faire ?

Comme on est à Itnoland, pays sans droit ni loi, pays de tous les contrastes et de toutes les dérives, la solution est vite trouvée : rétablir illico-presto la mesure sur le port de casque afin de liquider les casques encombrants. Les flics investissent les artères et les contraventions pleuvent. Plus incroyable, les motos sont confisqués jusqu’à présentation du sésame, le casque. Mieux, les policiers se transforment en agents commerciaux et orientent les contrevenants vers les trois seuls dépôts de vente ouverts dans la capitale, appartenant bien entendu à la nièce de Deby. Le prix unitaire du casque a flambé en 48 H, passant de 5.300 F Cfa à 25.000 F Cfa ! Et sans surprise, aucune autre offre concurrentielle n’est disponible.

Ne pouvant payer le casque à ce prix d’or, privés de leurs moyens de déplacement, les étudiants manifestent pour exprimer leur désapprobation face à cette arnaque présidentielle. Une de plus. La police charge les manifestants avec des gaz lacrymogènes dans premier temps. Mais face au nombre grandissant des manifestants, la police est vite débordée, panique et tire à balle réelle. Elle tue un étudiant identifié au nom de Hassan Massing Daouda et fait plusieurs blessés. Plusieurs dizaines de jeunes sont arrêtés, conduits dans un camp militaire, déshabillés, exposés au soleil pendant des heures et finalement violemment torturés. La vidéo de cet acte ignoble et inhumain a fait le tour du monde.

Au Tchad, c’est la consternation totale. Quelques partis politiques ont dénoncé ce comportement barbare des forces de sécurité et rappelé que le droit de manifester est garanti par la Constitution. La Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH), reconnue proche du régime Deby, est restée motus et bouche cousue. Les organisations internationales des droits de l’homme telles que HRW, FIDH et Amnesty international n’ont pas jugé utile de réagir et encore moins de condamner. D’ailleurs, elles ont toujours adopté un profil bas sur les violations des droits de l’homme et les crimes du régime d’Idriss Deby, leur allié incontournable dans la traque de l’ancien Président Hissein Habré devant les Chambres Africaines Extraordinaires au Sénégal. Un tribunal acheté par Deby à coup de milliards et qui piétine les lois et le droit pour se tenir.
Les manifestations publiques ont toujours été réprimées par les forces d’Idriss Deby. Brahim Selgué a été tué à l’hippodrome de Ndjaména lors d’une marche organisée par l’opposition politique. Les ressortissants du Ouaddaï ont été mitraillé à Ndjaména pour avoir dénoncé les tueries de Chokoyane, près d’Abéché. A Dobo, Moundou et partout au Tchad où les populations osent user de leur droit constitutionnel d’exprimer leur mécontentement, elles sont foudroyées par les sbires du régime Deby. Un régime qui a pourtant tonné fort sur le grand ciel tchadien « qu’il n’apporte ni or, ni argent, mais la LIBERTE ».

Idriss Deby Itno est arrivé au pouvoir en décembre 1990 à la tête d’une rébellion armée soutenue par la France et la Libye de Khadafi. Il organisa trois élections présidentielles en 1996, 2001 et 2006, qu’il remporta sans surprise (fraudes industrielles, plus de votants que d’inscrits !). Puis, il fait sauter le verrou constitutionnel sur la limitation du nombre de mandats présidentiels et se présente seul contre lui-même à l’élection d’avril 2011. Alors qu’Obama et Hollande appelle les dirigeants qui ont au compteur plus de 20 ans au pouvoir de passer la main, au Tchad, Idriss Deby se voit déjà réélu en 2016 pour la 5ème fois et ce au nom de la lutte contre le terrorisme islamique.

En 25 ans de règne, le Tchad a tout connu comme déchéances : rébellions armées, faillite politique, faillite de son système éducatif, effritement de son système sanitaire, crimes politiques et violations massives des droits de l’homme, détournement des deniers publics, déchéance morale et des mœurs, une économie informelle classée parmi les dernières au monde et qui prospère dans la corruption, le blanchiment de capitaux, le trafic de drogues et de devises. Un régime qui favorise les mercenaires étrangers, notamment Sénégalais, que des compétences nationales.

Le Tchad vit une situation explosive à l’image de ses voisins que rien ne pourra contenir longtemps malgré les répressions brutales et sauvage des soldats de Deby, malgré les interventions extérieures (mercenariat) pour le solde de certaines puissances occidentales promptes à casser de l’islam où qu’il se trouve. Car les tchadiens ne sont pas un peuple de moutons qui sera sacrifié à l’autel des intérêts politiques d’une caste d’apatride.

Par Tahir Mahamat Toké

Ndjaména - Tchad

Source : http://makaila.over-blog.com