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ETHIOPIE : Dans le sud il faut marcher longtemps pour aller chercher l’eau

D 10 août 2011     H 04:25     A IRIN     C 0 messages


BORENA (REGION D’OROMIA) - Pour beaucoup de gens, il suffit simplement de tourner le robinet pour avoir de l’eau. Mais pour Abdha, 20 ans et mère de cinq enfants, cela implique un aller et retour de quatre heures pour accéder à une mare boueuse. Il y a un an, elle pouvait encore atteindre un ruisseau voisin en 20 minutes, mais entre temps celui-ci est à sec.

Les pluies, qui tombent habituellement deux fois par an - entre octobre et novembre et entre février et mai - dans la zone de Borena, n’ont pas eu lieu l’an dernier ni cette année.

IRIN a accompagné Abdha pour un de ses trajets journaliers. « Vous êtes sûre que vous serez capable de le faire ? » a t-elle demandé. « La route est difficile. » Elle laisse rapidement quelques instructions à sa belle-mère pour nourrir son bébé de cinq mois et nous partons sous le soleil de l’après-midi. Nasibo, la fille d’une voisine, vient avec nous.

Je lui pose la question de la sécurité. « Nous voyageons toujours en groupe, jamais seules, et vous allez voir, nous allons rencontrer beaucoup de femmes sur cette route, » répond Abdha.

Quatre petites filles, âgées de 8 à 11 ans, sont devant nous, portant sur leur dos des fagots de bois de feu presque aussi gros qu’elles.

Nadifu Konso, 10 ans, parle au nom du groupe. Elles sont parties chercher du bois pour leur mère. Une partie sera vendue et le reste utilisé à la maison. « C’est très lourd, » dit Nadifu.

La sécheresse a été sévère, disent-elles. Leurs pères ont perdu toutes leurs bêtes. « Là nous aidons notre mère ; nous faisons ce qu’elle nous dit de faire, » dit Nadifu. Leurs frères sont en train de jouer à la maison. « Ils ne font rien ». Les petites filles parlent bien anglais, parce qu’elles vivent près de la frontière kenyane et que leurs professeurs sont kenyans. Dans ce paysage aride et désolé, Nadifu amène une preuve que tout espoir n’est pas perdu : « Quand je serai grande, je veux être pilote, » dit-elle.

Nous disons au-revoir aux petites filles et nous continuons notre chemin. Le paysage aride devient encore plus sinistre. Abdha montre du doigt les carcasses de bétail le long du sentier. Son mari a perdu les deux seules bêtes qu’il possédait au cours des trois derniers mois. » C’est tout ce que nous possédions, et maintenant nous n’avons plus rien. » Ils achètent la nourriture à crédit dans des magasins de la ville voisine, Moyale, à la frontière kenyane.

« Nous ne savons pas ce que nous allons devenir, » dit-elle. Son mari ramasse et vend du bois utilisé pour construire les maisons et gagne un peu d’argent de temps en temps, dit-elle.

L’argent sert à rembourser les dettes de nourriture, mais elle ne sait pas si son mari parviendra jamais à rembourser toute la dette.

Même si la pluie arrive en retard ou si les pluies d’octobre arrivent comme prévu, son mari, agro-pasteur, ne pourra pas labourer sa terres sans ses bêtes.

La vie autour de la mare

La mare a considérablement rétréci, dit Abdha. Des vaches toute maigres paissent sur la végétation clairsemée de la berge. Des légumes plantés par les communautés environnantes entourent la mare, formant une petite tache verte dans la poussière. L’un des membres de la communauté dit que sans son petit lopin de légumes, sa famille n’aurait rien à manger. « Nous avons perdu toutes nos bêtes. »

Abdha remplit son récipient d’eau boueuse, le hisse sur son dos et nous repartons vers son village, un trajet de deux heures. Tandis que je bois avidement l’eau de ma bouteille, Ni Abdha ni Nasibo n’éprouvent le besoin de boire une gorgée. « Non, nous n’avons pas soif : nous avons l’habitude de boire peu. »

Abdha dépose le récipient chez sa belle-mère. « Cette fois-ci, c’était pour elle que j’allais chercher de l’eau, » explique t-elle. C’était son deuxième voyage à la mare ce jour-là, mais il lui restait encore assez d’énergie pour allaiter son enfant.

Des inquiétudes sur la qualité

Les autorités éthiopiennes ont dit qu’elles étaient inquiètes de la qualité de l’eau que consomment les gens dans les zones pastorales et ont fourni aux responsables de village des produits chimiques pour purifier l’eau. Mais les ressources sont limitées et tous les villages n’auraient pas été approvisionnés. Au sommet de la sécheresse, le gouvernement a envoyé 210 camions-citernes d’eau dans la région d’Oromia.

Mais la flambée des prix de transport de l’eau par camion, la diminution rapide des ressources en eau et le mauvais état des routes ont affecté les services, a dit le gouvernement dans son document Humanitarian Requirements [ http://www.dppc.gov.et/downloadable/reports/appeal/2011/HRD%20July%2011%202011.pdf ] [Besoins humanitaires].

Au cours de la première moitié de 2011, une cinquantaine de cas de diarrhée aqueuse aiguë ont été rapportés dans certaines zones d’Oromia, selon le document. Le risque d’une épidémie majeure qui pourrait résulter du manque de ressources en eau salubre et d’une mauvaise hygiène demeure une inquiétude.

Les autorités locales indiquent également que sans pluies en perspective, même la mare utilisée par Abdha sera à sec d’ici octobre.

Source : http://www.irinnews.org