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Ethiopie : Menaces et pressions judiciaires des autorités sur les médias

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D 18 avril 2011     H 05:18     A Reporters sans frontières     C 0 messages


(RSF/IFEX) - Reporters sans frontières s’inquiète de la dégradation des conditions de travail des journalistes en Ethiopie alors que les autorités font peser sur les médias, notamment privés, un climat de pression et d’intimidation chaque jour plus lourd.

"En poursuivant en justice les médias critiques de sa politique ou qui osent simplement poser des questions qui dérangent, le gouvernement d’Addis-Abeba vise à les asphyxier. Incapables de couvrir les frais exorbitants d’avocat, les journaux incriminés risquent la faillite", a déclaré l’organisation.

"La tendance de Meles Zenawi et de son gouvernement au contrôle de l’information s’est accentuée au cours des derniers mois. L’Ethiopie s’ajoute à la liste des pays d’Afrique sub-saharienne qui opèrent actuellement une surveillance vigilante des médias et tendent à en contrôler ou à en influencer la ligne éditoriale. Signe de leur intolérance croissante, les autorités mettent tout en place pour dissuader les velléités critiques des journalistes et rendre la vie impossible aux médias privés", a ajouté Reporters sans frontières.

Eskinder Nega, un journaliste dans le collimateur du pouvoir

Eskinder Nega, ancien journaliste emprisonné en 2005 avec son épouse pour avoir soutenu les contestations populaires qui avaient suivi les élections législatives, fait à nouveau l’objet de pressions de la part du pouvoir.

Le 11 février 2011, des policiers l’ont interpellé à sa sortie d’un cybercafé et l’ont conduit au quartier général de la police fédérale. A cause de plusieurs articles publiés sur Internet, Eskinder Nega est accusé d’avoir implicitement appelé le pays à s’élever contre le gouvernement et à suivre les exemples tunisien et égyptien. Le commissaire a qualifié ces articles "d’incitation aux manifestations de rue" et "d’appel à la suspension du parlement". Il aurait ensuite averti le journaliste qu’il serait la première personne recherchée si de quelconques violences devaient se produire dans le pays. "Nous ne vous interdisons pas d’écrire quoi que ce soit, mais nous vous avertissons très sérieusement", aurait-il ajouté.

Avant 2005, Eskinder Nega était journaliste et patron de presse possédant quatre hebdomadaires en langue amharique, "Satenaw", "Minilik", "Askual" et "Ethiop". A sa libération, en 2005, il lui a été interdit de diriger un journal. Cette mesure pèse toujours contre lui.

Avalanche de poursuites contre l’hebdomadaire "Fitih"

L’hebdomadaire en langue amharique "Fitih" est poursuivi par le procureur de la République pour plus de trente chefs d’accusation. Le 22 janvier 2011, le rédacteur en chef, Temesgen Desalegne, a été convoqué à la police fédérale où le journaliste a appris les charges qui pesaient contre lui. Il lui est notamment reproché de "ternir l’image de la coalition au pouvoir". Il a été relâché après avoir versé une caution d’environ 500 USD.

"Fitih" a aussi été récemment poursuivi pour "diffamation" par le député Asheber Woldegiorgis. En 2010 le journal avait été poursuivi par l’Ethiopian Broadcast Agency, l’organe étatique régulant les diffusions et les licences.

Depuis 1991, c’est la première fois en Ethiopie qu’un journal fait face à plus de trente charges. Le directeur général de "Fitih", Mastewal Birhanu, dénonce une "tentative de suppression du droit d’expression dans le pays".

La face émergée de l’iceberg

Reporters sans frontières craint que les cas de "Fitih" et d’Eskinder Nega ne soient que la face émergée de l’iceberg. Harcelés, intimidés, découragés par les "avertissements" reçus par leurs confrères, les journalistes en sont rendus à s’autocensurer.

L’organisation s’interroge enfin sur certains blocages constatés sur Internet et craint des actes de censure. La page Facebook d’"Addis Neger", un hebdomadaire qui a volontairement décidé de cesser sa parution en décembre 2009, est ainsi mystérieusement indisponible.

Reporters sans frontières presse le gouvernement de tout faire pour permettre à la presse privée de faire son travail à l’abri des intimidations, des plaintes handicapantes sur le plan financier, et de l’autocensure. L’organisation rappelle au gouvernement éthiopien sa promesse de protéger le droit de la presse, garanti par la Constitution et espère que cette promesse sera immédiatement traduite en actes.

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Newspapers and journalists face threats and legal pressure

(RSF/IFEX) - Reporters Without Borders is alarmed by the steadily worsening climate of harassment and intimidation that the Ethiopian authorities have imposed on the media, especially the private media.

"By taking legal action against news media that criticise its policies or simply dare to ask awkward questions, the government is trying to suffocate them," Reporters Without Borders said. "As they are unable to pay exorbitant legal costs, newspapers risk bankruptcy when they are sued or prosecuted."

The press freedom organisation added : "Prime Minister Meles Zenawi and his government have been tightening their grip on news and information in the last months. Ethiopia has joined the list of sub-Saharan countries that are keeping a close eye on the media and are trying to control or influence editorial policies. Due to their increasing intolerance, the authorities are doing everything they can to stifle the critical impulses of journalists and to make life difficult for the private media."

Journalist in the government’s sights

Eskinder Nega, a former journalist jailed along with his wife in 2005 for supporting the protests that followed legislative elections, is again under pressure from the authorities.

On 11 February 2011, police officers briefly arrested him as he left an Internet cafe and took him to central police headquarters. Because of several articles posted online, Eskinder Nega has been accused of tacitly calling on the country to rise up against the government, following the examples of Tunisia and Egypt.

The police commissioner described the articles as "inciting street demonstrations" and "a call for the suspension of parliament." It was also reported that he warned Nega that he would be the first person the police would look for if any kind of violence broke out in the country. "We are not forbidding you to write what you want, but we are issuing you with a serious warning," he reportedly added.

Prior to 2005, Nega was a press proprietor who owned four Amharic-language weeklies : "Satenaw", "Minilik", "Askual" and "Ethiop". On his release in 2005 he was stripped of his right to run a newspaper. This ban still applies.

Avalanche of charges against weekly newspaper "Fitih"

The state prosecutor has brought more than 30 charges against the Amharic-language weekly "Fitih". On 22 January, the editor, Temesgen Desalegne, was summoned by police to hear the charges against him. Accusations included "tarnishing the image of the ruling coalition." He was released after posting bail of 500 US dollars.

"Fitih" recently also faced a libel suit by a parliamentarian, Asheber Woldegiorgis. In 2010, the newspaper was prosecuted by the Ethiopian Broadcast Agency, a state body in charge of issuing licences.

This is the first time since 1991 that a newspaper in Ethiopia has been facing more than 30 charges. "Fitih"’s publisher, Mastewal Birhanu, describes the situation as an "attempt to suppress the right of expression in the country."

Tip of the iceberg

Reporters Without Borders fears that the cases of "Fitih" and Nega are just the tip of the iceberg. Harried, intimidated and disheartened by the "warnings," journalists have begun to censor themselves.

Reporters Without Borders is also puzzled by certain cases of websites being blocked and suspects they are being deliberately censored. The Facebook page of "Addis Neger", an Addis Ababa-based weekly that voluntarily suspended publication in December 2009, is mysteriously unavailable.

Reporters Without Borders strongly urges the Ethiopian government to do everything it can to allow the private press to do its job without fear of intimidation, financially damaging lawsuits and self-censorship. The organisation would also like to take this opportunity to remind the government of Ethiopia of a number of pledges it made to protect the constitutionally guaranteed right of the press. Reporters Without Borders remains hopeful to see these pledges translated into action immediately.

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