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Miracle ou mirage ? L’échec du modèle de développement éthiopien

Communiqué de presse

D 4 octobre 2016     H 05:38     A Oakland Institute     C 0 messages


Alors que des mois de manifestations et de d’instabilité ont plongé l’Ethiopie dans une
grave crise politique, un nouveau rapport de l’Oakland Institute réfute le mythe du miracle économique
du « Lion Africain ». Miracle or Mirage ? Manufacturing Hunger and Poverty in Ethiopia expose comment
les programmes de développement despotiques du gouvernement ont perpétué la pauvreté, l’insécurité
alimentaire, et marginalisé les populations les plus vulnérables.
« En 2016, plus de 18 millions de personnes auront besoin d’aide alimentaire en Ethiopie, une crise
largement attribuée à la sécheresse provoquée par El Niño », a déclaré Anuradha Mittal, directrice
exécutive de l’Oakland Institute. « Cette justification, bien que commode pour le gouvernement et ses
alliés, occulte le caractère chronique de l’insécurité alimentaire dans le pays. Au cours de la dernière
décennie, 8 à 18 millions d’Ethiopiens ont chaque année eu besoin d’aide alimentaire ou monétaire pour
survivre. »

Malgré des efforts pour soutenir la productivité des paysans, la stratégie du gouvernement a mis
largement l’accent sur la promotion de l’agriculture industrielle pour stimuler la croissance économique.
« En 2011, le gouvernement allouait 3,6 millions d’hectares pour l’agriculture industrielle. L’an dernier, il
annonçait la mise à disposition de plus d’11,5 millions d’hectares pour les investisseurs », souligne
Frédéric Mousseau, auteur du rapport. « Des dizaines de milliers de paysans et d’éleveurs ont été
déplacés de force par le biais du programme gouvernemental de ‘villagisation’ pour libérer des terres
pour les investisseurs. Après la perte de leurs moyens de subsistance, nombre d’entre eux comptent
désormais sur l’aide alimentaire pour survivre ».

Un objectif clé du gouvernement est de convertir l’Ethiopie en l’un des plus grands producteurs de sucre
au monde. Plusieurs plans d’expansion de l’industrie sucrière sont en cours, y compris le colossal projet
Kuraz dans la vallée de l’Omo. Kuraz prévoit cinq usines et 150,000 hectares de plantations de canne à
sucre irriguées par le barrage Gibe III. Gibe III pourrait réduire jusqu’à 70 % le débit du fleuve Omo,
mettant en péril les moyens de subsistance de 200,000 Ethiopiens et 300,000 Kenyans qui dépendent de
la rivière pour l’élevage, la pêche et l’agriculture.
Miracle or Mirage ? décrit l’impact fatal des plantations de sucre et de coton établies depuis les années
1950 dans la vallée de l’Awash, dans la région Afar. Ces projets ont réduit de manière drastique l’accès à
la terre et à l’eau, mis à mal la sécurité alimentaire, détruit des mécanismes clés d’adaptation à la
sécheresse, et provoqué de violent conflits entre différents groupes ethniques pour l’accès aux
ressources. L’expansion des plantations fut un facteur majeur de la famine 1972-1973 qui a entraîné la
mort de près de 200.000 personnes en Afar. Ces faits soulèvent de sérieuses questions concernant la
volonté du gouvernement actuel d’accroître la production de sucre au coût prohibitif de 11,2 milliards de
dollars d’ici à 2020. Les systèmes d’irrigation et la construction de barrages engloutiront encore plus de
ressources.

À lui seul, Gibe III a couté 1,8 milliard de dollars à l’Ethiopie.
Sur la base de données quantitatives, le rapport détaille également comment les plantations établies
dans la vallée de l’Awash sont bien moins profitables économiquement que l’élevage pastoral
traditionnel, avec par contre d’énormes coûts environnementaux et sociaux.
« La stratégie du gouvernement pour stimuler la croissance économique coûte bien plus que les 1,5
milliard de dollars demandés aux bailleurs de fonds pour lutter contre la crise alimentaire », a ajouté
Anuradha Mittal. « Cette stratégie entraîne pourtant encore plus de pauvreté. Les manifestations antigouvernementales
qui menacent désormais la stabilité politique du pays et de la région sont un puissant
témoignage du fait que le modèle de développement éthiopien doit être immédiatement revu ».
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L’Oakland Institute est un cercle de réflexion dédié à promouvoir un débat équitable et des idées
nouvelles sur les grandes questions sociales, économiques et environnementales de notre époque. Les
rapports de l’Oakland Institute sur l’Éthiopie sont disponibles ici.