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Soudan du Sud. En dépit de l’accord de paix, les forces gouvernementales continuent de commettre des crimes de guerre

D 5 août 2016     H 05:53     A Amnesty International     C 0 messages


Alors que l’on assiste à une recrudescence des combats au Soudan du Sud, Amnesty International révèle dans son nouveau rapport l’horreur vécue par les civils aux mains des forces gouvernementales au lendemain de l’accord de paix signé en août 2015.

Intitulé “We are still running” : War crimes in Leer, South Sudan, ce rapport dévoile que les forces gouvernementales sud-soudanaises et les milices alliées ont pourchassé et tué des civils, violé et enlevé des femmes, volé du bétail et incendié des villages dans des bastions de l’opposition situés dans le comté de Leer, dans l’État d’Unité, entre août et décembre 2015.

« Ces crimes de guerre et autres atteintes aux droits humains commis à travers le pays sont la conséquence de l’ impunité qui nourrit le conflit au Soudan du Sud, comme en témoigne la recrudescence des combats ces dernières semaines » , a déclaré Lama Fakih, conseillère pour les situations de crise à Amnesty International.

« Les autorités doivent mener sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur les meurtres, les viols et les enlèvements de civils, et veiller à ce que les responsables présumés soient jugés dans le cadre de procès équitables, sans encourir la peine de mort. »

Le rapport relate les actes terribles de violence infligés à des civils et à des villages entiers par les forces gouvernementales et les milices alliées, en violation flagrante de l’accord de paix conclu en août 2015 entre le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar, né dans le comté de Leer.

Sur les 71 personnes interrogées, beaucoup ont vu des assaillants abattre des hommes et des femmes alors qu’ils s’enfuyaient et en exécuter à bout portant. Elles ont également raconté que des enfants et des vieillards ont été brûlés vifs dans leurs maisons, des femmes et des jeunes filles enlevées et violées à répétition par plusieurs soldats, et d’autres tuées parce qu’elles tentaient de résister au viol. Selon le témoignage de Nyamile, qui a assisté à l’attaque contre Adok Payam le 28 octobre, six jeunes filles ont été attachées, violées, puis kidnappées. Elle a déclaré : « Nous avons élu le président et maintenant il nous tue... C’est pourquoi nous demandons à la communauté internationale de dire à Kiir d’arrêter de nous tuer. Les femmes souffrent beaucoup. Une femme a été utilisée [violée] par six hommes. »

Parmi les personnes interrogées, 26 femmes et jeunes filles s’étaient enfuies ou avaient été libérées de captivité. Beaucoup ont été victimes de violences sexuelles et physiques répétées alors qu’elles étaient captives.

Des femmes et des filles ont été enlevées et contraintes de servir de porteuses, transportant les biens pillés par les soldats dans les villages attaqués, de servir de cuisinières et de s’acquitter d’autres tâches domestiques dans les camps de combattants. Certaines, ayant tenté de s’évader, ont été tuées par leurs ravisseurs, d’autres y sont parvenues, mais certaines demeurent en captivité.

Tous les témoins et victimes interrogés ont déclaré que les soldats qui les ont attaqués portaient des tenues militaires de camouflage. Une femme a déclaré : « L’uniforme était celui des soldats de Salva Kiir. »

Nyangun, survivante de l’attaque contre Adok Payam en novembre 2015, a déclaré à Amnesty International : « Ils sont arrivés la nuit… J’ai couru avec mes proches et mes enfants vers le marais… Un homme [un commerçant] est mort derrière nous… On lui a tiré dans le dos. »

Maluth, père de trois enfants qui a survécu à l’attaque contre Gondor Payam en novembre 2015, a déclaré : « Les ennemis sont arrivés. Nous avons couru jusqu’à la rivière. Ils ont tiré [et tué] mon frère dans la rivière. Et ils ont tiré [et tué] ma belle-mère chez elle. Ensuite, ils ont attrapé ma sœur et mon épouse, les ont emmenées à la rivière et les ont violées. Puis ils ont mis le feu aux maisons. »

Nyewutda, âgée de 31 ans, qui a perdu cinq de ses amis dans l’attaque contre Toch Reah Island en septembre, a déclaré : « Lorsque les forces gouvernementales sont arrivées, nous avons fui avec notre bétail jusqu’à Bul. Le gouvernement a pris mon bétail. Nous sommes restés dans l’eau pendant quatre jours, et par la suite les ongles de mes orteils sont tombés. »

Nyamot, une vieille femme qui a survécu à l’attaque contre Gondor Payam, a déclaré : « Les soldats ont trouvé mon mari caché dans le bush. Ils lui ont tiré dans la tête, la poitrine et le dos... J’ai vu mon mari se faire tuer, mais je suis restée cachée. »

À ce jour, aucune mesure n’a été prise en vue d’identifier et de traduire en justice les responsables de ces attaques brutales contre des civils.

« Le gouvernement du Soudan du Sud doit immédiatement assurer la libération des femmes et des filles kidnappées et garantir leur retour en toute sécurité dans leurs villages. Il doit soutenir la création du tribunal hybride pour le Soudan du Sud, afin de juger ceux qui portent la plus grande responsabilité », a déclaré Lama Fakih.

« S’il ne le fait pas, tous les États doivent envisager d’invoquer le principe de compétence universelle afin de garantir l’obligation de rendre des comptes pour ces crimes et d’autres crimes relevant du droit international. »

Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des personnes rencontrées.

Complément d’information

Le rapport s’appuie sur des recherches menées par Amnesty International en janvier et février 2016 dans l’État d’Unité, au Soudan du Sud.

En mars 2016, Amnesty International a publié un rapport exposant en détail l’asphyxie délibérée de plus de 60 hommes et garçons dans des conteneurs de transport à Leer, dans l’État d’Unité en octobre 2015. Elle demandait que cessent les homicides illégaux commis par les forces armées.

Le Soudan du Sud est devenu un État indépendant le 9 juillet 2011 après des décennies de guerre, de longues négociations et un référendum sur la sécession avec le Soudan. Il a basculé dans une guerre civile deux ans plus tard, après que le président Salva Kiir a accusé son influent vice-président, Riek Machar, de fomenter un coup d’État.

Depuis le début de la guerre civile, des milliers de personnes ont été tuées et des villes et villages entiers réduits en ruines. Plus de 2,3 millions de Sud-Soudanais ont fui leur foyer, dont 1,7 million de personnes déplacées à l’intérieur des frontières et 600 000 personnes réfugiées dans des pays voisins.

Au bout de deux ans de pourparlers de paix intermittents, les deux dirigeants ont convenu d’un accord de paix en août 2015 et ont plus tard formé un gouvernement d’union de transition avec le président Kiir aux commandes et Riek Machar en tant que l’un de ses deux vice-présidents.