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AFRIQUE DE L’OUEST : Choléra, quelles sont les solutions ?

D 19 juillet 2012     H 15:28     A IRIN     C 0 messages


FREETOWN/DAKAR - Après des années d’épidémies cycliques de choléra en Afrique de l’ouest, les règles en matière d’hygiène et d’assainissement de l’eau sont généralement peu respectées dans la plupart des pays touchés. Cependant, dans certaines régions, la lutte contre le choléra est plus efficace que par le passé. IRIN a discuté des solutions nouvelles et classiques existantes en matière de prévention du choléra, avec les organisations humanitaires et les gouvernements concernés.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), fin juin 2012, le choléra avait tué près de 200 personnes en Afrique de l’ouest, et en avait contaminé 10 330 autres. Les chiffres continuent de grimper, notamment dans la région du Sahel où une récente recrudescence de la maladie a tué 60 personnes et en a contaminé 2 800 autres. Le 2 juillet, 34 cas, ainsi que deux décès d’enfants, ont été signalés au nord du Mali, près de Gao, sur les bords du fleuve Niger.

Ailleurs en Afrique de l’ouest, le nombre de cas s’accroît, mais moins qu’en 2011 à la même époque, lorsque le choléra avait contaminé 82 070 personnes, et également moins qu’en 2010 lorsque le choléra avait contaminé 60 000 Africains de l’ouest du bassin du lac Tchad, limitrophe de plusieurs pays : le Tchad, le Niger, le Nigeria et le Cameroun.

Mais c’est seulement le début de la saison des pluies en Afrique de l’ouest, et les pics de choléra se produisent habituellement entre août et décembre.

Le choléra se caractérise par des diarrhées et des vomissements et peut entraîner la mort en quelques heures s’il est particulièrement virulent ou s’il touche des victimes vulnérables comme les enfants.

Les enfants, principales victimes

François Bellet, spécialiste de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH) pour l’UNICEF en Afrique de l’ouest, craint que les personnes souffrant de la faim ou de malnutrition à cause de la crise alimentaire qui sévit dans la région, ne soient particulièrement vulnérables à la contamination. La situation au Sahel préoccupe fortement l’UNICEF car la propagation du choléra est favorisée par les déplacements massifs de personnes qui fuient le conflit au nord du Mali.

Dans certaines régions - comme celles en bordure du fleuve Niger - le ministère de la santé signale qu’il y a, cette année, presque trois fois plus de patients atteints de choléra qu’en 2011.

Au Niger, environ 400 000 enfants souffrent de malnutrition sévère cette année. Guido Borghese, conseiller principal de l’UNICEF pour la survie et le développement de l’enfant, a déclaré dans un communiqué : « Un enfant de moins de cinq ans ayant surmonté une malnutrition aiguë sévère devra revenir se faire soigner au bout de quelques jours ou de quelques semaines s’il boit de l’eau contaminée ».

Les poissons, vecteurs de la maladie

Le choléra se propage par les voies d’eau de l’Afrique de l’ouest (régions côtières, rivières et lacs) où la pêche est intensive et les routes commerciales, très fréquentées. La côte peut être considérée « comme une autoroute pour le choléra » a dit M. Bellet, tout comme le sont les voies d’eau principales, à l’image du fleuve Niger qui traverse la Guinée, le Mali, le Niger, le Bénin et le Nigeria.

La bactérie se développe sous les écailles des poissons où souvent elle demeure si les poissons vendus sur les étals des marchés ne sont pas correctement nettoyés.

Compte tenu de leur rôle prépondérant dans le nettoyage, l’écaillage, le fumage et la vente du poisson dans la plupart des régions d’Afrique de l’ouest, les femmes et leurs enfants sont les plus susceptibles d’être contaminés. D’après l’UNICEF, les enfants représentent 80 pour cent des cas dans le district de Port Loko.

L’épidémie en Guinée-Sierra Leone était partie de l’Île de Yeliboya du district de Kambia, en Sierra Leone, avant de se propager aux îles du large de la Guinée et dans la préfecture de Forécariah. Les îles de la préfecture de Boffa sont connues pour leurs services sanitaires précaires et leur commerce intensif ; ce sont des conditions idéales pour la propagation du choléra, a déclaré M. Bellet.

Les vaccins, une nouvelle approche

Selon les médecins, la nature cyclique du choléra et une immunité renforcée après la survenue de grandes épidémies expliquent, entre autres facteurs, que le nombre de cas soit moins élevé cette année.

Au Tchad, pays qui ne compte aucun cas de choléra cette année, contre 5 000 en 2011, les efforts de prévention à grande échelle ont été récompensés. De même, la réaction a été beaucoup plus rapide et mieux coordonnée en Guinée cette année.

De plus, une nouvelle approche a été tentée en Guinée ; pour la première fois en Afrique, Médecins Sans Frontières-Suisse (MSF) a utilisé un vaccin contre le choléra pour enrayer une épidémie qui avait déjà commencé.

Jusqu’à présent, la vaccination a donné de bons résultats. Dans les préfectures guinéennes de Boffa et de Forécariah, 77 pour cent de la population a reçu deux doses et 95 pour cent, une dose simple. Aucun cas n’a été signalé depuis, a affirmé Iza Ciglenecki, coordinatrice d’urgence pour les maladies diarrhéiques à MSF-Suisse. Il est trop tôt pour connaître l’ensemble des résultats, a-t-elle dit, mais lors de son utilisation dans d’autres régions, le vaccin a été efficace à 65-75 pour cent pour endiguer la propagation de la maladie.

Ceci peut constituer une grande avancée mais, à 3,70 dollars les deux doses, le vaccin est cher. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les organisations non gouvernementales (ONG) discutent des directives à appliquer pour réagir aux épidémies futures. « Si nous multiplions ces interventions à l’avenir, nous pourrions même prévoir des stocks régionaux pour faire baisser le prix du vaccin, mais c’est trop tôt pour l’affirmer ; il nous faut d’abord en savoir plus » a déclaré François Verhoustraeten, responsable de programme à MSF-Suisse pour la Guinée.

MSF et les autres organisations concernées soulignent que le vaccin n’est pas une solution pouvant se suffire à elle-même. La vaccination doit être considérée comme un moyen de lutte complémentaire. « Nous concentrons nos efforts sur toutes les stratégies en même temps » a expliqué Mme Ciglenecki à IRIN. Ces stratégies sont : la sensibilisation aux mesures d’hygiène dans les lieux publics, la riposte dans les zones à risque, la mise en place de systèmes d’alerte précoce, et le traitement de l’eau. Des organisations comme MSF, l’UNICEF et Action contre la faim (ACF), une ONG internationale, appliquent ces mesures depuis des années dans les régions d’Afrique de l’ouest où le choléra est endémique.

Le personnel humanitaire a expliqué que les découvertes médicales modernes ne devaient pas remplacer les mesures d’hygiène de base, à savoir : se laver les mains après avoir utilisé les toilettes, avant de cuisiner ou de manger, et essayer de purifier l’eau susceptible d’être contaminée. Les méthodes classiques ne doivent pas non plus être négligées car elles sont utiles, a dit M. Bellet.

Rapidité de réaction

La Guinée a réagi rapidement cette année. Les gens ont retenu la leçon des épidémies de 2007 et 2008. Il avait fallu un an et demi d’efforts pour enrayer la dernière épidémie, a déclaré Grant Leaity, responsable des situations d’urgence à l’Unicef pour l’Afrique de l’ouest.

Le chef de secteur à Khounyia sur l’Île de Kaback (Forécariah), a déclaré à IRIN que la souche de choléra était particulièrement virulente cette année (il a connu six épidémies sur l’île). Mais le dispensaire local a pris en charge les patients contaminés en l’espace de quelques heures, et a envoyé des échantillons pour confirmation à Conakry (la capitale située à 35 km), dès le lendemain. Un kit sanitaire complet arrivait sur l’île quatre jours plus tard.

Fin juin, la Guinée a signalé 997 cas de choléras et 41 décès, dont environ 50 cas à Conakry.

La surveillance s’est également améliorée. Six postes de surveillance ont été implantés dans les zones à haut risque de tout le pays afin de déceler des cas possibles de choléra et de réagir rapidement, a expliqué Beatriz Navarro Rubio, directrice de l’ACF en Guinée.

« En Guinée, nous avons constaté une bonne surveillance ainsi qu’un signalement précoce de la part des autorités. Ceci a permis une action commune rapide qui était encourageante » a dit M. Leaity. « Si nous pouvions appliquer le cas de la Guinée à toute la région, cela signifierait que [.] quand le choléra surgit, nous pourrions le tuer dans l’ouf ».

La coordination entre les différents acteurs a été « très bonne » a déclaré Mme Rubio. Des exercices de simulation de situations d’urgence inter-agences avaient été organisés peu de temps avant le début de l’épidémie. Lorsque le choléra a frappé, tout le monde était donc prêt à remplir le rôle qui lui incombait.

Le ministère guinéen de la santé a pris beaucoup d’avance en impliquant les ministères de l’éducation, de l’énergie et des ressources en eau. Ensemble, ils ont décidé de faire passer des messages simples dans tout le pays en les diffusant dans les écoles et sur les ondes de radio locales, a expliqué Guarav Garg, spécialiste en communication à l’UNICEF, en Sierra Leone. Environ un million de personnes, sur les six millions que compte la Guinée, ont pu recevoir ces messages. « La coordination connaît des hauts et des bas mais il [le ministère de la santé] contrôle la situation » a dit M. Garg.

« La plupart des cas ont été traités, ce qui prouve que les mesures de prévention individuelles et collectives que nous avons prises commencent à marcher » a dit le docteur Hawa Touré, directrice nationale du ministère de la santé.

Lenteur de réaction en Sierra Leone

La Sierra Leone a réagi moins efficacement. UNICEF a déclaré que 2 742 cas avaient été signalés depuis février, tout d’abord à Kambia et Port Loko, au nord, puis à Pujehun, au sud.

Le pic du nombre de cas dans la ville de Kambia fin mai a « tiré la sonnette d’alarme », a déclaré M. Garg, car la ville est à seulement deux heures et demie de route de la capitale, Freetown. « Les pluies sont tombées en avance et beaucoup de gens vivent près des cours d’eau et défèquent à l’air libre ; c’est une mauvaise combinaison » a-t-il remarqué.

Le ministère de la santé dirige les analyses et le traitement des points d’eau au chlore depuis décembre 2011, mais les gens utilisent en majorité des puits privés, donc on ne sait pas si ces derniers sont bien traités au chlore, a déclaré M. Garg à IRIN.

Les innovations en matière de prévention du choléra incluent l’approche participative de l’UNICEF qui privilégie l’initiative communautaire pour un meilleur assainissement. Cette approche a considérablement amélioré l’hygiène dans les lieux publics, dans les endroits des six districts où les mesures sont appliquées. Kambia ne fait pas partie de ces endroits.

M. Garg a déclaré que la Sierra Leone avait deux éléments en sa faveur ; l’amélioration des services WASH qui est un pilier solide de la prochaine stratégie gouvernementale de réduction de la pauvreté, et les élections qui auront lieu en décembre. « Une épidémie de choléra avant les élections serait une catastrophe, il [le gouvernement] a compris qu’au lieu d’agir encore et encore sur les conséquences de la maladie, il pouvait miser sur la prévention » a-t-il commenté.

Les priorités

Les organisations humanitaires affirment que la coordination de la prévention et de la riposte contre le choléra doivent maintenant devenir une priorité, au même titre que l’amélioration de la surveillance, une meilleure connaissance des zones à risque et la rapidité du gouvernement à déclarer l’épidémie, dans une région qui connaît des échanges commerciaux transfrontaliers intensifs ainsi que d’importants mouvements de population.

En Côte d’Ivoire par exemple, l’épidémie actuelle est venue du Ghana ; en 2011, le choléra s’est propagé du Nigeria au Tchad avant d’atteindre le Cameroun ; le choléra se propage régulièrement de part et d’autre de la frontière entre la Guinée et la Guinée-Bissau.

Selon l’UNICEF, les gouvernements de Sierra Leone et de Guinée doivent éradiquer la propagation transfrontalière en instaurant des quarantaines et en créant un ’bouclier protecteur’ dans la zone boisée qui sépare les deux pays.

De même, tous les pays concernés doivent effectuer des exercices de simulation transfrontaliers, comme cela a été fait dans le bassin du lac Tchad, afin que les organisations puissent déterminer leurs rôles respectifs dès qu’une épidémie survient.

Source : http://www.irinnews.org