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Après Ebola : l’avenir des systèmes de santé en Afrique de l’Ouest

D 21 février 2015     H 05:12     A IRIN     C 0 messages


NAIROBI - Alors que le taux d’infection au virus Ebola diminue en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, une planification a été établie pour reconstruire les systèmes de santé publique et tirer les leçons de l’épidémie.

Il est trop tôt pour crier victoire, mais en Sierra Leone, pays le plus touché par l’épidémie, 117 nouveaux cas confirmés ont été signalés durant la semaine du 11 au 18 janvier (les dernières statistiques disponibles) contre 184 cas rapportés la semaine du 4 au 11 janvier et 248 la semaine précédente. En Guinée, le nombre de nouveaux cas a été divisé par deux (avec 20 cas) durant la semaine du 11 au 18 janvier, et au Liberia, la situation s’est stabilisée avec huit nouveaux cas.

L’épidémie sera terminée lorsque deux périodes d’incubation - soit 42 jours - se seront passées sans qu’un seul cas soit signalé. « C’est comme dire que l’on est un peu enceinte - quelques cas d’Ebola, cela n’excite pas. Nous devons arriver à zéro cas, il ne peut pas y avoir de réservoirs d’Ebola », a dit à IRIN Margaret Harris, porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Mais après 21 724 cas et 8 641 décès dans neuf pays depuis le début de l’épidémie en Guinée l’année dernière, il y a un peu de lumière au bout du tunnel et les personnels de santé commencent à regarder vers l’avenir. « Des réunions importantes ont lieu en ce moment dans chaque pays pour trouver ce qu’il faut faire pour la reconstruction - à plusieurs égards importants pour reconstruire les systèmes de santé - et reconstruire en mieux », a dit Mme Harris.

Une conférence des donateurs de l’Union européenne se tiendra à Bruxelles au début du mois de mars. « En tant que pays, nous voulons bâtir un système de santé résilient, capable de résister aux chocs », a dit à IRIN Tolbert Nyenswah, le ministre adjoint de la Santé du Liberia. « Notre projet [qui sera présenté à Bruxelles] sera finalisé d’ici la fin février. Il sera budgétisé et proposera des objectifs concrets ».

L’épidémie d’Ebola a mis à l’épreuve les systèmes de santé publique des trois pays d’Afrique de l’Ouest et les a presque détruit - la plupart des pays auraient souffert . Mais ces trois pays ont été incapables d’aller au fond des choses et d’assurer un niveau « normal de vigilance, de dépistage et de surveillance, le contrôle de la contagion, le b.a.-ba de la santé publique », a dit Adia Benton, anthropologue des sociétés à l’université Brown du Rhode Island.

Les citoyens et l’État

La campagne de lutte contre le paludisme organisée avec succès en Sierra Leone cette semaine - 2,5 millions de personnes en ont bénéficié - et le programme de vaccination contre la polio et la rougeole prévue au Liberia constituent des signes positifs pour les services de santé. Mais la liste des réformes à mettre en place est longue : une meilleure surveillance ; des soins de santé efficaces après le départ des partenaires internationaux ; un accès à des services abordables. La liste doit également inclure des changements structurels à long terme, y compris en ce qui concerne les relations entre les citoyens et l’Etat.

D’après Antonio Vigilante, Représentant spécial adjoint pour le redressement et la bonne gouvernance à la Mission des Nations Unies au Liberia (MINUL), « il y a une opportunité en or de prendre un nouveau départ, d’atteindre un développement plus équilibré qui remet les décisions aux mains des citoyens. C’est une étape très délicate, qui offre beaucoup d’opportunités, mais elle pourrait être facilement ratée ».

Le Liberia est l’un des pays les plus pauvres du monde et l’épidémie d’Ebola a terriblement alourdi le fardeau pesant sur le pays. Elle a détruit les moyens de subsistance ; le taux de chômage déjà vertigineux s’est aggravé ; et les prix des produits alimentaires se sont envolés. Les communautés rurales et urbaines souffrent.

M. Vigilante craint que l’impact économique d’Ebola soit plus dangereux pour la population que le virus lui-même. « Un certain nombre de mesures de [protection sociale] mises en place durant la phase de relèvement devraient être universelles », a-t-il dit. Par exemple, le Liberia pourrait étendre son programme de transfert social, lancé en 2009, pour verser 40 dollars par an à deux millions d’enfants. Cela aurait une importante « répercussion sur les marchés locaux et l’entrepreneuriat » pour un coût minimal, d’après le Centre pour le développement global basé à Washington.

Les écoles du Liberia doivent rouvrir le 2 février, et il serait souhaitable de mettre en ouvre un programme de distribution de repas scolaires pour attirer et maintenir les enfants à l’école. « Avant même le début de l’épidémie d’Ebola, les enfants n’allaient pas à l’école », a noté Rukshan Ratnam, porte-parole de l’UNICEF au Liberia.

Aspects financiers

Mais que peut-on attendre des bailleurs de fonds ? Ils se sont engagés à verser 1,5 milliard de dollars dans le cadre de l’appel de fonds lancé par les Nations Unies pour subvenir aux besoins de la lutte contre Ebola, mais 500 millions de dollars manquent toujours à l’appel. « Si nous ne parvenons pas à combler ce déficit de financement, nous transformerons la victoire en défaite. C’est aussi simple que cela », a dit Bruce Aylward, Sous-Directeur général de l’OMS et chef des opérations Ebola pour l’OMS, à la presse le 23 janvier.

On peut s’attendre à un gaspillage d’argent dans les situations de crise lorsque la priorité est donnée à l’efficacité - mettre un terme à l’épidémie - plutôt qu’à l’efficacité dans les dépenses. Cette équation changera si l’épidémie d’Ebola ne revient pas avec les pluies d’avril, et si les bailleurs de fonds commencent à s’intéresser aux besoins concurrents.

Il est possible de réorienter les infrastructures établies dans le cadre de la lutte contre Ebola - certaines infrastructures ne sont plus utilisées en raison du nombre important d’établissements de soins - si les bailleurs de fonds font preuve de flexibilité, a dit M. Vigilante. Les laboratoires de dépistage pourraient être intégrés dans les services de laboratoire nationaux ; une partie des unités de soins plus permanentes pourraient servir d’établissements de santé communautaires ; les enquêteurs (’contact tracers’) pourraient devenir des mobilisateurs communautaires.

« Nous avons perdu du personnel à cause d’Ebola. Mais le point positif, c’est l’amélioration rapide des compétences, car les personnels ont été formés pour travailler dans les unités de soins ou comme enquêteurs. C’est un groupe sur lequel on devrait s’appuyer », a dit Mme Harris. « Il est primordial de ne pas les perdre dans la transition vers un service normal ».

Les héros locaux

Entre autres leçons apprises dans la région, il y a l’importance de consulter les communautés locales, de travailler avec elles et de les responsabiliser : leur manque de confiance dans le gouvernement central a constitué un handicap majeur dans la lutte contre l’épidémie. « Communauté, communauté, communauté. Engagement, engagement, engagement », a dit Mme Harris. « Nous devons écouter davantage. Nous devons travailler avec les sociologues et les anthropologues ».

Le Liberia, en particulier, a un système de gouvernement fortement centralisé, mais les communautés locales sont devenues des éléments essentiels de l’intervention et elles ont montré une nouvelle détermination. « Les personnes à qui l’on donne leur chance peuvent faire des choses fantastiques », a dit M. Vigilante. « Le mois prochain, attendez-vous à un accord sur la décentralisation d’un certain nombre de services [en reconnaissance du succès] ».