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AFRIQUE DE L’OUEST : Les femmes ont plus à craindre de leur conjoint que d’un homme en armes

D 24 juillet 2012     H 05:18     A IRIN     C 0 messages


DAKAR - Dans les pays d’Afrique de l’Ouest affectés par les conflits, les femmes ont plus à craindre de leur conjoint que d’un homme en armes, a indiqué l’International Rescue Committee (IRC) dans un rapport récemment publié. Même dans les pays plus stables, il est difficile de mettre fin à la violence à l’égard des femmes.

« La violence domestique, c’est comme le diabète. C’est une maladie qui tue et provoque des damages, mais l’on manque d’informations sur le sujet », a dit Mariam Kamara, chargée de la communication pour le bureau auxiliaire régional d’ONU Femmes en Afrique de l’Ouest.

Dans des pays sortant d’un conflit comme la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone - où l’IRC a réalisé une enquête sur la violence domestique - les violences envers les femmes se produisent à une « fréquence alarmante », ce qu’indique le rapport intitulé « Je ne veux pas mourir avant mon heure, La violence domestique en Afrique de l’Ouest », publié en mai 2012.

« Même si la communauté humanitaire a souvent porté son attention sur les groupes armés, le premier danger pour une femme n’est pas un homme en armes ou un inconnu - c’est leurs maris », selon le rapport.

Ces trois pays d’Afrique de l’Ouest sortent de conflits ayant fait des milliers de morts, déplacé des centaines de milliers de personnes et déclenché un manquement généralisé aux lois. Les violences perpétrées à l’égard des femmes s’aggravent en temps de guerre et se poursuivent souvent après la fin des conflits.

En Côte d’Ivoire, les cas de violences à l’égard des femmes ont enregistré une augmentation de 40 pour cent lors des troubles qui ont suivi les élections présidentielles contestées de 2010, a indiqué l’IRC. Néanmoins, les violences domestiques ne sont pas spécifiques à une région ou à un pays particulier, et ses causes sont variées et complexes, a dit Elisabeth Roesch, l’auteur du rapport de l’IRC.

« Il est clair que les femmes à travers le monde sont confrontées à la violence de leur partenaire parce qu’elles ont un statut inférieur et qu’elles font face à une discrimination généralisée consacrée par la loi, la société et les cultures », a dit Mme Roesch à IRIN.

Au Sénégal, qui a adopté une loi contre la violence familiale en 1999, seuls quelques auteurs de violences ont été présentés devant les tribunaux, notamment en raison de la difficulté d’obtenir des preuves - les rapports médicaux sont coûteux et les femmes subissent une pression sociale importante, ce qui les empêche de dénoncer les violences perpétrées à leur égard, ont indiqué des experts.

« Dans la société sénégalaise, il est très important qu’une femme soit mariée. Si une femme envoie son mari au tribunal, alors il est dit d’elle qu’elle n’est pas une bonne épouse », a dit Benjamin Ndeye, le directeur d’une organisation publique qui joue un rôle de médiation dans les conflits. « Je n’ai jamais vu un mari violent être condamné à une peine de plus de deux mois avec sursis ». Les femmes sont souvent confrontées à des juges qui tendent à favoriser l’unité familiale, a-t-il noté.

Plusieurs années de sensibilisation semblent toutefois porter leurs fruits au Sénégal. « Les officiers de police ont fait beaucoup de progrès - en général, ils dirigent les femmes vers les organisations non gouvernementales (ONG) », a dit Elisabeth Sidibé, volontaire au sein du Comité de lutte contre les violences aux femmes et aux enfants (CLVF).

L’Association des Juristes Sénégalaises (AJS) et d’autres ONG ont intensifié la lutte contre les violences familiales en organisant des émissions à la radio et à la télévision, des débats publics et des formations juridiques. L’Association propose une aide juridique et a lancé une ligne d’assistance pour signaler les cas de violences domestiques. « On ne peut pas dire que la question soit encore tabou, car de plus en plus de femmes osent demander de l’aide », a dit Fatou Bintou Thioune, la coordinatrice du CLVF.

La situation n’est pas la même en Sierra Leone, au Libéria ou en Côte d’Ivoire, a indiqué Mme Roesch. Les Libériennes demandent à être protégées contre les violences et l’IRC a cité le cas d’une femme qui a dénoncé la complaisance de la police à l’égard des violences domestiques. « Certains officiers de police disent, "C’est parce que vous vous comportez mal que votre mari vous bat" ».

Bien qu’une loi adoptée par la Côte d’Ivoire en 1981 protège les femmes contre les violences perpétrées par leur conjoint, « Le combat contre ce phénomène alarmant n’est pas efficace. La loi seule ne suffit pas. La communauté entière doit s’impliquer », a dit Fanta Coulibaly, Responsable de la Commission nationale de lutte contre les violences au Ministère des Affaires sociales, de la Famille et de l’Enfant.

« J’ai subi les violences de mon mari pendant trois mois. Dès qu’il est en colère, il me frappe », a dit Rokiatou Bamba*. « Je lui ai dit que nous devions parler, mais pour lui ça veut dire que je n’ai pas reçu une bonne éducation. Selon la tradition, une femme ne demande pas à son mari de parler avec elle.

« Je fais tout mon possible pour que les enfants n’en pâtissent pas, même lorsqu’il me bat devant eux, je cherche un endroit pour me cacher et pleurer », a-t-elle dit à IRIN.

L’IRC a indiqué que les conflits « créent un climat particulièrement dangereux pour les femmes et la communauté humanitaire ne peut plus l’ignorer ».

Source : http://www.irinnews.org