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Prévisions climatiques inquiétantes pour le bassin de la Volta en Afrique de l’Ouest

D 21 août 2013     H 05:25     A     C 0 messages


DAKAR - D’après les chercheurs, la perte de grandes quantités d’eau dans le bassin de la Volta en Afrique de l’Ouest - dont la surface est partagée par le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali et le Togo - pourrait priver des millions de personnes de nourriture et d’énergie hydroélectrique au cours des prochaines années à cause du changement climatique.

La hausse annoncée des températures moyennes de 3,6 degrés Celsius au cours des cent prochaines années, et une diminution des précipitations pourraient provoquer une baisse du niveau des eaux du bassin de 24 pour cent d’ici 2050, et de 45 pour cent d’ici 2100, selon une nouvelle étude de l’Institut international de gestion des ressources en eau (International Water Management Institute, IWMI). [ http://www.iwmi.cgiar.org/publications/iwmi-research-reports/ ]

L’étude montre que, d’ici 2050, la quantité d’eau du bassin ne pourra plus fournir que 50 pour cent de la production hydraulique actuelle. Le barrage d’Akosombo au Ghana, le plus grand lac artificiel du monde, produit actuellement 1 020 mégawatts.

Les quelque 24 millions de personnes qui vivent autour du bassin dépendent principalement de l’agriculture, qui représente 40 pour cent de la production économique de la région. Or, cette population devrait atteindre les 34 millions d’individus d’ici 2015, contre 19 millions en 2000, ce qui accentuerait la pression sur les ressources en eau.

Matthew McCartney, auteur principal de l’étude, a déclaré à IRIN que les effets du changement climatique se faisaient déjà sentir dans le bassin.

« Les signes avant-coureurs du changement climatique dans le bassin de la Volta sont une tendance à la hausse des températures annuelles moyennes », a-t-il affirmé. « À cause de la variabilité naturelle, les tendances relatives aux précipitations sont beaucoup plus difficiles à évaluer que les températures, mais certains signes montrent une tendance à la baisse des précipitations, du moins au Ghana ».

Le changement climatique rendrait impossible le stockage d’eau supplémentaire prévu dans le bassin.

En l’absence de changement climatique, il serait possible d’irriguer environ 78 000 hectares et de produire 11 800 gigawattheures de puissance hydroélectrique par an dans les années à venir, a expliqué Tim Williams, le directeur de l’IWMI en Afrique. Mais à cause du changement climatique, a-t-il déclaré, « environ 75 pour cent de [cette] zone seulement pourrait être irriguée, et environ 52 pour cent seulement du potentiel hydroélectrique serait produit d’ici 2050 ».

« Nous constatons effectivement deux tendances : [la première est] la demande croissante en eau à mesure que la population augmente - ce qui a déjà un impact sur la disponibilité en eau. En outre, certains agriculteurs ont rapporté un changement du début de la saison des pluies, ainsi qu’une variation dans la saison en ce qui concerne la fréquence des épisodes de sécheresse pendant la période de pousse »,

a-t-il déclaré à IRIN.

Les prévisions de l’étude sont fondées sur un scénario d’impact modéré que le rapport qualifie de « relativement prudent sans être trop frileux ».

« En général, les prévisions en matière de changement climatique évoquent des évènements climatiques extrêmes. Un scénario de changement climatique d’impact moyen reproduit le fonctionnement de la nature sur une longue durée »,

a expliqué M. Williams.

Des solutions

D’après l’étude, l’augmentation du niveau des nappes phréatiques grâce au remplissage des aquifères locaux avec l’eau des cours d’eau ou des réservoirs de la région, de même que des solutions relativement simples comme la construction de petits bassins dans les fermes ou de réservoirs d’eau couverts sont des mesures importantes pour conserver les réserves hydriques.

La coopération entre les pays riverains sur des projets de barrage futur et la prise en compte de l’impact du changement climatique dans la conception de ces aménagements sont d’autres façons de garantir que l’eau de l’un des plus grands bassins fluviaux du monde continue de faire vivre la population.

Robert Zougmoré, coordinateur régional pour l’Afrique de l’Ouest du Programme de recherche sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), a affirmé que l’accès à des informations météorologiques et climatiques fiables aiderait les agriculteurs à mieux se préparer pour éviter les pertes dues aux conditions climatiques extrêmes.

« Si nous sommes capables de fournir aux communautés des prévisions météorologiques à jour, cela aiderait les agriculteurs à gérer efficacement leur exploitation sans trop souffrir des effets du changement climatique. »

« Si un agriculteur sait que les précipitations seront supérieures à la normale lors de la saison des pluies, il pourra, par exemple, décider de planter du riz plutôt que du millet »,

a-t-il dit.

Cependant, l’étude indique que le changement climatique n’est pas une priorité pour de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. « Dans beaucoup de pays, il n’y a presque pas d’évaluation systématique des conséquences possibles du changement climatique sur les ressources en eau, et cela est rarement pris en compte dans la planification des futurs aménagements [relatifs à ces] ressources ».

Selon les chercheurs, l’incertitude sur l’impact du changement climatique, le fait que les prévisions concernent un avenir lointain et que les priorités pour beaucoup de gouvernements d’Afrique subsaharienne portent essentiellement sur les prestations de services de base, sont autant d’obstacles à une adaptation opportune au changement climatique.

« Dans le bassin de la Volta, les pays riverains doivent adopter des stratégies de "no regrets" ["sans regret"] de planification et de gestion de l’eau qui soient socialement et économiquement viables suivant différents scénarios climatiques possibles. Ils doivent également réfléchir plus profondément à une planification et une gestion des eaux plus cohérentes sur l’ensemble du bassin. Il faut remplacer l’exploitation au cas par cas des ressources en eau qui a lieu jusqu’à présent par une coopération de tous les États »,

a déclaré M. McCartney.

Si M. Williams de l’IWMI a rappelé que les gouvernements africains étaient de plus en plus conscients des dangers du changement climatique, il estime que « la vitesse et l’ampleur des actions d’adaptation au changement climatique ne sont pas encore suffisantes ».

Source : http://www.irinnews.org