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Burkina Faso : Décolonisons notre alimentation !

D 21 janvier 2011     H 04:42     A Maurice Oudet     C 0 messages


Faisons la promotion de la tortilla (à base de maïs) et de produits à base de patate douce.

Ma dernière lettre hebdomadaire a suscité beaucoup de réactions et également beaucoup d’espoir. Aussi, je reprends le même thème en y apportant quelques précisions (voire corrections !), mais surtout en élargissant la réflexion.

Avons-nous réfléchi à l’impact de la colonisation (et aujourd’hui de la mondialisation) sur nos habitudes alimentaires. A titre d’illustration, je vous propose une petite anecdote. En 1986, j’ai fait le voyage, par la route, sac au dos, de Bangui à Ouagadougou. Fin septembre, je me trouvais, avec un ami, dans un petit village du Nord Cameroun, à 2 km de la frontière du Nigeria. Mon ami avait pris avec lui une baguette de pain (genre baguette parisienne ! ). Comme ce pain ne suffisait plus, il a envoyé un enfant acheter du pain : il est revenu avec du pain du Nigeria : ce que les Parisiens appellent « un pain de mie ». Le lendemain, je me trouvais à N’Djamena, la capitale du Tchad. J’ai acheté du pain : une galette de pain . C’est ainsi que dans trois pays indépendant depuis 50 ans, dans un espace très peu étendu, la forme du pain est encore marquée par l’influence française, anglaise ou arabe !

En 50 ans, la consommation de pain et de pâtes alimentaires a été multipliée par 20 en Afrique de l’Ouest, dans une région où on ne cultive quasiment pas de blé. A tel point que les importations de blé (ou de farine de blé) augmentaient ces dernières années de 3,7 % par an.

Il est temps de faire une pause et de se demander ce que l’on veut consommer. N’est-il pas possible de consommer, pour l’essentiel, des produits de chez nous ? D’où l’intérêt d’étudier, entre autres, les possibilités offertes par la patate douce.

Elles sont importantes. Mais moins que ce que ma dernière lettre a pu laisser entendre. Les boulangers qui enrichissent leur farine de blé avec de la farine de patate douce le font souvent à un taux de 10 %, parfois de 20 %, mais guère plus. Le taux de 80 % que l’on trouve dans quelques articles en provenance du Cameroun ou de Jeune Afrique vient sans doute d’une mauvaise interprétation où l’on a confondu « la farine de patate douce », avec la patate entière. Mais même avec un taux de 10 à 20 %, cela reste tout à fait intéressant. Par-là, un pays comme le Burkina pourrait économiser 2 à 3 milliards de FCFA. Et fournir des revenus sûrs à de nombreux paysans, par exemple de la Sissili !

Mais les pâtissiers qui travaillent avec la patate douce vont beaucoup plus loin. Ils incorporent facilement 40 à 50 % de farine de patate douce dans leur farine de blé. C’est sans doute plus facile avec les gâteaux, car la patate douce est sucrée, comme son nom l’indique. Or, il est probable qu’un bon nombre de consommateurs qui s’offrent régulièrement un sandwich dans la journée, pourrait se tourner vers un gâteau à la patate douce s’il en avait le choix.

Une autre alternative pour faire reculer la dépendance alimentaire en Afrique de l’Ouest : Faire la promotion de la tortilla de maïs, très répandue au Mexique, et moins onéreuses que le pain. Base de la nourriture populaire et quotidienne au Mexique, les tortillas sont préparées à toutes les sauces et servent d’accompagnement dans beaucoup de recettes traditionnelles. On peut dire que la tortilla remplace le pain, car plus de 300 millions de tortillas sont consommées chaque jour.

Elles sont préparées à base de maïs. On laisse les grains de maïs trempés dans de l’eau de chaux afin de les rendre plus malléables. On les écrase afin de donner de la farine qu’on mélange à de l’eau. La pâte ainsi obtenue s’appelle la masa. Ensuite, on écrase cette dernière entre deux plaques rondes d’un diamètre d’environ 20 cm pour lui donner sa forme définitive. Une fois écrasée, cette tortilla va être précuite pour éventuellement être ainsi consommée ou accommodée dans d’autres préparations culinaires. Elles sont le plus souvent élaborées dans des tortillerias et vendues au kilo.(Pour en savoir plus, rendez vous sur le site Mexique-fr

Oui, il est temps de faire une pause et de se demander ce que l’on veut consommer. Bien sûr, nous n’allons pas supprimer d’un coup la consommation de pain. Mais l’Afrique de l’Ouest ne produit pas de blé, tandis que sa production de maïs ne fait qu’augmenter chaque année. Sa production de patate douce pourrait également progresser très vite !

C’est dans cette perspective que « Solidarité » (Organisation de Solidarité Internationale) sera présente à Dakar du 2 au 13 février (donc durant le Forum Social Mondial de Dakar et la Foire Internationale de l’Agriculture et des Ressources Animales – FIARA) pour créer un espace d’artisanat alimentaire de produits de substitution au pain de blé. Des fabricantes de tortillas de maïs (du Mexique), de mil (de l’Inde) et de manioc (du Brésil) mais aussi de pains de mil et de maïs (boulangers bio de France ayant formé des Indiennes à la panification du mil en décembre 2008) produiront et feront déguster ces produits tout en animant 3 tables-rondes. Pour ceux qui le peuvent : "Rendez-vous, donc, à Dakar !"

Pour en savoir plus, notamment sur la rentabilité économique d’une coopérative de fabrication/vente de tortillas en Afrique de l’Ouest, nous vous invitons à lire l’étude approfondie de « Solidarité » : « Rentabilité de la production de tortillas de maïs en Afrique de l’Ouest »

Koudougou, le 8 janvier, 2011

Maurice Oudet

Président du SEDELAN

Source : http://www.abcburkina.net