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Burkina Faso :Demande d’enquête parlementaire sur l’assassinat de SANKARA

D 26 mai 2013     H 12:06     A     C 0 messages


Lettre ouverte aux élus du Parlement de la République Française

Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Le 15 octobre 1987 s’est produit à Ouagadougou un coup d’état à l’issue duquel Thomas SANKARA, Président du Burkina Faso depuis le 4 août 1983, fut assassiné ainsi que sept de ses compagnons.
Ce putsch eut pour conséquence de faire voler en éclats les espoirs d’émancipation de tout un peuple. Peuple burkinabè, au service duquel le regretté Président avait tant œuvré pour la reconnaissance de sa dignité sur l’échiquier international.
Depuis lors, l’aura de Thomas SANKARA a amplement dépassé les frontières du Burkina Faso, notamment auprès de la jeunesse d’Afrique subsaharienne.
Cette survivance est avant tout due à son charisme emblématique sur les plans de l’intégrité, de la lutte contre la corruption et le paiement de la dette(1), du panafricanisme, de l’indépendance, de l’écologie, du droit des femmes, et du patriotisme.

En tant que membre du Parlement, vous (ou vos collègues) allez être amené(e) à vous prononcer sur une demande d’enquête parlementaire dont l’objectif est de répondre aux questions suivantes :
"Pourquoi Thomas Sankara a-t-il été assassiné ?
Comment cet assassinat a-t-il été rendu possible ?
Quels rôles ont joué les services français et les dirigeants français de l’époque ? La DGSE savait-elle ce qui se tramait et a-t-elle laissé faire ? "(2).

Jusqu’à maintenant, la lumière n’a officiellement jamais été faite ni sur les circonstances précises de cet épisode tragique, ni sur l’ensemble des facteurs qui ont pu y conduire, ni sur le rôle de certaines officines étrangères - officielles ou parallèles - et au premier chef celles de l’ancienne puissance coloniale, la France.

L’arrivée en France de la première cohabitation, suite aux élections législatives de mars 1986, a probablement été décisive dans la détermination des rôles tenus par différents réseaux largement impliqués dans l’histoire moderne de l’Afrique.

La France n’est d’ailleurs pas le seul pays désigné en relation avec les événements du 15 octobre 1987 (sont régulièrement cités : le Liberia, la Libye, la Côte d’Ivoire...).
Depuis de nombreuses années, documentaires, émissions de radio, articles de presse, et différents témoignages, évoquent de façon insistante l’implication de divers services de renseignements comme l’indiquent les deux témoignages suivants :
"Il est bien évident que, dès le retour de la droite aux affaires en France, nos meilleurs amis africains se précipitent sur leurs téléphones… pour demander à Jacques Foccart de mettre fin au scandale Sankara…" Extrait de l’émission "Rendez-vous avec X" de Patrick PESNOT (France Inter), le 23 février 2002.

"Le piano fut accordé par les Américains et les Français… Et les services secrets français décidèrent de mettre hors jeu Sankara. Ainsi sont les faits." Témoignage de Cyril ALLEN, proche de Charles TAYLOR, extrait du documentaire "Ombre africaine" de Silvestro MONTANARO (chaîne italienne RAI 3), le 15 juillet 2009(3).
Plus d’un quart de siècle après l’assassinat du Président SANKARA l’auteur du putsch, Blaise COMPAORE, est toujours en place à la Présidence du Burkina Faso.
Il est désormais l’un des piliers de la diplomatie africaine dans la sous-région, et a été reçu à l’Élysée au cours des différents mandats présidentiels.

Depuis octobre 1997, à l’initiative notamment du collectif juridique de la Campagne Internationale Justice pour Sankara (CIJS), plusieurs procédures judiciaires ont été intentées au Burkina Faso pour que soient élucidées les conditions de cet assassinat(4). Aucune d’entre elles n’a abouti. Ce qui ne facilite en rien l’éclaircissement des zones d’ombre concernant les rôles respectifs tenus par les uns (burkinabè) et les autres (non burkinabè).
En 2002, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a été saisi à son tour pour finalement aboutir, en avril 2008, à des mesures dilatoires qui sont en fait autant d’échappatoires.

Cette nouvelle demande d’enquête à l’attention du parlement français reprend une première demande identique effectuée sous la précédente législature, déposée le 20 juin 2011 sous le numéro 3527, et qui n’avait pas même été examinée par l’Assemblée Nationale. Ces différentes requêtes émanent d’une campagne intitulée : "Justice pour Sankara - Justice pour l’Afrique" appuyée notamment par une pétition(5) soutenue par de nombreuses personnalités du monde politique, du secteur syndical, des réseaux associatifs, universitaires, et artistiques. Cette pétition, qui a déjà recueilli plus de 12600 signatures, demande l’ouverture des archives françaises en rapport avec les évènements concernés.

En avril 2011, douze députés burkinabè ont écrit à leurs homologues français pour solliciter la "création d’une commission d’enquête parlementaire dans le cadre de l’assassinat du Président Thomas SANKARA"(6).

En juin 2011, Madame Mariam SANKARA - veuve du Président Thomas SANKARA, résidant en France - a écrit aux parlementaires français pour leur demander de procéder à l’ouverture de cette enquête(7). Requête qu’elle a renouvelée dans une lettre adressée au Président de la République Française en septembre 2012, à l’occasion de la réception de Blaise COMPAORE par François HOLLANDE(8).

Au nom du devoir de mémoire et du droit à l’information, à l’heure où les idées de "non ingérence" ainsi que de "transparence" sont publiquement mises en avant sur le terrain de la politique extérieure en Afrique, nous espérons que vous donnerez une suite favorable à cette demande légitime d’enquête parlementaire.

Ceci à l’instar de vos collègues du Parlement belge concernant les circonstances de l’assassinat de Patrice Lumumba.

Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l’expression de notre haute considération.

Réseau "Justice pour Sankara Justice pour l’Afrique"

(1) Voir le discours de Thomas SANKARA sur "la Dette" au sommet de l’OUA, à Addis Abeba le 29 juillet 1987, http://www.youtube.com/watch?v=FhkqN6KTtJI

(2) Voir la proposition de résolution déposée en octobre 2012 sous le numéro 248, http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0248.asp

(3) Ces citations sont extraites d’un dossier complet sur les circonstances de cet assassinat, réalisé par l’association SURVIE et le réseau "Justice pour Sankara Justice pour l’Afrique", disponible à : http://thomassankara.net/spip.php?article1459

(4) Voir l’historique de « l’affaire Sankara » et des différentes procédures engagées, http://www.thomassankara.net/spip.php?article1079

(5) Voir http://www.thomassankara.net/spip.php?article866

(6) Voir http://www.thomassankara.net/spip.php?article1079

(7) Voir http://www.thomassankara.net/spip.php?article1096

(8) Voir http://www.thomassankara.net/spip.php?article1353