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Burkina Faso : Les mobilisations à travers le pays

D 17 mars 2011     H 16:23     A     C 0 messages


L’Association nationale des étudiants burkinabé (ANEB) et l’Association des élèves et scolaires de Ouagadougou (AESO) ont organisé une marche le 11 mars 2011 en direction de la direction générale de la police nationale. Sur leur itinéraire, les manifestants se sont heurtés à des barrières qu’ils ont franchies. La Compagnie républicaine de sécurité (CRS) les a dispersés avec du gaz lacrymogène.

La situation était vraiment tendue et les prémisses d’une dégénérescence du mouvement palpable. Les forces de sécurité notamment la gendarmerie et la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) ont bloqué toutes les voies qui mènent à la direction générale de la police nationale. Le dispositif sécuritaire qui y était déployé était impressionnant. L’armée était positionnée à certains endroits. Les manifestants qui se sont massés sur le terrain Dabo Boukary à l’Université de Ouaga I se montraient impatients d’entamer la marche. La présence des forces de sécurité sur les différents axes de la ville ne leur inquiétait nullement. Bien au contraire. « Lutter ou périr », tel était un des slogans inscrits sur un support de fortune. Deux faits ont marqué le rassemblement avant la marche. Primo, les organisateurs de la marche ont fait savoir de vive voix que des déclarations de partis politiques circuleraient dans la foule. Ils ont invité leur camarade à les déchirer car la lutte est celle d’étudiants et d’élèves pour demander justice et vérité et non un espace pour la propagande de quelque parti que ce soit. Secondo, des manifestants furieux contre la télévision nationale ont retiré la camera de l’équipe qui venait couvrir la manifestation. C’est dans ce climat surchauffé que le comité exécutif de l’Association nationale des étudiants burkinabé (ANEB) a fait son apparition. Son président, Fayama Mahamadou campe le décor. La marche a pour objectif de remettre une déclaration de protestation à la direction générale de la police nationale. Elle se veut pacifique. Après la remise de la déclaration, a fait savoir le président de l’ANEB, les manifestants devront se retrouver sur le terrain Dabo Boukary pour la suite des événements. Des propos brefs qui ont laissé place aux préparatifs pour la marche. Un cordon sécuritaire se met en place. Les manifestants sont encadrés. Le comité exécutif de l’ANEB prend les devants. La marche peut alors commencer. Il est 09 heures.

La barrière de trop

La longue file des manifestants a rejoint le Boulevard Charles De Gaulle par la sortie Est de l’Université de Ouagadougou sous le slogan « vérité et justice ». Les militaires perceptibles à certains endroits ont été hués par les manifestants que le cordon sécuritaire peinait souvent à contenir. Les gendarmes ont dressé une barrière sur l’avenue qui longe le Premier ministère. La longue file de manifestants arpente l’avenue du Burkina Faso. Au niveau du rond point de la Femme pour la paix, le passage est bloqué par la gendarmerie qui y a dressé des barrières. A une certaine distance des « hommes en bleu », se tient la CRS. Impossible d’aller ni à gauche ni à droite. En effet, les barrières signifiaient la ‘‘fin’’ de l’itinéraire de la marche. Face à une foule qui veut en découdre, la sécurité de l’ANEB tente de maîtriser la colère de leurs camarades. Des minutes s’écoulent sur cette scène. Finalement, c’est la colère qui l’emporte. Les manifestants, après avoir chanté l’hymne nationale, se saisissent des barrières qu’ils brandissent comme signe de victoire. Le passage est ouvert et la CRS commence ses tirs de gaz lacrymogène. C’est la débandade. Pour ceux qui avaient déjà franchi la ‘‘zone interdite’’, ils courent en direction de l’avenue Yateng Naba Tigré. Pour ceux qui étaient derrière la longue file, ils n’avaient d’autre choix que d’escalader les murs pour se retrouver sur la même avenue que leurs camarades.

Pluie de gaz lacrymogène, pluie de pierres

Dispersés par la CRS, les manifestants vont se replier sur plusieurs artères aux alentours du Rond point de la Femme pour la paix, brûlants pneus, cartons, tout ce qui peut être enflammé. Les avenues Yateng Naba Tigré, Babanguida, Charles De Gaulle étaient en fumée . A l’université, les échanges de gaz lacrymogène et de pierres entre forces de l’ordre et manifestants ont duré toute la matinée qu’on y a passée et ont continué jusqu’à 17h au moins. Des gaz lacrymogène sont tombés dans la cour de l’université tout comme des pierres ont été lancées depuis cette cours en direction des forces de sécurité. Les étudiants ont bloqué les accès de sortie du « temple du savoir ». Impossible d’y sortir. Les étudiants de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) qui ont fini leur cours de la mi-journée sont priés de rebrousser chemin quand ils tentent de sortir de l’Université. Sur l’Avenue Ibrahim Babanguida, la bataille est rude. Les manifestants dressent des barricades à l’aide de tables, de pneus enflammés, de grosses pierres et des briques pour empêcher l’avancée des forces de l’ordre. La CRS riposte de son côté par des jets de gaz lacrymogène. Elle prend position à côté de l’alimentation la Shoppette et poursuit son offensive. Sous l’effet des gaz, des filles perdent connaissance. Tout le quartier de Zogona respire une air pimentée et enfumée, dans le tumulte et la peur. Les manifestants replient, la CRS gagne du terrain et multiplie les offensives. Les manifestants, de leur côté ne baissent pas cependant les bras. Retranchés près du marché, ils passent à la contre-offensive par de jets de pierres et en renvoyant les projectiles à coups de pieds. Ils n’ont que leur détermination et leur courage pour se défendre. La situation est restée tendue jusqu’à l’après midi.

Querelle autour d’un itinéraire

L’itinéraire prévu par les étudiants est le suivant : Université de Ouagadougou, Charles de Gaulle, Avenue du Burkina Faso, Avenue Hoouari Boumédienne, Avenue Aboubakar Sangoulé Lamizana, Avenue Président Thomas Sankara, Avenue du Burkina Faso, Charles de Gaulle, Université de Ouagadougou.

Dans une correspondance adressée à l’ANEB, la commune de Ouagadougou a proposé aux étudiants de réviser leur itinéraire. En effet, elle a proposé que les étudiants remettent leur message au responsable de la police nationale au rond point de la Femme pour la paix. Et pour le retour, ils devront passer par l’Avenue de la Paix, l’Avenue Yateng Naaba Tigré, l’Avenue Ibrahim Babanguida, le Boulevard du Général Charles De Gaulle, l’Université de Ouagadougou. Pour la mairie de Ouagadougou : « la partie de votre itinéraire allant de l’Avenue Houari Boumédienne, Avenue du Général Sangoulé Lamizana, Avenue du Président Thomas Sankara est telle qu’il existe de réels risques en raison de la nature commerciale et administrative de la zone à traverser ». Réponse de l’ANEB « nous sommes prêt à remettre notre message au rond-point ‘’Place de la Femme pour la paix’’. Cependant, nous tenons à maintenir l’itinéraire que nous avons arrêté dans notre correspondance du 07 mars 2011 ».

Si donc au cours de la marche au rond point indiqué, des responsables de la police nationale attendaient que la direction de l’ANEB leur remette son message, les barrières des forces de sécurité ont fait monter la tension au sein des manifestants qui ne pouvaient plus poursuivre leur marche selon l’itinéraire de l’ANEB.

Un reporter de Bendré brutalisé par des gendarmes

Le vendredi 11 mars 2011, la rédaction du journal Bendré a déployé une équipe de reporters pour couvrir la marche des étudiants de l’Université de Ouagadougou. Un des membres de l’équipe a passé une sale journée car, il a subi le courroux de certains éléments de la gendarmerie au niveau de l’avenue Babanguida. En effet, pendant que notre reporter stagiaire était en train de faire son travail dans un endroit suffisamment distant des manifestants, un groupe de gendarmes se rue sur lui et lui assène de coups. Son appareil photo lui a été retiré. Et comme si ces « agresseurs » étaient hostiles au journal Bendré, ils lui assenèrent davantage de coups après qu’il se soit présenté comme reporter de Bendré. Pourquoi une telle attitude envers des journalistes ? Serait-on contre la liberté d’expression ? Est-ce les journalistes qui sont à l’origine de la spirale incendiaire que connaît le pays depuis la mort de l’élève Justin Zongo ? Bendré s’indigne et condamne vigoureusement l’acte de ces éléments de la gendarmerie qui ne font que porter un coup à la liberté d’informer.

Manifestation dans plusieurs localités du pays

Les manifestations pour exiger la vérité sur la mort de Justin Zongo se poursuivent à travers le pays malgré l’assurance du gouvernement de faire la lumière sur le décès du jeune élève. Ces manifestations pour la plupart ont fini par le saccage et l’incendie d’infrastructures publiques et biens privés.

Province du Soum

Lundi 07 mars 2011. Aux alentours de la Mairie de Djibo et du camp militaire, tous les panneaux stop ont été détruits. Au commissariat de Police, quelques agents observaient les élèves qui se sont introduits dans la cours. Les éléments des forces de l’ordre étaient enfermés dans leurs locaux. C’est seulement un policier municipal qui voulait forcer le passage aux manifestants qui a failli être lynché.

Au Haut-Commissariat tout comme au commissariat de Police, les élèves ont descendu les deux drapeaux qu’ils ont pliés et déposés sur les lieux. Ils sont aussi allés à l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) où ils ont exigé que les coupures d’eau cessent. Là, ils ont proféré des injures sans endommager le bâtiment.

La marche a duré toute la matinée sans que les agents de sécurité n’interviennent. Les élèves ont décrété 96 heures de débrayage actif. Le 11 mars, ils se sont retrouvés dans les rues. Ils ont détruit le mur de la police national et brisé les vitres du siège de la police municipale. L’armée était perceptible dans les rues de Djibo ce vendredi 11 mars.

On signale qu’à Kelbo, les élèves ont aussi marché.

A Tongomayel, à 25 Km de Djibo, les élèves ont brisé les vitres des véhicules fond rouge et se sont couchés sur la voie. “tuez-nous, ainsi vous direz que nous sommes tous morts de méningites”, scandaient t-ils.

Province du Kourittenga

Lundi 07 mars 2011. A Koupèla, après avoir mis le feu au commissariat, les manifestants se sont rendus au Haut-commissariat avec l’intention de l’incendier également. Grâce à la médiation du chef coutumier de Koupèla, ils ne sont pas passés à l’acte. A Pouytenga, les locaux du commissariat de police ont été incendiés.

Province du Kourwéogo

Lundi 07 mars 2011. A Boussé, les élèves ont incendié les locaux du commissariat de police et brûlé tout ce qui se trouvait dans la cours (vélos, motos). Ensuite, ils se sont rendus au Haut-commissariat pour remettre leur doléance au locataire. Ils y exigent entre autre le départ de la police de Boussé jusqu’à nouvel ordre.

Dans la Région de l’Est, les forces de l’ordre, contrairement dans les autres régions du pays ont bandé les muscles, d’où de violents heurts le mercredi 09 mars 2011. A Fada N’Gourma, les élèves ont mis le feu au gouvernorat et des accrochages ont eu lieu avec les forces de l’ordre. A Diapaga, dans la province de la Tapoa, les manifestants ont incendié la direction provinciale de la police nationale. Des affrontements ont aussi eu lieu à Bogandé dans la Gnagna.

Province des Balé

Mercredi 09 mars 2011. A Oury, les manifestants ont saccagé le commissariat de la localité.

D’autres manifestations se sont déroulées dans d’autres provinces sans destruction de bâtiments au moment où nous tracions ces lignes. A Dédougou dans le Mouhoun, les élèves ont organisé une marche sur le gouvernorat le 07 mars, où ils ont lu une déclaration en l’absence du gouverneur. Ils ont brûlé des pneus sur la voie. A Manga dans le Zoundwéogo, les élèves ont organisé une marche le même jour sur le commissariat de police, le gouvernorat, le Palais de justice où ils ont livré un message avant de se disperser.

A Banfora, dans la Comoé, une marche a conduit les élèves au Haut-commissariat le 09 mars où les attendaient les autorités administratives, religieuses et coutumières. Ils y ont soumis leur préoccupation, outre la vérité et la justice pour Justin Zongo, les élèves se sont plaints des frais d’augmentation des frais de scolarité au BEPC et au BAC.

A Bobo Dioulasso, la capitale économique, les élèves se sont retrouvés à la Bourse du travail pour un meeting le 09 mars 2011.

Province du Séno

Lundi 07 mars 2011. À Dori, une marche pacifique a conduit les élèves au gouvernorat où ils ont remis leurs doléances au gouverneur, Eloi Bambara. Entre autre, les manifestants qui n’étaient pas tous des scolaires demandent plus d’emploi. Après la remise de leurs doléances, ils se sont rendus au Haut-commissariat pour protester contre les « propos fâcheux » qu’aurait tenu le Haut-commissaire à leur endroit sans faire de dégâts. Par contre, le siège de la police municipale a été saccagé.

A Sampelga, la préfecture est partie en flamme et à Bani c’est le commissariat de police qui a été incendié.

Province du Yatenga

Mercredi 09 mars 2011.A Ouahigouya, les manifestants ont saccagé et incendié le siège du Conseil régional du Nord, la direction régionale de la police, le commissariat central, la mairie, le siège de la police municipale, les bureaux de la douane. Les Vélos et motos qui se trouvaient sur ces lieux ont été brûlés. Des objets tels des portables, des armes à feu ont été emportés par les manifestants. Ces derniers ont fait don de munition à la gendarmerie.

La résidence du gouverneur, le siège du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir ont aussi été visités par les manifestants qui n’ont rien laissé sur leur passage. Des maquis ont été vandalisés. N’eut été les supplications du commandant de la gendarmerie, les protestataires auraient mis à sac le Palais de Justice de la ville.


Province du Zandoma

Lundi 07 mars 2011. A Gourcy, les manifestants ont mis le feu au commissariat de la ville. Ils voulaient en faire de même à la brigade territoriale de gendarmerie. Mais une discussion éclate entre les manifestants. Pour les uns, il faut y mettre le feu tout comme au commissariat. Pour les autres, il ne faut pas parce qu’à quelques mètres de la brigade se trouve une station d’essence ; incendier donc la gendarmerie pourrait être catastrophique. Finalement, le deuxième groupe l’emporte et la brigade territoriale de gendarmerie est épargnée. Mais avant, les manifestants ont descendu le drapeau de son mât. La scène s’est déroulée sous le regard des gendarmes qui n’ont rien tenté pour dissuader les manifestants.

Province du Passoré

Lundi 07 mars 2011. Les élèves de Yako ont incendié le commissariat de police avec les motos et vélos saisis par les policiers. Le siège du Haut-commissariat a été saccagé. Une délégation de chefs coutumiers conduit par le Tansoba a été refoulée par les manifestants pour lesquels, le chef coutumier « a trahi sa vocation ancestrale ».

Par Bamogo J. Paul, Dicko Moussa, Gaston Bonheur

Source : http://www.journalbendre.net