Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Ouest » Burkina Faso » Burkina Faso : mais où sont les sankaristes ?

Burkina Faso : mais où sont les sankaristes ?

D 6 avril 2016     H 05:19     A Moulzo     C 0 messages


Le peuple burkinabé a désormais montré à la face du monde entre 2014 et 2015 sa soif de liberté. Presque 30 ans de pouvoir compaoriste avait fait croire à Blaise Compaoré et ses sbires qu’ils étaient éternels et la tentative de putsch du général Diendéré contre le peuple fut un lamentable échec. On n’arrête pas un peuple qui a soif !

La page Compaoré est donc tournée. Exfiltré par la France, certainement pour service rendu, logé au frais du contribuable ivoirien par Ouattara qui lui doit tant, le dictateur coule donc des jours paisibles. Du moins, pour le moment ! Car il ne faut pas oublier que Blaise Compaoré est l’assassin de l’icône de la jeunesse africaine, Thomas Sankara. En effet, seulement quatre ans après la révolution, portée par un couple de jeunes militaires amis, Thomas Sankara et Blaise Compaoré, un commando assassinait Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, tuant dans l’œuf l’immense espoir que portait pour le continent le « Che africain ».

La jeunesse burkinabé portait des tee-shirts à l’effigie de Sankara lors de la grande mobilisation contre la tentative de modification par Compaoré de la Constitution pour se maintenir au pouvoir. L’héritage de Sankara n’a pas disparu, la flamme a été entretenue partout en Afrique et pas seulement au Burkina Faso. Cette flamme est aussi portée par ses héritiers, notamment l’Unir-PS (Union pour la renaissance-Parti sankariste), le FFS (Front des forces sociales), la CDS, l’ADR (Alliance des démocrates révolutionnaires), l’URD/MS (Espoir et Unité d’action des mouvements sankaristes), la CPR/MP (Convergence patriotique pour la renaissance/Mouvement progressiste), et certainement d’autres mouvements, se réclamant de l’idéal de la révolution de 1983, ou tout simplement sankaristes.

Après la chute de Compaoré les 30 et 31 octobre 2014, on aurait pu croire que les sankaristes seraient les premiers gagnants de l’espoir suscité par le départ de la clique compaoriste. Certains ont même caressé l’espoir de voir en Mariam Sankara, veuve de Thomas, la nouvelle Ève du sankarisme. Mais les démons de la division auront de nouveau eu raison des sankaristes qui ne sont d’accord que sur une chose : ne pas être d’accord.

Pourtant, la convention sankariste des 15 et 16 mai 2015 regroupant plusieurs organisations politiques sankaristes était un petit espoir de reconstitution de la famille mais les rancœurs sont certainement plus tenaces que l’espoir d’un peuple. La convention avait permis malgré tout la désignation de Me Bénéwendé Stanislas Sankara, leader de l’UNIR/PS comme candidat unique des sankaristes avec le soutien de Mariam Sankara. Mais quelques mois plus tard, cette coalition a volé en éclat jetant aux orties l’espoir des sankaristes de se positionner en vraie alternative.

Bien évidemment, c’est un ancien compaoriste qui a finalement remporté les élections de 2015 profitant de sa lumineuse intuition de quitter le bateau compaoriste avant qu’il ne coule. La révolution aura au final accouché d’une souris, au grand dam des sankaristes, qui finalement ne portent pas vraiment l’espoir du peuple. Sinon, ils auraient certainement trouvé le moyen de s’entendre, surtout en cette occasion unique. Il ne suffit pas de se dire sankariste pour porter l’espoir d’un peuple, encore faut-il promouvoir le message de Thomas auprès du peuple (refus de la dette inique, dénonciation de la Françafrique, promotion du panafricanisme). Or Me Bénéwendé Stanislas Sankara fait plutôt penser à un technocrate qu’on entend rarement sur ces sujets brulants mais qui constituaient le cœur du message du Che africain. N’est pas Thomas qui veut. Les sankaristes burkinabé sont désolants. Leur division est une insulte à la mémoire de Thomas qui promouvait l’unité africaine.

Les rancœurs et les luttes personnelles gangrènent l’espoir du peuple burkinabé de se connecter de nouveau avec les idées de la révolution de 1983.

Mais le message de Thomas va au-delà du Burkina Faso. Il est porté par les jeunes Sénégalais lors des manifestations du 23 juin 2011 M23 qui ont empêché le changement constitutionnel d’Abdoulaye Wade. Il est porté aussi par la jeunesse africaine qui en a assez de mourir de faim, de soif et d’ignorance. Il est porté par les anticapitalistes de tous les pays. Et si les vrais sankaristes n’étaient pas burkinabé ?

Moulzo

Source http://www.afriquesenlutte.org/notre-bulletin/article/bulletin-afriques-en-lutte-no32