Compromise par son soutien à Compaoré, la France doit tirer les leçons de la révolte burkinabè
Une semaine après la chute du président burkinabè Blaise Compaoré, des zones d’ombre commencent à se dissiper sur le rôle de protection du régime joué jusqu’au bout par la diplomatie française, fidèle à sa tradition françafricaine et une nouvelle fois à contre-pied de l’Histoire. Ce soutien est allé jusqu’à l’exfiltration de Blaise Compaoré, le soustrayant de fait à la justice de son pays.*
Après avoir longtemps qualifié les relations franco-bukinabè
d’"excellentes" (à l’instar de Laurent Fabius, en visite à Ouagadougou
le 27 juillet 2012
Dans une lettre à Compaoré datée du 7 octobre 2014, François Hollande se contentait de proposer comme solution de sortie un poste dans une organisation internationale (probablement l’Organisation Internationale de la Francophonie) à un président burkinabè toujours considéré comme "fréquentable" quelques jours avant sa sortie précipitée. Le parallèle avec la chute du tunisien Ben Ali, en janvier 2011, montre combien la France n’a pas su tirer les leçons de ses erreurs et continue à s’enfermer dans le soutien à des régimes dictatoriaux au nom de la "stabilité".
L’embarras et les compromissions de la diplomatie française ont été manifestes dans les jours précédant et suivant la chute du despote avec les postures embarrassées d’un ministre des Affaires étrangères français se contentant dans un premier temps d’un pusillanime appel au calme et à la protection des ressortissants, et de personnalités politiques telles que le député socialiste François Loncle, défendant en pleine crise le bilan du dictateur burkinabè face aux médias.
Auparavant, l’ambassadeur de France au Burkina, militaire de carrière comme son prédécesseur, s’était invité dans plusieurs réunions auprès des différents protagonistes du soulèvement, alimentant l’idée qu’il y défendait le plan de transition de Compaoré, selon lequel le dictateur devait se maintenir au pouvoir le temps de passer la main, quand la foule et l’opposition exigeaient un départ immédiat. Une ingérence scandaleuse de la part de la diplomatie du pays qui a le plus soutenu Compaoré au cours des 27 ans de son régime.
Ce qui est désormais avéré, c’est le rôle actif de la France dans la fuite de Blaise Compaoré.
Après avoir louvoyé en expliquant que la France avait joué un rôle dans
son exfiltration, mais « /sans y participer/ » [1
Entièrement consacrée au repositionnement de l’armée française dans le Sahel (opération Serval, Barkhane), dont le Burkina est aujourd’hui un point stratégique, la France a négligé une nouvelle fois les aspirations démocratiques des populations des États qui soutiennent cette entreprise militaire. Le scénario surprise burkinabè pourrait, aujourd’hui ou demain, se reproduire au Tchad, au Cameroun, au Congo Brazzaville, au Gabon, au Togo et dans de nombreux autres pays, et prendre à nouveau de cours des autorités françaises qui ne manquent pourtant pas d’informations sur la nature de ces régimes et l’exaspération de ceux qui les subissent.
L’association Survie :
* Demande aux autorités françaises, de cesser toute forme de soutien aux dictateurs et aux familles qui s’accrochent au pouvoir : Idriss Déby au Tchad, Sassou N’Guesso au Congo Brazzaville, Paul Biya au Cameroun, Ali Bongo au Gabon, Faure Gnassingbé au Togo, Joseph Kabila en République Démocratique du Congo, Teodoro Obiang Nguema en Guinée Equatoriale, etc.
* Soutient le rassemblement organisé le samedi 8 novembre à 15h devant
l’Ambassade du Burkina Faso à Paris
* Soutient la demande de commission d’enquête parlementaire sur le rôle des autorités françaises dans l’assassinat de Thomas Sankara formulée par la campagne Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique et déposée sans suite favorable en 2011 et 2013 par les députés du Front de Gauche et d’E.E.L.V. * Dénonce la protection contre des poursuites judiciaires dont bénéficie de facto Compaoré en Côte d’Ivoire et rappelle l’exigence de justice pour toutes les victimes des guerres régionales, des assassinats et des crimes économiques de Blaise Compaoré et de la Françafrique
* Demande la démission de François Loncle de la présidence du groupe parlementaire d’amitié franco-burkinabé, pour avoir défendu jusqu’au bout Blaise Compaoré, son image, son bilan, et l’idée qu’il devrait encore se maintenir au pouvoir dans le cadre d’une transition.
[1