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Compromise par son soutien à Compaoré, la France doit tirer les leçons de la révolte burkinabè

D 7 novembre 2014     H 14:29     A Survie     C 0 messages


Une semaine après la chute du président burkinabè Blaise Compaoré, des
zones d’ombre commencent à se dissiper sur le rôle de protection du
régime joué jusqu’au bout par la diplomatie française, fidèle à sa
tradition françafricaine et une nouvelle fois à contre-pied de
l’Histoire. Ce soutien est allé jusqu’à l’exfiltration de Blaise
Compaoré, le soustrayant de fait à la justice de son pays.*

Après avoir longtemps qualifié les relations franco-bukinabè
d’"excellentes" (à l’instar de Laurent Fabius, en visite à Ouagadougou
le 27 juillet 2012
<http://survie.org/billets-d-afrique...> ),
la France n’a pris que très tard la mesure du mouvement de fond à
l’œuvre depuis des mois au sein de la société civile burkinabè.

Dans une lettre à Compaoré datée du 7 octobre 2014, François Hollande se
contentait de proposer comme solution de sortie un poste dans une
organisation internationale (probablement l’Organisation Internationale
de la Francophonie) à un président burkinabè toujours considéré comme
"fréquentable" quelques jours avant sa sortie précipitée. Le parallèle
avec la chute du tunisien Ben Ali, en janvier 2011, montre combien la
France n’a pas su tirer les leçons de ses erreurs et continue à
s’enfermer dans le soutien à des régimes dictatoriaux au nom de la
"stabilité".

L’embarras et les compromissions de la diplomatie française ont été
manifestes dans les jours précédant et suivant la chute du despote avec
les postures embarrassées d’un ministre des Affaires étrangères français
se contentant dans un premier temps d’un pusillanime appel au calme et à
la protection des ressortissants, et de personnalités politiques telles
que le député socialiste François Loncle, défendant en pleine crise le
bilan du dictateur burkinabè face aux médias.

Auparavant, l’ambassadeur de France au Burkina, militaire de carrière
comme son prédécesseur, s’était invité dans plusieurs réunions auprès
des différents protagonistes du soulèvement, alimentant l’idée qu’il y
défendait le plan de transition de Compaoré, selon lequel le dictateur
devait se maintenir au pouvoir le temps de passer la main, quand la
foule et l’opposition exigeaient un départ immédiat. Une ingérence
scandaleuse de la part de la diplomatie du pays qui a le plus soutenu
Compaoré au cours des 27 ans de son régime.

Ce qui est désormais avéré, c’est le rôle actif de la France dans la
fuite de Blaise Compaoré.

Après avoir louvoyé en expliquant que la France avait joué un rôle dans
son exfiltration, mais « /sans y participer/ » [1
<http://survie.org/francafrique/burk...> ],
François Hollande a fini par reconnaître son mensonge en confirmant les
informations de Jeune Afrique
<http://www.jeuneafrique.com/Article...>
selon lesquelles le dictateur burkinabè a bien été emmené en Côte
d’Ivoire par un hélicoptère puis un avion des forces françaises. Plus
inquiétant, les propos de François Hollande sur les conditions de
l’exfiltration de Compaoré, « /il y a eu des attaques, il y a eu des
réponses/ » sous-entendent la possibilité d’un engagement armé des
militaires français. Si le président français assure avoir agi pour une
évacuation « /sans drame/ », en confiant Compaoré à un régime ivoirien
"ami" peu enclin à l’extrader, il lui a surtout permis de se soustraire
à d’éventuelles poursuites judiciaires au Burkina Faso, notamment pour
son rôle dans des assassinats politiques comme ceux de Thomas Sankara et
du journaliste Norbert Zongo ou dans la mort de manifestants burkinabè
lors du soulèvement de ces derniers jours. Indispensable, la tenue d’un
procès du despote burkinabè permettrait d’en savoir davantage sur les
soutiens multiformes dont il a bénéficié de la part de la France depuis
sa prise de pouvoir dans le sang en 1987.

Entièrement consacrée au repositionnement de l’armée française dans le
Sahel (opération Serval, Barkhane), dont le Burkina est aujourd’hui un
point stratégique, la France a négligé une nouvelle fois les aspirations
démocratiques des populations des États qui soutiennent cette entreprise
militaire. Le scénario surprise burkinabè pourrait, aujourd’hui ou
demain, se reproduire au Tchad, au Cameroun, au Congo Brazzaville, au
Gabon, au Togo et dans de nombreux autres pays, et prendre à nouveau de
cours des autorités françaises qui ne manquent pourtant pas
d’informations sur la nature de ces régimes et l’exaspération de ceux
qui les subissent.

L’association Survie :

* Demande aux autorités françaises, de cesser toute forme de soutien
aux dictateurs et aux familles qui s’accrochent au pouvoir : Idriss
Déby au Tchad, Sassou N’Guesso au Congo Brazzaville, Paul Biya au
Cameroun, Ali Bongo au Gabon, Faure Gnassingbé au Togo, Joseph
Kabila en République Démocratique du Congo, Teodoro Obiang Nguema en
Guinée Equatoriale, etc.

* Soutient le rassemblement organisé le samedi 8 novembre à 15h devant
l’Ambassade du Burkina Faso à Paris
<http://agenda.survie.org/showevent....>

* Soutient la demande de commission d’enquête parlementaire sur le
rôle des autorités françaises dans l’assassinat de Thomas Sankara
formulée par la campagne Justice pour Thomas Sankara, Justice pour
l’Afrique et déposée sans suite favorable en 2011 et 2013 par les
députés du Front de Gauche et d’E.E.L.V.
* Dénonce la protection contre des poursuites judiciaires dont
bénéficie de facto Compaoré en Côte d’Ivoire et rappelle l’exigence
de justice pour toutes les victimes des guerres régionales, des
assassinats et des crimes économiques de Blaise Compaoré et de la
Françafrique

* Demande la démission de François Loncle de la présidence du groupe
parlementaire d’amitié franco-burkinabé, pour avoir défendu jusqu’au
bout Blaise Compaoré, son image, son bilan, et l’idée qu’il devrait
encore se maintenir au pouvoir dans le cadre d’une transition.

[1
<http://survie.org/francafrique/burk...> ]
Déclarations de François Hollande en marge de son déplacement au Canada
le 04/11/2014