Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Ouest » Côte d’Ivoire » Côte d’Ivoire : L’incapacité à prévenir le déversement de déchets toxiques (...)

Côte d’Ivoire : L’incapacité à prévenir le déversement de déchets toxiques en Afrique occidentale violemment critiquée dans un rapport

D 16 octobre 2012     H 05:51     A Amnesty International, greenpeace     C 0 messages


Amnesty International et Greenpeace demandent l’ouverture d’une enquête pénale

Trafigura, multinationale responsable du déversement en 2006 de déchets toxiques à Abidjan (Côte d’Ivoire), à la suite duquel plus de 100 000 personnes ont dû se faire soigner, doit faire l’objet d’une enquête pénale au Royaume-Uni, ont conclu Amnesty International et Greenpeace International dans un nouveau rapport de premier plan rendu public mardi 25 septembre 2012.

Fruit de trois années d’investigations, Une vérité toxique examine en profondeur la succession tragique des défaillances à l’origine d’un désastre sanitaire, politique et environnemental. Ce rapport explique que la législation existante qui vise à prévenir de telles tragédies a été bafouée, plusieurs gouvernements s’étant montrés incapables d’interrompre le voyage du Probo Koala et de sa cargaison toxique vers Abidjan.

Par ailleurs, le rapport met en doute le caractère légal d’un accord conclu en Côte d’Ivoire permettant à Trafigura d’échapper à toute poursuite judiciaire pour le rôle qu’elle a joué dans le déversement de déchets toxiques. Étayé par des entretiens réalisés à la fois avec les victimes des déchets toxiques et des experts médicaux qui les ont soignées, le rapport présente sous un jour nouveau l’impact dévastateur de ce déversement.

« Six années se sont écoulées depuis que l’on a laissé cette horrible tragédie se produire, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International. Trafigura doit aujourd’hui être amenée à rendre pleinement compte de ses actes devant la justice. Les habitants d’Abidjan ont été trahis non seulement par leur propre gouvernement mais aussi par les gouvernements d’Europe qui n’ont pas appliqué le droit en vigueur dans leur pays. Les victimes attendent toujours que justice leur soit rendue, et rien ne garantit que ce type de criminalité d’entreprise ne se reproduira plus. »

« Dans ce rapport, il est question de criminalité d’entreprise, d’atteintes aux droits humains et des carences des États qui n’assurent ni la protection des personnes ni celle de l’environnement. On constate ici que les systèmes de mise en œuvre du droit international n’ont pas joué leur rôle pour les firmes agissant à une échelle transnationale. On voit qu’une société a pu profiter des flous juridiques et des conflits de juridiction et que son comportement a eu des conséquences désastreuses, a expliqué Kumi Naidoo, directeur exécutif de Greenpeace International. Il n’est pas trop tard pour que justice soit rendue, pour que des informations exhaustives sur la nature exacte des déchets déversés soient communiquées aux habitants d’Abidjan, et pour que Trafigura paie pour ses crimes. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer que ce type de désastre ne se reproduira plus. »

Les déchets ont dans un premier temps été acheminés aux Pays-Bas mais Trafigura, estimant que le tarif proposé était trop élevé, a refusé qu’ils y soient traités dans de bonnes conditions. Malgré les inquiétudes qu’ils suscitaient, les autorités néerlandaises ont laissé les déchets quitter le pays, ce qui constitue une grave violation de leurs obligations juridiques.

Un accord à l’amiable accordant à Trafigura une immunité judiciaire a été conclu avec le gouvernement de Côte d’Ivoire en 2007. Dans le cadre d’une action civile intentée au Royaume-Uni au nom d’une partie des victimes, Trafigura a conclu un autre accord sans reconnaître sa responsabilité. Un tribunal néerlandais a déclaré la multinationale coupable d’avoir exporté illégalement les déchets depuis les Pays-Bas, mais le parquet a refusé de prendre en considération les événements qui se sont déroulés par la suite à Abidjan comme leur impact sur la santé humaine.

« Nous ne connaissons pas la vérité, a déclaré Geneviève Diallo, qui habite à proximité de l’un des sites de déchargement d’Abidjan. Les personnes responsables doivent être punies. Celles qui sont réellement coupables n’ont pas été punies. »

Le rapport inclut également toute une série de recommandations à l’intention de la communauté internationale pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus. Il comporte en particulier des lignes directrices précises pour faire en sorte que les sociétés exerçant leurs activités à l’international ne puissent pas se soustraire à leur obligation de rendre pleinement des comptes pour les atteintes aux droits humains et à l’environnement qu’elles commettent.

Le Royaume-Uni doit ouvrir une enquête pénale sur le rôle joué par Trafigura dans le déversement, étant donné que la société du groupe basée dans le pays a pris un grand nombre de décisions cruciales à l’origine du désastre.

La Côte d’Ivoire doit veiller à ce que les victimes soient entièrement indemnisées. En outre, elle doit réévaluer le caractère légal de l’accord qu’elle a conclu avec Trafigura, accordant à la société une très large immunité judiciaire dans le pays.

Les déchets déversés à Abidjan sont définis comme dangereux aux termes de la Convention de Bâle – qui réglemente les mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination –. Au regard de ce texte, l’exportation de ces déchets sans consentement de l’État destinataire constitue une infraction pénale.

Le lancement du rapport coïncide avec la réunion à Genève des États parties à la Convention de Bâle, qui est l’occasion de veiller à ce que les déchets toxiques générés par des procédés industriels à bord de navires ne puissent plus jamais être déversés dans des pays plus pauvres.

Index AI : PRE01/448/2012