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Côte d’Ivoire : Mutinerie et malaise social

D 20 janvier 2017     H 13:28     A Paul Martial     C 0 messages


Coups de feu tirés en l’air, blocage des rues principales, Bouaké la seconde ville de Côte d’Ivoire, a connu en ce début du mois de janvier, une mutinerie qui s’est propagée très rapidement aux autres villes de garnisons pour atteindre la capitale Abidjan.

Une crise politique …

Ce mouvement d’humeur des soldats, rapidement calmé par l’accord du Président Ouattara pour satisfaire leur principale revendication, témoigne de la situation réelle du pays qui est bien loin de la vision idyllique habituellement présentée.
En effet il est de bon ton d’encenser la gestion du pays par Alassane Ouattara, arrivé au pouvoir grâce à l’armée française en 2011 après une élection contestée mettant fin à une partition du pays entre ses troupes qui contrôlaient le nord, et Gbagbo président en titre de la Côte d’Ivoire.
Ancien du FMI, loué par les puissances occidentales, Ouattara mène une politique libérale et si les 9,4 % de 2012 à 2015 de croissance économique [1] sont mis en avant, la répartition des richesses, l’injustice sociale, la corruption et les violations des droits humains sont souvent ignorés, et pourtant elles rongent la société. Le pays reste fortement divisé par une crise de dix années de violence et dont la politique de réconciliation n’a été qu’un leurre en l’absence de justice. En effet ne sont déférés devant les tribunaux que les vaincus, par contre ceux du camp Ouattara, dont certains sont accusés de crimes de guerre, ont été nommés à des hautes responsabilités de l’Etat. Sans parler du népotisme qui règne à la tête de l’Etat où le président distribue les postes à sa famille élargie [2].

Et sociale

Comme la société, l’armée est aussi en proie à des divisions profondes, la mutinerie de 2017, n’est qu’une récidive de celle de 2014, les revendications sont identiques, l’attribution de primes, une politique de logement, et une évolution de carrière plus rapide. Cette mutinerie concerne avant tout les hommes du rang et les sous-officiers qui n’acceptent pas d’être les laissés pour comptes alors qu’ils ont permis l’accession au pouvoir de Ouattara.
Traumatisée par les différentes crises armées, la population a du mal à comprendre que les demandes sociales des soldats soient immédiatement satisfaites alors que celles des autres fonctionnaires ne sont traitées qu’avec mépris et menaces. En témoignent par exemple les propos de la ministre de l’Éducation Kandia Camara en s’adressant au dirigeant enseignant lors d’une conférence de presse :

« Allez dire à Mesmin Comoé que si lui et des enseignants de son bord mènent une grève sauvage et illimitée, la riposte sera sauvage et inoubliable pour lui et ses sbires […] S’il enclenche cette grève, ça va être sa dernière grève au ministère de l’Éducation nationale. »[3]

Les victoires électorales du clan Ouattara tant au niveau législatif, que référendaire doivent être largement relativisées au vu de cette crise sociale que les mutineries ne font que refléter.

Paul Martial


 [1] Descriptif de programme de pays pour la Côte d’Ivoire (2017-2020) DP/DCP/CIV/2 Nations Unis
 [2] La Lettre du Continent nº692 du 22 octobre 2014
 [3] http://www.jeuneafrique.com/mag/387039/politique/cote-divoire-bras-de-fer-dure-entre-gouvernement-syndicats