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Côte d’Ivoire : Transfert de GBAGBO au CPI

D 2 janvier 2012     H 12:42     A Bertold de Ryon     C 0 messages


La « normalisation » projetée par le pouvoir en Côte
d’Ivoire, après la fin de la guerre civile gagnée en avril
2011 par Alassane Ouattara, n’a pas fonctionné jusqu’ici.
Les élections législatives, tenues le 11 décembre 11, devaient
en constituer une étape importante. Il est loin d’être certain que
celles-ci aient réussi.

De l’avis général, la
participation à ces
élections a été très
faible. Alors que le
nouveau pouvoir parle
d’un taux de
participation officiel
de 36,6 %, des
observateurs sur le
terrain rapportent
plutôt qu’un
cinquième seulement des électeurs-électrices (au maximum) se
seraient déplacés. Même l’ Agence France Presse (AFP) , dont
les informations rapportées sont souvent orientées dans un sens
favorable au pouvoir Ouattara - réputé « pro-français » -,
évoquait une « journée très calme » au moment du vote.
Les partisan-e-s du président militairement déchu le 11 avril
dernier, Laurent Gbagbo et de son parti (le Front populaire
ivoirien/FPI) ont appelé au boycott de ce scrutin. Pour le
nouveau pouvoir en place, il était important d’annoncer un taux
de participation officiel supérieur à celui des dernières élections
législatives ayant eu lieu dans le pays - avant l’explosion de la
guerre civile -, du 10 décembre 2000. A l’époque, Laurent
Gbagbo venait d’être élu président, le 06 octobre 2000, et
c’étaient alors les soutiens d’Alassane Ouattara et de son parti
(le Rassemblement des républicains/RDR) qui avaient boycotté
les élections. Le taux de participation se chiffrait officiellement à
33 %. Peu de temps après, les violences commençaient à
s’amplifier dans le pays avant que la rébellion militaire en
septembre 2002 ne conduise à la partition du pays entre le Nord
et le Sud.

En 2000, Alassane Ouattara avait été empêché de présenter sa
candidature au poste suprême de l’ État, le gouvernement
d’alors (du général Guéi) ayant considéré qu’il était « de
nationalité douteuse » puisque sa mère était burkinabè. La Côte
d’Ivoire nageait alors en plein discours nationaliste-ethnique,
« l’ivoirité ». Ce concept, au fondement raciste, avait été diffusé
sous la présidence d’Henri Konan Bédié (1993 à 99) et avait
contribué à la discrimination des citoyens de la Nord du pays ainsi
qu’à la marginalisation politique et sociale des immigrés de toute
l’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, c’est le président Laurent Gbagbo
(2000 à 2011) qui est généralement accusé de cette situation,
alors qu’il ne l’avait pas créée, mais qu’il s’était contenté d’en
profiter de façon opportuniste pour arriver et se maintenir au
pouvoir. Quant à Henri Konan Bédié, alors qu’il porte une
responsabilité lourde dans cette problématique, il est aujourd’hui le
principal allié… d’Alassane Ouattara, les deux hommes ayant créé
une alliance entre les deux tours de la dernière élection
présidentielle, en novembre 2010. Parmi les requins de la politique,
il n’y a pas de sentiments qui comptent, uniquement des intérêts…

Laurent Gbagbo, a été envoyé le 30 novembre 2011 à La Haye,
pour y être jugé devant la Cour pénale internationale (CPI). Il lui
sera reproché d’avoir été responsable de « crimes contre
l’humanité ». L’accusation portera sur des assassinats et des viols,
commis pendant la dernière phase de la guerre civile. S’il est
indéniable que son camp politique porte une responsabilité dans
de tels crimes, il est cependant totalement inadmissible de vouloir
faire porter - juridiquement - la responsabilité unique et entière à
seulement l’une des parties de la guerre civile : celle qui a perdu.
Ceci alors que les troupes pro-Ouattara avaient, entre autres
massacres, commis celui de probablement 800 personnes à
Duékué, fin mars 2011.

Le 05 décembre 2011, la première audition de Laurent Gbagbo a
bien eu lieu à La Haye. Il incrimina alors le rôle joué par la France
pour renverser l’ancien pouvoir ivoirien : « J’ai été arrêté sous les
bombes françaises. Le 11 avril, cinquante chars français avaient
encerclé ma résidence… » s’était défendu l’ex-président ivoirien.
Désormais, Laurent Gbagbo a jusqu’en juin 2012 pour préparer sa
défense et prendre connaissance du dossier de l’accusation.

En attendant, plusieurs tueries impliquant les troupes pro-Ouattara
des FRCI (« Forces Républicaines de Côte d’Ivoire ») ont encore
lieu dans le pays. Les soldats des FRCI, ainsi que les combattants
pro-Ouattara démobilisés, sont craints par les populations. A
Vavoua dans le centre-ouest du pays, le 17 décembre 2011, six
jeunes furent tués par les FRCI « pour avoir refusé
d’obtempérer ».

Bertold Du Ryon