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Appel à moins d’indifférence à l’égard de l’éducation d’urgence au Mali

D 2 avril 2013     H 05:31     A     C 0 messages


DAKAR - Les travailleurs humanitaires et les experts appellent à accorder davantage d’attention à l’éducation au Mali, où 200 000 enfants ne sont pas scolarisés à cause de la crise et où le financement de projets d’éducation d’urgence se fait toujours attendre.

Alors que la plupart des écoles du nord du Mali sont fermées ou manquent d’enseignants et que des milliers d’enfants risquent de perdre deux ans de scolarité, les bailleurs de fonds ont encore une fois relégué l’éducation au second plan pour se concentrer sur ce qu’ils considèrent être des activités plus vitales.

L’appel humanitaire de 2013 pour le Mali demande 18 millions de dollars pour financer les activités d’éducation d’urgence de cette année. Jusqu’à présent, aucune promesse [ http://fts.unocha.org/reports/daily/ocha_R32_A985___18_March_2013_(02_04).pdf ] de don n’a été faite. L’appel de 36 millions de dollars pour l’ensemble du Sahel (qui comprend celui pour le Mali) n’a reçu aucune annonce de contribution [ https://docs.google.com/spreadsheet/pub?key=0AusGu5uwbtt-dGY4Y0VFQWNOejUyQWNsXzFJT1YxMXc&single=true&gid=5&output=html ] non plus.

Dans le cadre des appels d’urgence de l’année dernière pour le Mali, le Tchad et la Mauritanie, l’éducation d’urgence n’avait été financée qu’à hauteur de 6,4 pour cent, 14,5 pour cent et 0 pour cent respectivement.

L’UNICEF est parvenu à tirer près de trois millions de dollars dans d’autres sources de financement pour ses activités d’éducation d’urgence.

« La plupart des bailleurs de fonds se sont rétractés après la crise [de 2012]. Nous essayons toujours de rassembler autant de financements que possible », a dit à IRIN Euphrates Gobina, responsable éducation de l’UNICEF au Mali.

Les défenseurs de l’éducation d’urgence ont tenté pendant des années de mobiliser davantage de moyens et de faire connaître l’importance des activités éducatives dans les interventions d’urgence. Des progrès ont été réalisés, notamment la mise en ouvre des normes minimales pour l’éducation dans les situations d’urgence, mais il est souvent difficile d’obtenir des financements [ http://www.irinnews.org/Report/81437/GLOBAL-Emergency-education-gains-ground ].

Seulement 0,9 pour cent des fonds humanitaires reçus en 2012 dans le monde étaient destinés à l’éducation.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), des dizaines d’écoles du nord du Mali ont été détruites, pillées, contaminées par des munitions non explosées ou ont tout simplement fermé. L’organisation estime que l’éducation de 700 000 enfants a été interrompue par la crise dans l’ensemble du Mali.

Dans le Nord, environ cinq pour cent des écoles ont rouvert à Tombouctou, quelques-unes à Kidal et un peu plus à Gao. Fin février, seulement 28 pour cent des enseignants auraient repris le travail dans cette partie du pays, selon l’UNICEF.

De nombreux enseignants ont trop peur de retourner dans le Nord et les écoles du Sud, déjà en sureffectif, ne peuvent pas faire face à l’afflux d’élèves.

« L’année scolaire compte trois semestres. Si vous perdez quatre mois, vous perdez l’année », a averti Youssuf Dembélé, qui enseigne aux déplacés du Nord-Mali dans la ville de Mopti, au centre du pays. Débordées, les écoles reçoivent rarement des financements, a-t-il dit. « C’est trop chaotique, pas assez organisé. Ils disent que l’argent va arriver, mais ce n’est jamais le cas. »

Décalage

Le problème est que, en situation d’urgence, l’éducation est prioritaire pour les parents et les enfants, mais pas pour les bailleurs de fonds. La crise de 2012 au Sahel était considérée comme une crise de la sécurité alimentaire et de la nutrition et des secteurs estimés comme ne présentant pas un lien direct comme l’eau et l’assainissement, la santé et l’éducation ont été négligés.

« Les parents sont demandeurs [d’éducation] », a dit Lori Heninger, directrice du réseau international pour l’éducation en situations d’urgence (INEE). « Les sécheresses sont des phénomènes qui évoluent en général lentement et qui ne vont pas disparaître. Comment peut-on dire aux populations touchées par des sécheresses chroniques que nous allons leur donner de la nourriture, de l’eau et des abris ? Que cela signifie-t-il pour le développement de l’enfant et de la société en général ? »

« S’il existe un moyen d’apprendre à faire bon usage des terres dans un contexte aussi évolutif, cela ne peut se faire que par l’éducation », a-t-elle ajouté.

De nombreuses données probantes ont été réunies au fil des ans pour démontrer l’importance de la scolarisation pour ces enfants, que ce soit pour leur bien-être psychosocial, pour les protéger lors des crises ou pour permettre à leurs parents de rebâtir une vie normale pendant qu’ils sont à l’école. Ces données semblent cependant n’avoir eu qu’un impact marginal dans les crises à long terme comme celle du Sahel [ http://www.irinnews.org/fr/Report/82325/MONDE-L-%C3%A9ducation-en-situation-d-urgence-peut-elle-sauver-des-vies ].

« Cela change lentement », a dit Mme Heninger, « mais étant donné que 80 pour cent de ce que nous appelons des crises sont par nature de longue durée, le fait que seulement 0,9 pour cent du budget humanitaire de l’année dernière ait été alloué à l’éducation est assez effroyable ».

Un secteur déjà en difficulté avant la crise

Alors qu’une aide immédiate est nécessaire pour sauver l’année scolaire des élèves maliens, les financements à long terme destinés à l’éducation au Mali ont fortement diminué depuis que les bailleurs de fonds ont coupé leurs aides financières en réponse au coup d’État de mars 2012 [ http://www.irinnews.org/fr/Report/96060/MALI-Pas-encore-un-%C3%89tat-fragile ].

D’importants donateurs, dont la Commission européenne, les États-Unis, les Pays-Bas et le Canada, ont interrompu leur soutien au gouvernement après le coup d’État. La moitié du budget alloué à l’éducation en 2012 était financé par les bailleurs de fonds.

Certains pays donateurs, comme les Pays-Bas, ont tenté de trouver une manière de ne pas interrompre leur aide en versant les fonds à des organisations non gouvernementales (ONG) plutôt qu’au ministère de l’Éducation. L’Agence canadienne de développement international a redirigé une partie de ses financements destinés aux fournitures scolaires directement à l’UNICEF.

Depuis que le gouvernement malien a adopté, en janvier 2013, une feuille de route pour la transition, de nombreux bailleurs de fonds, dont la Commission européenne, ont repris leur versement de l’aide en faisant de l’éducation leur priorité. Mais de graves insuffisances subsistent.

« Avant la crise, le système éducatif malien était déjà en proie à des difficultés », a dit M. Gobina, de l’UNICEF. « Déjà surchargées, de nombreuses écoles ont dû accueillir des enfants déplacés. Le nombre d’élèves par classe a considérablement augmenté. Les fournitures scolaires sont insuffisantes. L’infrastructure n’était tout simplement pas prête pour ce genre d’urgences. »

Selon M. Gobina, la leçon à retenir pour l’avenir, c’est qu’il faut intégrer l’éducation d’urgence à la planification du secteur de l’éducation dans son ensemble, surtout dans les pays exposés aux crises.

Éducation des réfugiés

Le manque de financement pour l’éducation d’urgence décourage les nombreux enseignants qualifiés qui donnent cours bénévolement à leurs anciens élèves dans des écoles de fortune.

Masa Mohamed, de Tombouctou, enseigne à beaucoup de ses anciens élèves dans une école du camp de réfugiés de Mbéra, dans l’est de la Mauritanie. Mais il y a de grandes différences : avant, elle avait 30 élèves par classe et maintenant, elle en a jusqu’à 100. « Nous n’avons pas assez d’enseignants. Nous n’avons pas assez d’écoles. Nous nous contentons de faire cours dans une tente. Il n’y a pas de tables et c’est très difficile ». L’ONG Intersos lui verse une faible rémunération, mais la plupart des enseignants ne sont pas payés.

Ahmed Ag Hamama était directeur d’école à Tombouctou. Son ancienne école a rouvert, a-t-il dit, mais il n’y a plus d’élèves ni d’enseignants. Les 400 anciens élèves de son école sont à Mopti, Ségou, Kayes et Bamako au Mali, ou en Mauritania et au Burkina Faso, a-t-il expliqué.

Quinze enseignants réfugiés font cours à Mbéra. La plupart d’entre eux sont rémunérés par une petite ration alimentaire. « Ce n’est pas assez, la vie est très chère ici. Les conditions ne sont pas bonnes et il n’y a pas assez de nourriture », a-t-il dit à propos de la ration familiale distribuée par le Programme alimentaire mondial.

« Un gardien est payé 90 000 ouguiyas [300 dollars par mois], mais un enseignant n’est pas payé », s’est-il plaint.

Selon des enseignants au Mali et dans les camps de réfugiés du Niger, du Burkina Faso et de Mauritanie, les enfants déplacés montrent des signes de traumatisme. Nombre d’entre eux sont tout simplement « absents », a dit Konaté Souleymane, un enseignant du camp de Goudeba, au nord du Burkina Faso. « Les élèves sont distraits, leur esprit est ailleurs ».

Selon M. Gobina, l’UNICEF tente de collaborer avec le ministère de l’Éducation à Bamako pour trouver une manière d’inciter les enseignants à travailler dans le Nord.

Selon M. Hamama, le directeur d’école, qui appartient à l’ethnie touarègue, comme la plupart des réfugiés de Mbéra, deux de ses collègues touaregs ont récemment quitté Mbéra pour aller chercher leur salaire à Bamako, mais ils se sont retrouvés tenus en joue pendant 24 heures.

« Nous ne pouvons pas rentrer au Mali dans un tel contexte », a-t-il dit [ http://www.irinnews.org/fr/Report/97597/Le-d%C3%A9fi-du-rapatriement-au-Mali ].

Source : http://www.irinnews.org