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Journalistes étrangers détenus, leur matériel professionnel confisqué au Mali

D 17 février 2013     H 05:10     A Reporters sans frontières     C 0 messages


Reporters sans frontières dénonce les interpellations de plusieurs journalistes étrangers et l’agression de l’un d’entre eux, le 8 février 2013, à Bamako. L’incident a eu lieu en marge de l’attaque de la caserne des "bérets rouges", la garde rapprochée de l’ancien président Amadou Toumani Touré, par les "bérets verts", à l’origine du coup d’État du 22 mars 2012.

"L’agression et l’interpellation de ces journalistes, ainsi que la confiscation de leur matériel professionnel, constituent une entrave inacceptable à la liberté de l’information. Les "bérets verts", les gendarmes et la garde nationale ont délibérément mis à l’écart les journalistes, témoins gênants, pour empêcher la circulation d’images compromettantes pour les nouvelles autorités. De tels actes doivent immédiatement cesser”, a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de l’organisation. Benoît Tessier, photographe de l’agence Reuters et deux journalistes d’une chaîne française d’informations en continu, étaient présents près de l’entrée du camp militaire de Djicoroni lorsque les "bérets verts" sont passés à l’assaut, vers 9h30, le 8 février. Ayant pris des images de l’attaque, l’un des journalistes a été brutalisé et conduit "pour sa sécurité" dans les locaux du Service National de la Jeunesse (SNJ). Ses deux confrères l’ont ensuite rejoint et les trois journalistes ont été gardés pendant plusieurs heures, leur matériel a été saisi ou endommagé et leurs téléphones ont été confisqués. Ils ont été relâchés vers 13h30. Deux journalistes de TV5 Monde, Guillaume Gouet et Pascal Priestley, ont également été appréhendés, mais ils ont été relâchés plus rapidement, ne disposant d’aucune d’image de la fusillade.

Contacté par Reporters sans frontières, Benoît Tessier raconte : "On était devant le camp du Régiment des commandos parachutistes (RCP) de Djicoroni quand les "bérets verts", les gendarmes et la garde nationale ont ouvert le feu, alors même qu’il n’y avait que les familles des parachutistes de la base. Pas de "bérets rouges" en vue. On a essuyé des tirs nourris. Les deux autres journalistes télé sont entrés dans le camp pour se protéger. Moi, je suis resté devant, pour prendre des photos de l’attaque. J’ai fini par lever les mains en l’air. Des "bérets verts", gendarmes et membres de la garde nationale sont venus vers moi. Quand ils ont compris que j’étais journaliste et que j’avais des clichés de l’assaut, ils ont essayé de me prendre mes appareils, n’hésitant pas à me donner plusieurs coups de poing. J’ai fini par lâcher mes boitiers. Quatre ou cinq hommes armés m’ont escorté, soi-disant pour ma sécurité, vers le SNJ. Ils m’ont alors confisqué mes téléphones. Les deux autres journalistes télé ont été amenés une heure plus tard. On a pu contacter l’ambassade de France grâce au portable que l’un d’eux avait réussi à garder. On a été libérés, mais sans notre matériel. Celui-ci m’a été rendu dans la soirée sans mes cartes mémoire grâce à l’intervention de l’attaché de Défense de l’ambassade".

Depuis le début de l’intervention militaire au Mali, les journalistes éprouvent de grandes difficultés à accéder à l’information, notamment en zone de combats. Ce week-end, l’attaque inattendue des djihadistes sur Gao a permis aux reporters déjà présents sur place de tourner pour la première fois des images des combats. Rapidement, une cinquantaine de journalistes ont été évacués par l’armée française vers l’aéroport.

Souvent maintenus à distance, parfois malmenés, les journalistes sont en effet victimes des obstacles imposés par les autorités. Les villes libérées restent inaccessibles plusieurs jours après la fin des combats, et les professionnels de l’information sont maintenus loin des lignes de front. Fin janvier, les médias internationaux avaient reproché aux autorités françaises de n’autoriser que des journalistes français à embarquer avec les troupes.

Mais les violations de la liberté de la presse sont également devenues endémiques au sud du pays depuis le putsch du 22 mars. Le 8 février, alors que les journalistes se trouvaient sur les lieux même des affrontements à Djicoroni, les autorités militaires maliennes ont démontré leur volonté d’aveugler les médias internationaux pour ne laisser transparaitre que leur communication militaire.

Le 31 janvier, deux journalistes de la chaine française France 24 avaient vu leur matériel saisi par les renseignements militaires alors qu’ils couvraient une manifestation de "bérets rouges" demandant leur réintégration dans l’armée malienne. Une partie de ce matériel ne leur a toujours pas été restituée.