Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Ouest » Mali » L’insécurité alimentaire, la prochaine crise dans le nord du Mali

L’insécurité alimentaire, la prochaine crise dans le nord du Mali

D 18 février 2013     H 05:24     A IRIN     C 0 messages


BAMAKO/DAKAR - Un nombre important de Maliens du nord risquent d’être confrontés à de graves pénuries alimentaires dans les jours et les semaines à venir, si la fermeture des frontières et des routes perdurent, entraînant un blocage des marchés, et si l’accès humanitaire reste limité, préviennent les agences de sécurité alimentaire.

L’Algérie a fermé sa frontière avec le Mali le 11 janvier, au premier jour de l’offensive lancée par les troupes françaises et maliennes contre les groupes islamistes qui contrôlaient le Nord. Suite à cette fermeture, les importations de produits alimentaires ont baissé de 50 pour cent, selon l’unité Analyse et Cartographie de la vulnérabilité du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies.

Le riz, la semoule à couscous, l’huile et le lait - qui figurent dans le régime alimentaire traditionnel des Maliens du nord - importés d’Algérie approvisionnent la quasi-totalité des marchés de la région de Kidal, située au nord-est du Mali. Certains camions arrivent à passer la frontière, mais les marchands hésitent à faire le déplacement en raison des contrôles stricts et par crainte de nouveaux bombardements aériens, selon l’analyse du PAM.

Les marchés de Mopti fournissent des stocks importants de riz et de millet importés aux régions du nord du pays - une diminution de 40 pour cent de la disponibilité de ces deux céréales a été enregistrée à Kidal depuis janvier 2012. Le prix de ces céréales a enregistré une hausse de 120 pour cent par rapport aux moyennes des cinq dernières années, selon le PAM.

« Si la situation perdure, la sécurité alimentaire risque de se détériorer dans les jours à venir », a dit le PAM.

Des résidents de Gao (située dans le centre nord-est du Mali) et de Kidal ont tenté de passer la frontière algérienne, mais ils ont dû rebrousser chemin.

Des marchands algériens présents à Kidal essayent de vendre leurs stocks de nourriture.

Les habitants de Kidal dépendent des marchés hebdomadaires pour acheter et vendre une grande partie de leur nourriture, mais certains marchés sont toujours fermés ou perturbés. Un grand nombre de commerçants des régions de Kidal et de Gao ont fermé leurs magasins par crainte des pillages, indiquent les habitants et les agences d’aide humanitaire.

Les agences d’aide humanitaire craignent que les niveaux d’insécurité alimentaire anormalement élevés dans le Nord ne s’aggravent en raison des blocages : dans le Nord, qui compte 1,8 millions d’habitants, 585 000 personnes sont en insécurité alimentaire et plus de 1,2 million de personnes risquent de basculer dans l’insécurité alimentaire, selon une évaluation de la sécurité alimentaire réalisée par le PAM. 

D’après l’organisation non gouvernementale (ONG) locale Sol, les familles de Kidal ont suffisamment de céréales pour tenir 10 jours en moyenne.

À Kidal, les prix de la semoule à couscous et du riz, une céréale importée, n’ont pas enregistré de variation significative pour l’instant, mais le prix du millet - céréale consommée par les Maliens du nord et du sud - a enregistré une hausse de 120 pour cent par rapport aux moyennes des cinq dernières années dans le Nord.

Une situation difficile à Gao

Suite aux perturbations dans le corridor de Mopti-Douentza-Gao, une grave diminution des stocks de céréales a été enregistrée sur les marchés de Gao, indique Franck Vannetelle, directeur pays d’Action contre le Faim (ACF) dans la capitale Bamako.

Les habitants de Gao dépendent des céréales importées du Niger. « Si la frontière avec le Niger ferme, alors ils seront complètement isolés . Ce serait une catastrophe », a prévenu M. Vannetelle.

La plupart des éleveurs ont fui dans le bush avec leur bétail ; il est donc difficile de trouver de la viande sur le marché, a-t-il ajouté.

Les banques ont fermé leurs portes et la plupart des prêteurs d’argent privés ont suspendu leurs activités, ce qui a entraîné une crise des liquidités à Gao, a-t-il indiqué. Des bombes ont détruit un dépôt de carburants de la ville ; les résidents craignent une pénurie de carburants, qui les priverait de lumière.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) va continuer de distribuer des carburants dans les principales villes du Nord pour faire fonctionner les pompes à eau. Le Comité a commencé ces distributions il y a plusieurs mois.

Les résidents, qui sont confrontés à ces difficultés et à la coupure des lignes téléphoniques depuis plus d’une semaine, se sentent vulnérables.

« Il y a maintenant une semaine que les lignes téléphoniques ont été coupées, donc nous ne pouvons plus communiquer - nous sommes coupés du reste du monde, cela me fait peur », a dit Jafar Haïdara, membre du conseil régional de jeunes de Gao contacté par téléphone satellite.

« Gao est comme un no-man’s land », a-t-il dit. « Tout le monde est nerveux. Nous n’avons aucune idée de ce qui va se passer demain ».

Suite à la sécheresse de 2011 et à l’occupation islamiste de 2012, les Maliens du nord du pays étaient « déjà très vulnérables », a dit M. Vannetelle. Dans la région de Kidal, le taux de malnutrition sévère dans la région de Kidal était de 13,5 pour cent en octobre 2012, selon Médecins du Monde (MDM) - un taux deux fois plus élevé qu’en 2011.

Si la pénurie alimentaire continue à Gao, les résidents vont probablement rejoindre Kidal pour trouver de la nourriture, ce qui veut dire que les stocks pourraient diminuer rapidement, selon le PAM. Les marchands de Kidal devraient se rendre à Tombouctou, région productrice de riz, pour acheter du riz local, indique le PAM. 

Plans d’aide alimentaire

Les agences de sécurité alimentaire surveillent de près les marchés - ACF demande une surveillance au jour le jour. Le PAM termine des évaluations rapides de la situation de la sécurité alimentaire à Gao et à Tombouctou.

Selon ACF, les autorités doivent tout faire pour que la frontière avec le Niger reste ouverte.

L’organisation réclame également un renforcement de la coordination entre les agences de sécurité alimentaire, et demande à tous d’ouvrer en faveur de la sécurisation de l’accès au Nord.

Le PAM espère commencer les distributions dans le Nord au cours des prochains jours - éventuellement par la rivière - si l’accès est confirmé, selon la porte-parole Corinne Stephenson. L’organisation distribue déjà de la nourriture aux populations déplacées de Bamako, Mopti et Ségou.

ACF, qui intervient dans l’ouest du Mali, à Bamako et dans ses environs, ainsi qu’à Gao, envisage de distribuer de la nourriture dans le Nord.

Seulement 6 pour cent des fonds nécessaires à l’opération d’urgence 2013 lancée par le PAM ont été versés ; l’organisme a encore besoin de 128,6 millions de dollars.

Source : http://www.irinnews.org/reportfrench.aspx?reportID=97328