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 au Mali

Les ONG demandent la non-promulgation du Code de la famille

 au Mali

D 1er février 2012     H 12:26     A     C 0 messages


En 2010, une pression des milieux religieux faisait reculer le gouvernement malien dans son projet d’adoption d’un Code de la famille favorable à la promotion et à la protection des droits des femmes. Le 16 janvier dernier un nouveau texte a été promulgué par le président malien, qui revient sur l’essentiel des dispositions du premier Code. Des ONG se mobilisent et dénoncent.

Lettre ouverte au Président de la République du Mali



Votre Excellence, Monsieur le Président de la République, 



La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), l’Espace d’Echange et de Concertation des femmes du Mali et l’Union interafricaine des droits de l’homme (UIDH) expriment leur profonde préoccupation concernant le texte du Code de la famille, adopté par l’Assemblée nationale malienne le 2 décembre 2011, en deuxième lecture.



Ce code, qui était censé corriger les discriminations et améliorer le statut de la femme malienne et des enfants maliens, en réduisant les inégalités et en harmonisant les lois internes avec les conventions régionales et internationales ratifiées, représente un vrai recul en matière de droits humains des femmes et des enfants. Nos organisations soulignent la non-conformité de ce texte avec les principes garantis par la Constitution malienne, ainsi qu’avec les obligations internationales du Mali.

Nous nous adressons ainsi à vous, Monsieur le Président, afin de vous demander la non-promulgation de ce texte discriminatoire.

En effet, l’article 2 de la Constitution du Mali prévoit que « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ». Or, plusieurs dispositions du nouveau Code vont à l’encontre du principe de non-discrimination garanti par la Constitution. A titre d’exemple, l’article 311 du Code dispose aujourd’hui que "la femme doit obéissance à son mari" et selon l’article 314, l’homme est considéré comme l’unique chef de famille. De plus, l’article 282 consacre l’âge légal de mariage à 16 ans pour les filles et à 18 ans pour les hommes.



Nos organisations soulignent que le Code adopté par l’Assemblée nationale, s’il était promulgué en l’état, romprait l’égalité entre Maliens et Maliennes consacrée par la Constitution. Par ailleurs, le texte irait à l’encontre des obligations internationales du Mali consacrées, notamment par son adhésion à la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ratifiée en 1985, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes, ratifié en 2005, ainsi que la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, ratifiée en 1990.

Par ailleurs, nos organisations notent que le délai de promulgation, fixé à 15 jours selon l’article 40 de la Constitution, est déjà largement dépassé.



Compte tenu de ces éléments, de votre rôle de garant de la Constitution et conformément à l’article 40 de la Constitution malienne, nous vous demandons, Monsieur le président, de ne pas promulguer le nouveau Code en l’état, afin de permettre la mise en place d’un code de la famille respectueux à la fois des normes constitutionnelles et internationales. Une telle décision est indispensable au respect des droits humains des femmes maliennes et honorerait la République du Mali.



Nous avons confiance dans votre volonté de promouvoir les droits des femmes maliennes et comptons sur vous pour éviter tout recul à cet égard. 


Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre haute considération.

* Mme Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH, Me Moctar Mariko, président de l’AMDH, Me Kadidia Sangaré Coulibaly, L’Espace d’Echange et de Concertation des Femmes du Mali, Me Brahima Koné, président de l’UIDH

Source : http://pambazuka.org