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Mali et République centrafricaine : la Françafrique à la manœuvre

D 14 avril 2013     H 12:36     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Partira, partira pas  ? Le retrait militaire français du territoire malien est censé commencer à la fin du mois d’avril. Or, des doutes commencent à se faire jour sur la réalité de ce retrait. «  Il y aura un retrait progressif, pragmatique dans l’appréciation de la situation  », a prévu le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors d’un déplacement au Mali du 7 au 8 mars.

Théoriquement, de 5 200 soldats actuellement mobilisés, le contingent français est censé passer à 2 000 en juillet prochain, puis 1 000 en fin d’année. Or, la réalisation de cette annonce paraît aujourd’hui compromise. Dans un rapport du secrétaire général des Nations unies du 26 mars, celui-ci semble en effet s’opposer au départ des Français et envisager le maintien d’une présence militaire de l’ex­-puissance coloniale. Ce rapport envisage la création d’une «  force de maintien de la paix  » de 11 200 hommes, et doublée d’une force parallèle «  antiterroriste  » supplémentaire.

L’argument avancé est celui qu’un retrait français plus ou moins rapide «  serait de nature à accroître le risque de résurgence des groupes islamistes armés  ». L’hypothèse inverse pourrait cependant être tout aussi bien envisagée  : à la longue, l’ex-puissance coloniale pourrait légitimer le combat des djihadistes, les faisant passer pour de prétendus «  résistants  ». Les exemples de l’Irak occupé à partir de 2003 et de l’Afghanistan ont montré que des troupes d’occupation étrangères peuvent agir comme un «  aimant  » pour les forces djihadistes. Aujourd’hui, une bonne partie de la société malienne ne semble pas vivre les troupes françaises comme une force d’occupation, puisque beaucoup de citoyenNEs malienNEs veulent encore croire à une opération limitée dans le temps. Un maintien prolongé des militaires français pourrait cependant radicalement changer la donne.

Derrière les justifications…

Des troupes françaises sont également intervenues, la semaine dernière, en République centrafricaine (RCA), sans pour autant empêcher la chute du président François Bozizé. Ce dernier avait été prévenu  : «  La France ne défend que ses ressortissants et ses propres intérêts  », lui avait rétorqué en substance François Hollande fin décembre. La coalition rebelle Séléka menaçait alors déjà son pouvoir, et Bozizé tentait de convaincre le gouvernement français d’intervenir pour le sauver. Or, à Paris, on a visiblement analysé que cela ne correspondait pas à son intérêt stratégique.
Néanmoins, le gouvernement français a décidé le 24 mars d’envoyer 300 soldats supplémentaires en RCA, venant s’ajouter aux 200 qui étaient sur place. La justification officielle est «  la protection des ressortissants français et européens  », un motif classique pour couvrir les interventions militaires françaises en tout genre. En réalité, il s’agit surtout de remplir deux objectifs. Premièrement, de «  sécuriser  » l’aéroport, et de garder ainsi la garantie d’un accès au pays. En second lieu, de montrer la puissance française à la Séléka, ancienne opposition armée et désormais ossature du nouveau pouvoir.

Lundi 1er avril, un gouvernement d’«  union nationale  » vient d’échouer, les autres participants critiquant une domination de la Séléka par de «  faux représentants de la société civile  ». Pour la France, il s’agira bien de composer avec ces nouveaux gouvernants pour garantir au mieux «  ses propres intérêts  ». D’ailleurs, c’est la France qui formera la future armée centrafricaine, selon un accord avec la Séléka…

Bertold du Ryon