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Mali-France : Juppé décrié par l’opposition et la société civile

D 1er mars 2012     H 12:33     A Issa FAKABA SISSOKO     C 0 messages


Venu à Bamako dans le cadre d’une prétendue « recherche de dialogue » entre le Mali et la rébellion, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a du faire face à la manifestation de colère de certains militants de l’opposition et de la société civile. Ceux-ci dénoncent « l’attitude ambiguë de la France » et « l’insistance » de celle-ci à imposer au Mali de déposer les armes contre les « rebelles » du MNLA.

Après le Bénin et le Burkina Faso, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a bouclé ce dimanche 26 février une visite sommaire de quelques heures dans notre capitale. Reçu par le chef de l’Etat Amadou Toumani Touré, M. Juppé était, dit-il, venu « rassurer les autorités maliennes face la crise du Nord et assurer de la disponibilité dela France dans la résolution de la rébellion ». C’est du moins ce qu’il a révélé aux journalistes à sa sortie d’audience à Koulouba.

Mais, le discours est loin de convaincre les militants de l’opposition et de la société civile, qui l’ont accueilli avec des slogans hostiles. C’était à la faveur d’une manifestation organisée par le Collectif « Touche pas à ma Constitution » et la jeunesse Sadi, principal parti d’opposition. La marche qui a quitté l’ambassade de France pour le Musée national de Bamako, a enregistré la participation de nombreux leaders de la société civile, dont le président dela Coalitiondes alternatives/Dette et développement (CAD-Mali), un mouvement altermondialiste réputé proche de la gauche.

Les manifestants qui scandaient des slogans hostiles àla France, ont dénoncé ce qu’ils appellent « l’ingérence » de l’ex-colonisateur dans les affaires intérieures du Mali. « La question de la rébellion est un problème maliano-malien, et nous ne comprenons pas l’intérêt accordé parla Franceà cette crise. Pire, l’insistance de celle-ci à imposer au Mali à déposer les armes après avoir été attaqué par des groupes d’assaillants, donne matière à réfléchir », a déclaré le président dela CAD-Mali, Sékou Diarra. Qui s’interroge sur « l’attitude ambiguë dela France ».

Dans un contexte de fortes supputations

La visite du ministre français des Affaires étrangères au Mali intervient dans un contexte très tendue des relations entre les deux pays à cause de la situation au Nord. A Bamako, comme dans les grandes villes du pays, on soupçonne le soutien de l’ancienne métropole en faveur des rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Aujourd’hui, nombreux sont les observateurs qui s’accordent quela Francea de bonnes raisons d’attiser le feu. Si M. Juppé s’en est défendu ce dimanche face aux journalistes, certains analystes sont formels : « Contrairement aux déclarations officielles, les autorités françaises n’apportent rien au Mali pour la résolution de la crise au nord. Bien au contraire, elles veulent tirer profit de la résurrection de la rébellion dont les leaders politiques bénéficient de tout le confort nécessaire à Paris, et des manifestations de colère des populations pour régler leurs comptes avec le président Amadou Toumani Touré « coupable » d’ avoir refusé d’accéder à des sollicitations de Nicolas Sarkozy comme l’installation d’une base militaire française à Sévaré ». En clair, arguent de nombreux spécialistes de la question, ces refus, passés pour une défiance de la très grande France, viennent s’ajouter à un autre contentieux entre le président malien et son homologue français : celui de la non signature par le Mali de l’ « Accord de réadmission des expulsés ». En dépit des pressions, notre pays est resté sur cette position depuis 2006 alors que la Francea déjà fait signer le fameux « Accord » par 8 pays d’Afrique dont le Burkina Faso et le Sénégal ainsi que l’Ile Maurice. Dans ce bras de fer, ATT est adossé à un soutien total de tout le pays dont la population expatriée est à 4 millions de ressortissants, 3 millions d’entre eux étant installés en Afrique et 200 000 en Europe, dont 100 000 en France, selon les estimations.

« Il allait donc de soi que le président Sarkozy prenne très mal que le chef de l’Etat malien affichait ses soutiens à Kadhafi quandla Franceplanifiait la mise à mort du dirigeant libyen » expliquent d’autres commentaires. Pour qui, « les manifestations de très grande envergure menées à Bamako ont sonné à Paris comme la dernière provocation du président ATT à qui il faudra rendre la vie impossible durant les derniers mois de son dernier mandat ». Bref, pensent certains, « il allait finalement de soi que Sarkozy et son pays soient aujourd’hui derrière tous les projets de déstabilisation du pouvoir au Mali ».

En attendant que toute la lumière soit faite dans de l’éclatement de la rébellion au Nord, les commentaires vont bon train, et chacun y va de son argumentaire. Mais Alain Juppé, lui, est retourné en France avec l’image qu’une importante partie de la population malienne a désapprouvé sa visite au Mali.

Issa Fakaba Sissoko

Source : http://www.partisadi.net/