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Mali : Les Pays du Sud continuent de financer le développement des pays du Nord

D 19 mars 2014     H 05:53     A Foussény Traoré     C 0 messages


La Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD-Mali) s’investit
depuis plusieurs années dans la compréhension des processus d’endettement des pays
appauvris et la lutte pour l’annulation des dettes des pays du Tiers Monde.

Dans ce sens, elle bénéficie de l’accompagnement des partenaires comme CADTM Belgique, OXFAM Novib dont
les appuis permettent de mettre en oeuvre le programme triennal 2012-2014 « Actions citoyennes de construction
d’opinions publiques, d’alternatives et de mobilisations populaires contre les endettements et les violations des droits
humains ». La lutte contre les endettements ne peut être effective sans des capacités d’analyse et de revendication
de haut niveau. Lutter contre les dettes illégitimes et odieuses commence par l’audit desdites dettes. C’est en cela
que prend tout le sens du combat de la CAD-Mali.

Il est connu, les organisations de la société civile se sont engagées mais de façon disparate sur la problématique de
suivi et plaidoyer politique sur les questions d’endettement. Le niveau actuel de conditions de vie des populations
africaines recommande de revoir en urgence les stratégies de lutte ; des stratégies de lutte qui commencent par la
construction de consciences collectives.
Les citoyens outillés pour un éminent audit citoyen des dettes du Mali
Deux sessions de partage de connaissances sur la problématique des dettes publiques se sont tenues
respectivement :

• du 18 au 20 janvier 2014 au siège de la CAD-Mali à Bamako en présence d’une cinquantaine d’activistes de la
société civile et animée par messieurs Sékou DIARRA, président de la CAD-Mali et Moctar COULIBALY, militant
de la CAD-Mali ;

• et le 1er février 2014 au musée national avec pour les mêmes militants et animée par Monsieur Renaud VIVIEN
du Comité pour l’Annulation des Dettes du Tiers-Monde (CADTM) Belgique appuyé par le Président de la
CAD-Mali. Le partenariat entre ce Réseau qui date de plusieurs années vaut aujourd’hui à la CAD-Mali d’abriter
depuis janvier 2014, le siège du Réseau CADTM Afrique. Les quinze (15) pays membres sont répartis sur 4
continents avec un fonctionnement basé sur sa charte politique.
L’Objectif des sessions était de rehausser le niveau des activistes en matière de paramétrage des processus
d’endettement dans la perspective d’un audit citoyen des dettes dans les semaines à venir.

Pour un meilleur apprentissage collectif, toutes les présentations et tous les débats ont été traduits simultanément et
entièrement en Bamanan kan et en Français.
Lors des échanges, il a été question :

• des définitions et contenus de termes comme l’aide, le don, le prêt

• du nombre de fois de paiement déjà effectué de la dette par les pays du Sud depuis 1970 : cette dette ayant été
remboursée 110 fois depuis 1970 ;

• du rôle des entreprises multinationales : 86% ont leur siège dans les pays du Nord donnant une fois de plus la
preuve que le monde fonctionne sur les deux piliers que sont les intérêts et les rapports de force.

• de l’immorale répartition des richesses mondiales : les 85 personnes les plus riches possèdent autant de
richesses que 50% de la population mondiale, tout cela a été facilité par le mécanisme de la dette et la fuite des capitaux ;

• des conditionnalités de prêts, à savoir la liberté de mouvement des capitaux et des bénéfices engrangés au
Ssud, la faiblesse des impôts dus au pays du Sud, l’encouragement des détournements investis au Nord et les
paradis fiscaux au nombre de 72 à ce jour ;

• de la responsabilité des dirigeants africains avec pour preuve l’augmentation de la dette publique en temps de
crise ou de mauvaise gouvernance : au Mali, de 1992 à 1995, 21 nouveaux milliardaires dont 18 fonctionnaires
d’État ont été identifiés ;

• de la volonté de mainmise sur les ressources des pays du Sud qui justifient le refus d’annulation des dettes
étant donné que les créances des pays du Tiers Monde ne représentent que 2% des créances mondiales ;

• des éléments importants en matière de caractérisation des dettes, à savoir : la nature du régime débiteur, la
qualité des agents qui ont contracté la dette, les clauses du contrat de prêts, les conditionnalités imposées
notamment dans les lettres d’intention, les circonstances autour de ces accords de prêts, les destinations réelles
des fonds empruntés, les impacts des projets sur la population et l’environnement.

Il n’est pas hasardeux de dire que le Mali n’est pas un pays pauvre mais appauvri
Face à toutes ces données, il est simple de comprendre et de s’engager dans l’idée du message citoyen « nous ne
devons rien, nous ne paierons rien ».
Plusieurs écrits d’activistes expérimentés témoignent du chaos que vivent les populations appauvries. Il suffit de lire
« Banque mondiale, le coup d’Etat permanent », de Éric Toussaint disponible à la bibliothèque de la CAD-Mali. On
retiendra la note de Global Finance Integrity et de la Banque Africaine de Développement qui estime « la fuite illicite
des capitaux entre 1970 et 2008 à plus de 1000 milliards de dollars rien que pour les pays africains. Cela représente
environ 4 fois le montant de la dette de l’Afrique et 56% de son PIB en 2008 ».
Cette situation d’endettement est aggravée par le fait que les taux d’intérêt sont variables, indexés au taux du dollar
américain qui, comme on le sait, depuis 1971, a augmenté brusquement et unilatéralement provoquant un
accroissement des intérêts et donc des montants des dettes.

Des pays souffrant dans le gouffre de la dette ont relevé des défis de non paiement donnant ainsi l’exemple à suivre
 : il y a le cas de l’Équateur où un audit avec la participation des syndicats, des OSC, OSC femmes, réseaux
internationaux, a entrainé l’annulation de 8 milliards de dollar faisant chuter le montant de remboursement de la dette
tandis que la courbe d’investissement dans les services sociaux a augmenté.
Aujourd’hui des institutions internationales sont obligées de reconnaître l’ampleur du désastre. Ainsi, dans son
rapport 2012, l’Expert ONU sur la Dette ajoute de l’eau au moulin de la lutte en affirmant que « Si le service de la
dette est excessif ou disproportionné et absorbe des ressources financières destinées à la réalisation des droits de
l’homme, il devrait être ajusté ou modifié de manière à refléter la primauté de ces droits. Les allocations budgétaires
des États débiteurs devraient consacrer la priorité des dépenses liées aux droits de l’homme (paragraphe 49) ».

Il est à retenir aussi qu’un État a le droit de suspendre le paiement de la dette quand les droits humains sont
menacés par ce paiement sachant que le droit des peuples l’emporte sur celui des créanciers comme le dit le droit
international. Il suffit par exemple une analyse en référence à la Doctrine classique de la dette odieuse (1927,
Alexander Sack) à travers la considération des 3 conditions que sont l’absence de consentement des populations,
l’absence de bénéfice pour la population et la complicité des créanciers. Ainsi, les dettes du Mali sur la période 1971-
1991 soumises à cette analyse aboutissent à l’urgence morale et légale de les annuler.

La lutte s’impose à la société civile car « il n’y aura jamais de victoire sans lutte car jamais personne ne vous donnera rien gratuitement, surtout pas les fruits d’une lutte pour une vie », (Norbert Zongo, journaliste), étant donné
que « toute aide qui n’aide pas à se passer d’elle est à rejeter ». Ahmed Sékou Touré
Pendant le combat contre les dettes, la prudence doit être de mise car en effet, même quand on suspend le
paiement d’une dette, l’intérêt continue donc il faut suspendre le paiement et faire un gel des intérêts et la décision
doit venir du pays débiteur au lieu du créancier qui renforcerait son emprise sur le pays avec de nouvelles
conditionnalités et le maintien du paiement des intérêts.
Les acteurs d’un audit citoyen doivent construire un argumentaire très solide en vue de contrecarrer les accusations
illégitimes venant des pays et institutions prêteurs.

La lutte pour l’annulation de la dette ne doit pas être conduite seulement sur le plan des droits mais aussi un combat
politique (vote sanction, contrôle citoyen...). On veillera par exemple à comparer les montants remboursés de dette
et les investissements des États dans les services sociaux de base (SSB).
Au Mali, un audit citoyen pourrait porter sur la période 1992-1994 (période post chute de Moussa Traore, transition,
loi d’habilitation législative) et en 2013 au Mali (2 lettres d’intention juin et décembre, en pleine guerre, loi
d’habilitation législative).

De la nature des engagements des « donateurs » de la conférence de Bruxelles le 15 mai 2013 à l’endroit du Mali, il
sied de savoir que : 78 % de l’appui annoncé de la Banque Africaine de Développement et 34 % de l’appui de la
France, représentent des aides c’est-à-dire un prêt sans intérêt, 100 % de l’appui de la Banque islamique de
Développement et du Fonds monétaire international sont constitués de prêts donc avec des intérêts à payer en plus
du montant de base. Par ailleurs, la situation de crise de ces dernières années, de 2010 à 2013 a entrainé une
mobilisation de ressources avec les banques nationales d’où la nécessité d’étendre l’audit citoyen aux dettes
intérieures contractées pendant cette période.