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Mali - Majorité et minorité : Les minorités y passent

D 30 novembre 2014     H 06:01     A CSP75     C 0 messages


nous avons mené notre enquête
auprès des familles à paris, à Bamako, aux villages. il apparaît que si ce naufrage a eu lieu, c’est à cause
des méthodes de la filière des passeurs. un des responsables est originaire de
Sélinkégny, cercle de Bafoulabé. il avait
un correspondant passeur malien en
Libye, chargé de prendre les « clients » à
Bamako, à Gao. après le désert (soit
par le Niger soit par Algérie), ils travaillent avec les passeurs libyens qui font
construire à peu de frais des barques
destinées à disparaître en mer. tout ce
qu’ils perdent, eux, c’est les moteurs.

Comment s’y prennent-ils ? Ce qui suit
pourra sembler une histoire à dormir
debout, mais c’est ce qu’ils font, de
vrais criminels assassins.

Quand ils embarquent des gens, il y a
une majorité, par exemple malienne, et
des minorités, par exemple sénégalaise
ou mauritanienne, etc. les passeurs savent qu’au large ça devient impossible
de continuer sur de telles barques surchargées, et ils conseillent les gens de la
majorité, quand il semble probable
que le bateau va couler, de diminuer la
charge, le nombre de personnes, sinon
de toute façon tout le monde va y passer, c’est inévitable. il vaut mieux limiter les dégâts. Alors la majorité qui est
dans le bateau jette les minorités par- dessus bord. souvent, ceux qui en
savent quelque chose le remarquent à
l’arrivée : les minorités n’arrivent pas
en italie. si la majorité est sénégalaise, un certain point une fois atteint, la
minorité malienne disparaît dans les
eaux, et vice-versa.

Cette fois, que s’est-il passé exactement ?

Ils ont mis dans le même bateau des gens
qui venaient de la même région, de la
même commune, il n’y avait pas de majorité et de minorité. Au moment donné, si le bateau va couler, c’est pour tout le
monde. Car tout le monde se connaît, pas question de jeter X ou Y par-dessus
bord.

C’est ce qui s’est passé, ils étaient
tous condamnés à attendre la mort. le bateau, il faut le souligner, pour se
faire une idée assez claire du tableau
d’ensemble, est parti le 14 juillet des
côtes libyennes. normalement ça dure
entre deux et quatre jours. le 20 il n’y
a toujours pas de nouvelles, des familles
commencent à s’inquiéter. elles appellent un peu partout. le passeur malien
qui est en Libye sait que le bateau a
coulé mais il ne dit rien. il y a 80 autres
candidats qui attendent, il ne veut pas
perdre ce marché

Anzoumane Sissoko, Csp75